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Régina, une commune au patrimoine de reine

Écrit par Frédérique Privat, La Grande Époque - Guyane
23.11.2009
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  • Justin Anatole, maire de Régina, lors de la visite guidée en créole de l’Ecomusée municipal d’Approuague-Kaw (EMAK) présentant les dernières machines vestiges de la scierie de Régina.(攝影: / 大紀元)

À l’occasion des Journées du Patrimoine qui se sont déroulées les 19 et 20 septembre derniers, nous nous sommes rendus dans la commune de Régina, située dans l’Est guyanais, sur les bords de l’Approuague, troisième fleuve de Guyane en superficie. Nous avons rencontré le maire de Régina, Justin Anatole, avec qui nous nous sommes longuement entretenus du passé riche de cette région, de ce présent qui renaît peu à peu, et d’un avenir souhaité aussi intéressant que dans les beaux jours passés. 

 

LGE : Nous sommes aujourd’hui à l’écomusée de la ville dans lequel vous avez vous-même animé une visite de l’exposition permanente en créole. Pourquoi un écomusée à Régina?

Justin Anatole : La commune s’est donnée, depuis plusieurs années, un objectif de savoir et de savoir-faire parce qu’elle était en perte de vitesse. Une commune si riche en histoire avait besoin de le faire savoir! Mais pourquoi? Tout simplement afin de laisser des traces aux générations futures, aux Guyanais et aux autres personnes venant de l’extérieur… et parce que Régina était, économiquement parlant, une commune très riche à une époque, et nous voulions retranscrire cela dans la durée.

 

LGE : Vous parlez de Régina qui a un passé très riche, pouvez-vous nous en dire un peu plus?

Justin Anatole : Au début du XVIIe siècle, Régina a été une commune pressentie pour développer l’agriculture grâce à ses terres basses dites terres noyées et qui avaient l’avantage d’être suffisamment fertiles pour la production agricole.

 

On a connu au temps des Antilles françaises la période esclavagiste qui a été essentiellement consacrée à la main d’œuvre pour permettre aux colons de pouvoir produire différentes denrées dont l’Europe avait besoin. Outre cela, il y a eu d’autres activités qui ont primé sur le secteur de l’Approuague, notamment le bois de rose pour son essence, le balata pour sa gomme, et également la grande épopée de l’orpaillage.

 

LGE : Quelles ont été alors les causes du déclin de cette région?

Justin Anatole : Historiquement parlant, je vous dirais que nous avons été mis hors circuit par la qualité du sucre produit aux Antilles, ajouté à l’éloignement par rapport au coût de la production de sucre en Guyane, notamment à Régina. Le sucre de Guyane n’était plus compétitif. Voilà déjà un premier choc perçu.

 

Deuxièmement, avec la découverte de l’or, toutes ces activités agricoles qui méritaient d’exister ont été gommées par l’orpaillage. Puis l’orpaillage est tombé à son tour parce qu’à un moment donné l’Etat à mis un frein à l’installation des placeurs en nommant le bureau minier en Guyane pour pouvoir faire des investigations à grande échelle de la potentialité de la ressource, et on a mis à la porte bon nombre d’orpailleurs. Quant au bois de rose, c’est pareil.

 

LGE : En tant que maire de Régina, que pensez-vous mettre en place afin de réhabiliter cette région?

Justin Anatole : Aujourd’hui ce serait difficile de faire venir s’installer un industriel sur l’Approuague. Je suis en train de revaloriser ce patrimoine en proposant à une majorité de personnes de le découvrir et de le visiter.

 

LGE : Vous proposez de visiter les vestiges de Guisanbourg, «quartier de Régina» qui était situé sur l’Approuague et autrefois très productif commercialement. Avez-vous des perspectives d’avenir concernant ce site?

Justin Anatole : Le site de Guisanbourg a été asséché par l’ingénieur suisse Guisan afin de mettre en place des polders ainsi qu’une zone de vie. Aujourd’hui, il serait difficile pour la municipalité de Régina avec officiellement 900 âmes en tout et pour tout, en terme de budget, de remettre Guisambourg sur pied. La démarche est plutôt d’en faire un site touristique.

