"Mission Corail" en Guadeloupe

Écrit par Suzi Loo, La Grande Époque
07.10.2009
  • La larve se développe en pleine eau, pendant une phase planctonique, avant de chercher un endroit du récif pour s’accrocher. (Franck Mazéas ©)(攝影: / 大紀元)

Au cours du mois de septembre dernier la «Mission Corail» (programme de recherche scientifique) s’est déroulée en Guadeloupe. Les partenaires de cette opération : la DIREN Guadeloupe, Océanopolis (le parc de découverte des océans de Brest), l’aquarium de La Rochelle et l’aquarium de la Guadeloupe ainsi que la Direction régionale de l’environnement de Guadeloupe ont collaboré ensemble à cette étude. Le but est de travailler sur le développement in vitro des larves issues de ces pontes afin de parvenir à leur récolte.

 La récupération de gamètes de polypes au moment de la ponte (Montastrea faveolata et Montastrea annularis, deux espèces de la région) et l’observation de leur évolution dans les trois aquariums vont permettre de faire avancer la connaissance sur la reproduction et le développement des coraux. À l’heure actuelle, certains dangers sont accablants pour les récifs coralliens. Ce milieu plus que fragile a déjà, hélas, subi de trop grandes pertes au niveau mondial.

La chaleur élevée, ennemie des coraux

«Lorsque la température de l’eau excède de 30 à 31 °C pendant plus d’une quinzaine de jours d’affilée, on peut examiner un phénomène de blanchissement des coraux. Ils peuvent alors mourir à cause du départ des algues symbiotiques qui leur donnent leur couleur, d’où le terme de blanchissement. Le phénomène a déjà été observé en 2005, et plus de la moitié des coraux ont été touchés», rappelle Franck Mazéas, plongeur scientifique de la DIREN. Selon ses statistiques, il redoute la répétition de ces phénomènes avec l’élévation moyenne de la température des océans.

La pollution terrestre contribue à la disparition des coraux

La pollution terrestre, qui termine sa course dans la mer, a été abordée lors du dernier congrès IFRECOR (Initiative Française pour les Récifs Coralliens), qui s’est tenu l’an dernier en Guadeloupe. Ainsi, la pollution des eaux, causée notamment par les produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture et les défaillances de l’assainissement des eaux usées  parfois rejetées directement dans la mer  aggravent la situation et mettent en péril les coraux qui sont proches du littoral.

Disparition des coraux

Le temps presse et si l’on ne lutte pas rapidement contre la pollution et le réchauffement climatique, les coraux vont doucement et sûrement être portés à disparaître.

«La construction des récifs est très lente et s’étale sur plusieurs milliers d’années, expliquent les scientifiques des trois aquariums, et on risque de les détruire en quelques décennies. La zone intertropicale abrite 550 000 km² de coraux, et la France est responsable de 10 % de cette superficie dans trois océans. Le récif de la Polynésie est, par chance, en excellent état. Par contre, ce n’est pas le cas des récifs guadeloupéens et de leurs écosystèmes associés, c’est-à-dire herbiers de phanérogames et mangroves. Le problème reste grave, car nombre de ces espèces sont endémiques et leurs extinctions seraient donc inévitables.»

Le processus de maturation et la date des pontes

  • Yves Gladu(攝影: / 大紀元)

Les recherches qui sont effectuées par les trois aquariums  de La Rochelle, de Guadeloupe et de Brest  sont d’une grande importance. Matthieu Coutant, biologiste marin de l’aquarium de La Rochelle explique : «Nous recueillons un échantillon de gamètes de polypes en les piégeant lors de la ponte. Chaque année à date fixe, les polypes lâchent des œufs qui remontent à la surface et sont portés au hasard des courants pendant quelques jours avant de couler et de se fixer sur des rochers pour fonder une nouvelle colonie. Pour chaque espèce, nous connaissons exactement la date de ponte avec une fourchette de plus ou moins trois jours.» Les espèces choisies ont une reproduction sexuée, ce qui veut dire qu’elles pondent des œufs qui, une fois fertilisés, donne vie à une larve appelée planulae. La ponte et la fertilisation des œufs se font de manière externe, lors d’évènements extraordinaires et rapides où tous les coraux se mettent à pondre au même moment. La larve se développe en pleine eau pendant une phase planctonique, avant de chercher un endroit du récif pour s’accrocher.

Cette reproduction sexuée ne peut aboutir que si toutes les colonies d’une même espèce pondent en même temps. Les chances de fertilisation croisée sont augmentées et les prédateurs (poissons, zooplancton et invertébrés divers) ne peuvent pas gober tous les œufs émis, ce qui permet à quelques larves de survivre. Cette synchronisation dépend étroitement des phases de la lune et de la température de l’eau.

