Autorité palestinienne: après Abbas, Marwan Barghouti ?

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
10.11.2009

  • Ramallah – Un Palestinien touche le portrait géant de Marwan Barghouti. (AWAD AWAD/AFP/Getty Images)(Staff: AWAD AWAD / 2004 AFP)

Mahmoud Abbas ne «désire» pas a priori être candidat à un second mandat à la présidence de l’Autorité palestinienne, lors des élections du 24 janvier prochain. S’agit-il d’une décision irrévocable – la formulation de son annonce du jeudi 5 novembre ne le laisse pas penser – ou d’une façon de mettre la pression sur les États-Unis et Israël?

La plupart des médias penchent pour la seconde hypothèse, tant la déclaration du chef de l’Autorité palestinienne peut être vue comme une réaction irritée aux déclarations de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, lors de son déplacement en Israël.

Mme Clinton a effectivement commencé par annoncer son soutien au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avant de malgré tout condamner les implantations juives en Cisjordanie, pour finalement conclure que le gel partiel de la colonisation était «historique».

Un message sans clarté, perçu comme une quasi-trahison alors que Mahmoud Abbas fait face à de violentes critiques pour avoir soutenu – sous pression américaine – la décision de retarder la validation du rapport des Nations unies sur les crimes de guerre lors de la guerre à Gaza en début d’année.

Un rapport accusant les autorités israéliennes de s’être rendues coupables de crimes graves lors de l’opération «Plomb durci».

Mouin Rabbani, un des éditeurs du Middle East Report cité par Al Jazeera, considère froidement que la décision d’Abbas n’est qu’une «représentation politique»: «Je ne l’imagine pas quitter son poste prochainement. Si c’était sa volonté, il aurait annoncé sa démission»,  affirme M. Rabbani. «Au lieu de cela, il dit qu’il ne sera pas candidat dans des élections que lui-même ne croit pas devoir se tenir. C’est pour cette raison que j’appelle cela du théâtre politique.»

En effet, le Hamas, rival du Fatah contrôlant la bande de Gaza, considère que les élections prévues en janvier seraient illégales si elles avaient lieu. Toute personne à Gaza qui y participerait serait durement punie. L’Autorité palestinienne décidera-t-elle malgré tout de maintenir les élections? La décision doit être prise d’ici au mois de janvier et il est probable que l’appel aux urnes soit repoussé pour éviter d’accentuer la scission entre Ramallah et Gaza.

Dans ce cas Mahmoud Abbas, qui n’a pas menacé de démissionner, garderait son poste. Ce dernier balaie cependant l’argument d’une déclaration purement tactique: «J’ai dit à nos frère de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine] que je n’ai pas le désir de me présenter aux prochaines élections. Cette décision n’est ni une sorte de compromis ni une manœuvre», cite Al Jazeera. «Nous sommes au croisement des chemins. Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour avoir le droit à un État. Depuis les accords d’Oslo en 1993 [dont il est l’architecte principal], tous ces accords sont basés sur la terre et la paix et demandent la fin de l’occupation israélienne de 1967. Nous avons promis avec Israël de trouver une solution à deux États, mais mois après mois nous n’avons vu que de l’auto-satisfaction et de la procrastination.»

Dirigeant historique et co-fondateur du Fatah, Mahmoud Abbas, 74 ans, a remplacé Yasser Arafat il y a cinq ans. Israël s’inquiète déjà de voir une figure radicale le remplacer à la tête de l’Autorité palestinienne.

Le quotidien Haaretz annonce ainsi que le président israélien, Shimon Peres a personnellement appelé Mahmoud Abbas pour lui demander de reconsidérer sa décision: «Si vous partez, les Palestiniens vont perdre leur chance d’avoir un État indépendant. La situation dans la région se détériorerait. Restez, pour le bien des Palestiniens». Ehud Barak, le ministre de la Défense israélien, sans se positionner, espère cependant que l’annonce de M. Abbas ne va pas ruiner «les efforts pour entamer des négociations et arriver à un accord de paix».

Samedi 7 novembre, les sympathisants du Fatah défilaient dans les rues de Ramallah pour demander à Mahmoud Abbas de rester à la tête de l’Autorité. «Il y a une atmosphère de confusion et d’anxiété parmi ces gens», commentait Nour Odeh, journaliste d’Al Jazeera.

Les candidats possibles

Quatre noms ressortent comme des candidats possibles à la succession de Mahmoud Abbas: Mohammed Dahlan d’abord, une figure charismatique du Fatah, dont la réputation a cependant été sérieusement entamée par une campagne de communication du Hamas qui l’accuse d’être lié à la mort de Yasser Arafat. Il est également considéré comme partiellement responsable de la prise de pouvoir du Hamas à Gaza.

Le nom d’Abou Maher Ghneim, numéro deux du Fatah et bras droit d’Abbas est également suggéré; ses proches indiquent cependant que l’homme, ancien commandant des troupes d’assaut du Fatah, ne souhaite pas se porter candidat.

Troisième candidat possible, Nasser Al-Qidwa, ancien ambassadeur de l’OLP et neveu de Yasser Arafat ; celui-ci est reconnu à l’international mais peu apprécié au sein du Fatah ce qui limite ses chances d’être investi.

Le plus improbable – et plus emblêmatique – successeur potentiel à Mahmoud Abbas de tous est sans aucun doute Marwan Barghouti, ancien chef du Tanzim, emprisonné à vie en Israël.

Le symbole Marwan Barghouti

Figure palestinienne charismatique, Marwan Barghouti jouit d’une popularité inégalée qui lui permettrait de battre n’importe quel candidat du Hamas si celui-ci – ce qui n’est pas le cas – acceptait de participer aux élections.

Considéré comme un homme de principes, Barghouti s’est attiré le surnom de «Nelson Mandela palestinien», ce que son emprisonnement et sa récente réputation d’homme de compromis justifient plus que son implication dans des attaques meurtrières contre des civils israéliens.

Marwan Barghouti a été arrêté lors d’un raid israélien à Ramallah en 2002 et a été condamné à cinq fois la prison à vie pour un attentat dans un marché de Tel Aviv ayant fait cinq morts.

Danny Ayalon, vice-ministre des Affaires étrangères israélien, a d’ores et déjà exclu sa libération, au contraire de Shimon Peres qui l’envisagerait si Barghouti était élu à la tête de l’Autorité palestinienne.

Marwan Barghouti est sans doute le seul candidat potentiel du Fatah à être respecté par le Hamas, pour son rôle dans la seconde Intifada contre Israël. C’est à cette période que Barghouti avait créé la Brigade des martyrs d’al-Aqsa. Le point fort de la candidature de Barghouti et de son éventuel futur rôle dans le processus de paix est qu’il est probablement le seul à pouvoir espérer rallier Fatah et Hamas.

Icône populaire dont les portraits sont visibles partout dans les territoires palestiniens, Marwan Barghouti pourrait aussi ranimer l’espoir chez les Palestiniens: déçus du manque d’avancées dans le processus de paix, une récente enquête d’opinion montre que la majorité d’entre eux ne voit pas l’intérêt d’aller voter.

Samedi 7 novembre, des responsables du Fatah à Ramallah ont indiqué que Marwan Barghouti serait prêt à briguer la présidence de l’Autorité Palestienne. Si l’annonce se vérifie et si le Fatah soutient cette candidature, cela annoncerait une campagne d’un type inédit; une campagne menée depuis le fond d’une cellule de prison.