H1N1: l'effet d'une grippe saisonnière ordinaire?

Écrit par Joan Delaney, La Grande Époque
23.11.2009
  • Une salle de classe est désinfectée dans l'école Georges-Brassens, dans le sud de la France(Staff: PASCAL GUYOT / 2009 AFP)

Tandis que la campagne de vaccination du gouvernement pour la grippe A (H1N1) se poursuit, l'ancien directeur en chef de la santé publique de l'Ontario estime que la gravité de la pandémie a été exagérée.

Dr Richard Schabas, maintenant hygiéniste en chef pour la région d'Hastings et Prince Edouard en Ontario, affirme que les responsables de la santé publique ont réagi trop fortement face au H1N1.

«Je crois que sa gravité serait, selon toute probabilité, comparable à celle de la grippe saisonnière. J'avais dit en mai dernier qu'il n'y avait pas de quoi paniquer, que ça n'allait pas être un problème grave, et je crois que cette intuition était juste», explique-t-il.

Il mentionne que les responsables de la santé publique auraient dû observer comment le virus s'est comporté au Mexique, au Canada au printemps dernier et dans l'hémisphère Sud durant sa saison hivernale de grippe. Le virus H1N1 a fait son bout de chemin en Australie pendant environ 14 semaines et s'est ensuite estompé, sans vaccin, vers la mi-août.

«Je crois qu'il y avait alors beaucoup de preuves que ce ne serait pas un évènement sérieux.»

Dr Schabas souligne qu'au début du mois d'août, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait publié une évaluation concluant que le nombre de cas dans les pays tempérés de l'hémisphère Sud était seulement un peu plus élevé que durant une saison normale de grippe.

«C'est exactement ce à quoi nous aurions dû nous attendre ici», estime-t-il.

«Ça ne veut pas dire que nous n'aurions pas dû nous occuper du vaccin, mais ce qui est dommage avec le vaccin c'est qu'il est vraiment arrivé trop tard au Canada pour faire une différence. Mais je crois que les responsables de la santé publique, particulièrement en Ontario et en Colombie-Britannique, doivent reconnaître qu'il y a peu de raisons pour vacciner des gens en santé en ce moment, car les déclarations de cas s'estompent.»

Au Québec, le virus aurait causé jusqu'à maintenant un peu moins de 50 décès alors que la grippe saisonnière fait plus de 1000 victimes annuellement dans la province, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique du Canada, a déclaré en conférence de presse dernièrement que la «complaisance n'est pas de mise même lorsque nous avons atteint le pic, peu importe quand cela pourrait se produire. Il y aura encore l'autre côté de la pente à descendre, ce qui veut dire que des millions d'autres pourraient être infectés».

L'Agence de la Santé publique du Canada estime que le nombre de décès attribuables à la grippe saisonnière fluctue entre 700 et 2500 annuellement. Le nombre total de décès causés par le H1N1 au Canada jusqu'à maintenant est environ 200.

David Butler-Jones affirme que les possibilités que quelqu'un meure du H1N1 sont «en fait très, très minimes, mais lorsque vous étendez ça à des millions et des millions de gens, le nombre est plus grand». Il estime que le virus est «totalement imprévisible».

«Il n'y a pas moyen de prévoir qui tombera malade, qui sera gravement affecté, parmi la population d'environ 10 millions d'entre nous qui ont le potentiel de tomber malades si, à un certain point, nous ne sommes pas immunisés.»

Les responsables de la santé publique ont annoncé dernièrement que 8 millions de doses supplémentaires du vaccin allaient être disponibles pour les Canadiens dans les prochaines semaines. À ce jour, plus de 8,5 millions de doses ont été administrées au Canada.

On rapporte que le coût de cette campagne nationale de vaccination, en constante augmentation, serait de 1,51 milliard de dollars, soit beaucoup plus que les 806 millions de dollars initialement prévus. Dr Schabas estime que cet investissement massif des gouvernements n'est pas justifié, une opinion partagée par Alan Cassels.

 

«C'est un montant énorme pour une toute petite menace», affirme M. Cassels, un chercheur affilié à l'École des Sciences de l'information de la santé à l'Université de Victoria.

«Je crois que c'est absolument tragique si l'on considère les maladies qui tuent le plus : la tuberculose, le sida, les maladies de la pauvreté.»

Alan Cassels croit que l'OMS a peut-être fait un faux départ en déclarant le H1N1 une pandémie, soulignant qu'en 2005 l'organisation avait prévu que jusqu'à 150 000 millions de personnes pourraient mourir de la grippe aviaire dans le monde. Finalement, au total, 262 personnes sont décédées.

En 1976, le gouvernement américain avait grandement surestimé une épidémie de grippe porcine. Bien qu'aucune infection n'avait été recensée à l'extérieur de Fort Dix, New Jersey, la souche du H1N1 avait déclenché une campagne nationale d'immunisation.

En fin de compte, la grippe a tué une personne sur environ 200 cas. Cependant, les effets secondaires du vaccin ont causé 500 cas du syndrome de Guillain-Barré – une maladie affectant le système nerveux – causant 25 morts. Le vaccin a été retiré après dix semaines lorsque le lien avec la maladie neurologique est devenu évident. Le gouvernement américain a éventuellement payé 90 millions de dollars en dommages.

Dr Butler-Jones a déclaré en conférence de presse la semaine dernière qu'une personne est décédée au Canada en raison du vaccin H1N1 et que 36 cas de réactions sévères ont été rapportés, la plupart de convulsions ou de chocs anaphylactiques provoqués par la fièvre.

Richard Schabas se plaint du fait que de nombreux aspects de la santé publique, notamment le programme antitabac de l'Ontario, ont été mis sur la glace alors que les ressources convergent vers la grippe A (H1N1).

«Je crois que nous allons nous apercevoir que le tabac fera près de 100 fois plus de victimes cette année au Canada que le H1N1. Je suis d'avis qu'il est temps pour nous de retourner à notre vrai travail», plaide-t-il.