Une base de données créée pour dépister les abus psychiatriques en Chine

Écrit par Matthew Robertson et Grace Wu, La Grande Époque
21.10.2009
  • L'hôpital psychiatrique de Kunming, en Chine.(Stringer: China Photos / 2007 China Photos)

Un groupe de défense des droits de l’homme en Chine a créé une base de données pour dépister les victimes d’abus psychiatriques dans le pays.

Civil Rights and Livelihood Watch (CRLW) a lancé la base de données le 10 octobre 2009.

Selon le CRLW, la persécution psychiatrique est généralisée, brutale et sévère en Chine, et le groupe focalise sur la dénonciation de tels abus. À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale en 2008, CRLW avait publié une liste de cas et demandé la création de lois réglementant la santé mentale.

Le directeur du CRLW, Liu Feiyue, a déclaré à la radio Voice of America (VOA) : «[Notre] dernier geste a pour but de documenter au quotidien les cas d’abus psychiatriques en Chine. Nous espérons que ces cas seront continuellement recensés et exposés au reste du monde.»

La politique du Parti communiste chinois (PCC) selon laquelle «la stabilité passe avant tout» fait que les pétitionnaires, les dissidents, les militants ainsi que les pratiquants de Falun Gong sont qualifiés d’éléments réactionnaires, selon un communiqué de presse diffusé le 10 octobre par le CRLW, basé dans la province du Hubei.

Un rapport du CRLW affirme que ces groupes sont souvent victimes d’abus psychiatriques pendant les évènements jugés sensibles par le régime chinois. Cela a inclus les Olympiques, la Journée nationale, l’anniversaire du massacre de la place Tiananmen, le Congrès national du peuple et la Conférence consultative politique du peuple chinois. Les autorités prétendent qu’elles envoient les dissidents dans les institutions psychiatriques pour «assurer la stabilité», peut-on lire sur le site Internet du CRLW.

De tels individus, qui ne sont pas détenus à cause de maladies psychiatriques, sont fréquemment victimes de diverses méthodes de torture en captivité. Ils résistent souvent à leur détention et sont alors battus, électrocutés et injectés de drogues psychiatriques, même battus au point d’en être estropiés ou d’en mourir, selon le CRLW.

«C’est une société qui n'accorde pas d'importance aux droits de la personne et c’est ce qui a mené à cet état de choses», explique Liu Feiyue dans une entrevue téléphonique avec La Grande Époque.

Un cas donné en exemple par VOA est celui de Hu Guohong, un employé d’une compagnie de voitures à Wuhan ayant pétitionné les autorités pendant plus de dix ans. Il a été détenu dans un hôpital psychiatrique à trois reprises entre 2008 et 2009 : au moment des Olympiques, des deux congrès nationaux et aux alentours du 4 juin.

Hu a été arrêté par la police et d’autres agents avant les Olympiques. «Mon épouse ne savait pas à quel hôpital psychiatrique j’avais été envoyé», explique-t-il.

«J’ai été sévèrement électrocuté avec des matraques électriques. Après l’électrocution, j’étais attaché à un banc», raconte Hu. «Chaque jour, j’étais attaché au banc aussitôt que je sortais du lit, jusqu’à l’heure de se coucher. J’étais même attaché pendant les repas… Je n’ai pas pu voir ma famille pendant 70 jours, jusqu’au 7 octobre.»

Les initiatives du CRLW ont le soutien de certains journalistes et de gens qui ont été persécutés. Les principaux journaux, comme le China Youth Daily, publient aussi des reportages sur les abus psychiatriques, bien qu’ils soient restreints.

«Lorsqu’il est question du Falun Gong, des défenseurs des droits de l’homme et des dissidents, ils ne publieront certainement pas de tels cas. Mais ils aborderont des sujets moins sensibles», commente Liu Feiyue. Les pratiquants de Falun Gong, un groupe spirituel chinois, sont parmi les plus maltraités dans ce genre d’institution.

Liu Feiyue affirme qu’il ne sera pas surpris s'il y a des répercussions qui découlent de l’établissement de la base de données, mais il croit que ce travail est sous la responsabilité de son groupe.

«Mettre les gens normaux dans des hôpitaux psychiatriques est illégal et terrible. Cela a été critiqué par la communauté internationale. En révélant ces choses, les autorités seront bien sûr très choquées. Elles feront des menaces», a-t-il avancé. «Mais nous croyons que c’est extrêmement sérieux et ce n’est pas adéquat ni civilisé. Nous avons la responsabilité de faire cela [la base de données]. Il se pourrait que l’on rencontre de la pression ou la répression; nous y ferons face.»