 

Les équipements sont de véritables ruines, la végétation a repris ses droits. De plus, il y a l’éloignement de Guisambourg, à une heure vingt de pirogue de Régina… Et je ne me vois pas laisser des objets dans un site qui ne fonctionnerait que le weekend, car il serait vite pillé… Toutes les maisons de Guisambourg ont été démontées et remontées sur les sites d’orpaillage situés sur le Haut-Approuague.

 

LGE : L’orpaillage serait-il alors l’un des facteurs principaux de la disparition de sites à la fois de production ou de vie autour de Régina?

Justin Anatole : Non, ce n’est pas l’orpaillage qui est à l’origine de cela, mais l’humain, tout simplement.

 

LGE : Autrefois l’orpaillage était une activité « saine » qui respectait l’environnement et qui a permis de faire connaître la région à des Antillais et autres qui venaient en Guyane pour prospecter. Mais maintenant, que pensez-vous de l’orpaillage tel qu’il est pratiqué actuellement?

Justin Anatole : J’ai des pincements au cœur par exemple pour les villages de Sainte Lucien, Coco, Souvenir, Pierrette, Maïs, etc. Quand on se rend sur ces sites, c’est le désastre. Il y a eu un bouleversement incroyable de la nature! Tant de destructions! Et je sais que sur les lieux où les clandestins brésiliens ont travaillé des forêts ne repousseront jamais, malheureusement. Là, c’est la face cachée qu’on ne montre jamais.

 

LGE : Y a-t-il une politique du gouvernement français en matière de protection de cet environnement, et quelle est-elle?

Justin Anatole : Les faits et les actes sont deux choses, tout le monde le sait. On a fait le Grenelle de l’environnement, le Grenelle de la mer. En France nous avons la tradition de beaucoup parler mais on ne joint pas des actes forts à la parole. Je vous cite un exemple: au Surinam, les orpailleurs brésiliens ont essayé d’envahir des sites… eh bien, je peux vous dire que les Surinamais ont réglé le problème en une semaine.

 

Nous sommes en Guyane et donc en France. On passe beaucoup de temps et beaucoup d’argent sur différentes opérations menées sur le territoire que je dirais insuffisantes. Je parle par exemple de l’opération Anaconda qui n’a pas eu beaucoup d’effet. Puis maintenant l’opération Harpie, dont on parle de temps en temps dans les médias, des opérations qui restent secrètes… Il faut un véritable démantèlement mais il y a des éléments qui manquent. Je veux m’expliquer là-dessus en disant que lorsque les forces de l’ordre vont sur un site d’orpaillage légal et rencontrent des gens en situation irrégulière, il y a un bout de papier sur lequel est marqué: «Vous avez 48 heures pour quitter le département». Puis ils repartent… Mais ces gens-là sont très organisés et ne repartent pas bien sûr.

 

On dit qu’on démantèle le matériel, oui, c’est vrai, mais les machines qui sont détruites par les forces armées de l’Etat sont souvent en triple exemplaires, et quand l’opération est terminée, ils recommencent à travailler… C’est le jeu du chat et de la souris tout simplement, mais par contre chaque opération coûte des millions d’euros, et sans retombées pour la Guyane. Donc ces fonds-là, j’estime qu’ils sont perdus.

 

S’il y avait un contrôle en amont ou en aval sur les productions qui sont à chaque fois saisies, on pourrait toutefois dire: «Nous avons dépensé tant d’argent, mais nous avons pu récupérer tant de tonnes d’or qui vont coûter tant». En effet, quand on sait qu’un kilo d’or coûte 24.000 euros, vous imaginez un peu ce qui part de la Guyane! Et on sait pertinemment que c’est une ressource non renouvelable, ce qui est enlevé on ne le retrouvera pas, c’est terminé! Or, c’est quand même une ressource qui peut servir pour les générations futures…

 

Savez-vous qu’au Brésil, l’orpaillage est interdit et que tous les sites construits pas bien loin de nos frontières sont fermés. Ce sont donc les chercheurs d’or brésiliens qui se sont rabattus sur la Guyane…

 

LGE : Pour conclure, comment voyez-vous le futur de Régina?

Justin Anatole : J’aimerais voir Régina à la hauteur des autres communes, je n’aurai pas l’ambition de la ramener soixante-dix ans en arrière, mais en tout cas de la ramener à l’échelle des autres.

 

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