Europe : le traité de Maastricht malmené

Écrit par Patrick C. Callewaert, La Grande Époque
15.10.2009

  • Christine Lagarde (d.), ministre de l’Économie, et Eric Woerth (g.), ministre du Budget, ont présenté le 30 septembre le projet de loi de finance pour 2010. (Eric Feferberg/AFP/Getty Images)(Staff: ERIC FEFERBERG / 2009 AFP)

Les plans de relance annoncés un peu partout en Europe, tout d’abord pour endiguer la crise financière de 2008 puis faire face à la crise économique actuelle, font plonger dans le rouge les budgets de la quasi-totalité des pays européens, et mettent à mal deux des trois critères de convergence définis lors de la signature du traité de Maastricht en 1992: le déficit budgétaire et la dette publique.

Accroissement généralisé des dettes et des déficits publics

Le tableau ci-dessous présente les évaluations de ces deux critères effectuées par la Commission Européenne pour les neuf principaux pays européens, en % du Produit Intérieur Brut (PIB), tout d’abord sur 2009 ainsi que la projection sur 2010. Comparés aux critères de Maastricht, à savoir une dette publique limitée à 3% et un déficit public maximum de 60%, ces chiffres sont éloquents : mise à part la Suède qui fait figure de bon élève, aucun pays européen ne réussit à respecter strictement les critères du traité. Il est vrai que, hormis la Pologne qui reste en croissance de 1% en 2009, la récession a touché quasiment toute l’Europe avec un recul de PIB de 4% en moyenne. Celle-ci a entraîné une baisse importante des rentrées fiscales dans tous les pays, au moment où chacun engageait des plans de soutien à son économie, ce qui a brusquement accru les déficits et la dette.

Deux groupes de pays: les vertueux et les autres

Comme souvent en Europe, la coordination des politiques économiques et budgétaires est inexistante. On peut cependant distinguer deux groupes de pays, selon l’ampleur de ces dettes et la politique budgétaire menée. D’un côté, les pays vertueux, comme la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas, et la Pologne. Avant la crise, ces pays étaient relativement peu endettés et s’étaient déjà engagés dans une politique de rigueur budgétaire, parfois en inscrivant dans leur Constitution la nécessité d’avoir des finances saines, comme en Allemagne ou en Pologne. Ainsi en 2008, ces pays dégageaient des excédents ou se trouvaient à l’équilibre (2,5% pour la Suède, 0% pour l’Allemagne). De l’autre, les mauvais élèves, comme le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et l’Irlande, soit qui accusent des déficits énormes (11,5% au Royaume-Uni) en espérant que la reprise permettra un accroissement des recettes fiscales, soit dont les dettes publiques déjà très élevées (113% en Italie) et n’ont d’autre choix que de couper à vif dans les dépenses publiques tout en augmentant fortement les impôts (comme l’Italie et l’Irlande).

La France en position dangereuse

Depuis le début de la crise, la France annonce des plans de relance et se félicite officiellement d’être moins touchée que ses confrères européens. La situation financière du pays ne mérite cependant pas de pavoiser, au contraire. En effet, avec un déficit budgétaire de 8,2% du PIB et une dette publique 2009 de près de 80%, la France ne respecte aucun des deux critères de Maastricht, et cela dure depuis plusieurs années déjà. Le pays a lancé début 2009 un vaste plan de soutien à l’investissement, mais sa dette dépasse déjà nettement la moyenne des pays européens (79%), et le seul remboursement des intérêts est devenu le premier poste de dépense du budget de l’État ! Ajouté à cela, les déficits de 141 milliards d’euros annoncés pour 2009 et 116 milliards pour 2010 rendent vain tout espoir de renouer à brève échéance avec les critères de Maastricht, contrairement aux promesses de Nicolas Sarkozy.

Malgré des annonces rassurantes et la perspective d’un grand emprunt national, on voit mal comment l’État français pourra échapper à des mesures draconiennes de réduction du déficit, soit en arbitrant massivement les dépenses publiques, soit en préparant une hausse importante des impôts.