Ce processus est contrôlé par la température, alors que l’heure de déclenchement est pilotée par la lune.

Cette manipulation n’est possible qu’avec la participation de Franck Mazéas, chargé de mission écologie marine à la DIREN Guadeloupe. Il observe depuis plus de quatre ans ces pontes dans les eaux des Antilles. Il est donc capable de savoir à l’avance à quelle date exacte auront lieu les expulsions.

Une mission d’un grand intérêt pour l’aquarium de la Guadeloupe

L’intérêt pour la Guadeloupe réside dans la formation des équipes de l’aquarium à la stabulation des larves en laboratoire afin de pouvoir ultérieurement refaire cette manipulation localement et ainsi développer des coraux en laboratoire. On peut imaginer dans le futur «des fermiers de la mer» qui feront pousser des coraux en bassin pour les réimplanter en mer sur des zones abîmées, ou bien fournir l’aquariologie et éviter ainsi les prélèvements en mer.

L’opération délicate : le brassage génétique

Munis d’une autorisation, les scientifiques effectuent des prélèvements. C’est au bout de vingt minutes qu’ils vont séparer les gamètes mâles et femelles sur le bateau, puis ils les mélangent à nouveau. L’opération consiste à simuler le brassage génétique de ces espèces à reproduction sexuée. Au laboratoire de l’Aquarium, ils les déposent dans un bassin et recréent les mouvements de l’eau.

En mer, les œufs se fixent sur les parois rocheuses. En bassin, les scientifiques utilisent un substrat adéquat, souvent des morceaux de céramique, car c’est une matière poreuse sur laquelle les polypes vont pouvoir se fixer et commencer leur lente construction. Les polypes sont de petits animaux à tentacules qui construisent leur habitat. Une microalgue baptisée zooxanthelle vit en symbiose à l’intérieur du polype. De jour, la zooxanthelle tire sa nourriture de la photosynthèse. C’est pour cette raison que les récifs se situent dans les eaux peu profondes et très claires des lagons. Les zooxanthelles fournissent du sucre au polype. La nuit, le polype se nourrit de plancton. La concrétion calcaire qui en résulte donne sa forme et sa couleur au corail. Le polype, tout au long de sa vie, construit son habitat. Il lui faut un an pour fabriquer 1 à 10 cm² de squelette calcaire.

Faire avancer la connaissance

Pour les scientifiques, c’est essentiellement en amont qu’il faut agir en protégeant les récifs de la destruction. Car, même si l’objectif ultime de cette expérience est de réussir à maîtriser les élevages, la lenteur avec laquelle les récifs s’édifient ne permettrait pas de reconstituer une zone détruite avant de longs siècles.

  • Photo d'équipe(攝影: / 大紀元)

L’autre objectif de l’expérience est aussi de mieux comprendre pourquoi et comment cela fonctionne sur les coraux, car tous les coraux n’ont pas une reproduction sexuée. En aquarium, les expériences été portées sur des bouturages. On casse donc un morceau du récif et on le réimplante ailleurs. C’était les tous premiers  balbutiements concernant la reproduction in vitro d’espèces sexuées.

Cette expérience s’est déroulée du 8 au 13 septembre dernier à l’aquarium de Guadeloupe, destinée à déterminer un protocole pour initier d’autres élevages. Le développement des œufs prélevés sur les récifs guadeloupéens, va être observés à la loupe dans les trois aquariums. Un tiers de l’échantillon a été transporté à Brest, un tiers à la Rochelle et un tiers reste à l’aquarium du Gosier. Les différences de milieu entre ces aquariums peuvent donner des résultats différents. Cette expérience sera partagée ensuite avec les autres aquariums européens.

LGE : Une grande première pour l’Aquarium guadeloupéen ?

Le directeur Philippe GODOC :  «C’est une première pour ces deux espèces à l’Aquarium de Guadeloupe,»l’objectif est de réussir à maîtriser les processus d’élevage in vitro à l’avenir et les réintroductions. Le rôle de l’Aquarium est de faire découvrir au grand public la vie sous-marine et de le sensibiliser. Mais c’est aussi de participer à la recherche et à la conservation des espèces.

Une grande équipe mobilisée

Cette opération a mobilisé une douzaine de personnes (plongeurs, techniciens, scientifiques et caméramans). L’ensemble des moyens techniques de l’aquarium a été consacré à cette expérience qui constitue une grande première.

Un film sera produit à cette occasion à des fins pédagogiques et pour une diffusion sur les grands médias nationaux. Yves GLADU spécialiste de la prise de vue sous-marine et chef opérateur sous-marin a été chargé avec son équipe de réaliser les images.

Aquarium de Guadeloupe

Bas-du-Fort_97190 LE GOSIER

Contact : 0590 909 238

Pour informations supplémentaires, consulter : www.guadeloupeaquarium.com