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Les fonds vautours et la dette du tiers monde

Écrit par Patrick C. Callewaert, La Grande Époque
04.11.2009
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  • Les fonds vautours portent bien leur nom : ils s’enrichissent du malheur des autres. (Joseph Eid/AFP/Getty Images)(Stringer: AFP / 2007 AFP)

L’éthique et la finance feront peut-être bon ménage un jour, mais les exhortations des dirigeants du G20 et les chartes de bonne conduite des institutions financières ne suffisent pas. Par exemple, le comportement des fonds vautours avec la dette du tiers-monde, motivée par le souci unique du profit financier et sans respect du droit international.

Des fonds riches du malheur des autres

Les fonds vautours sont des fonds privés peu connus du grand public. Ils ont été créés il y a une quinzaine d’années environ, aux États-Unis tout d’abord puis ensuite en Europe. La presse les a parfois cités, par exemple lors de la renégociation de la dette d’Eurotunnel, des faillites d’Enron et de WorldCom, ou de celle de l’Argentine. On en recense une cinquantaine, dont les plus connus sont Cerberus Management, Strategic Value Partners, Oaktree Capital Management, Trafalgar Asset Managers, Donegal International, Debt Advisory International, Kensington International, et Elliot Partners. Comme beaucoup de fonds d’investissement, ils sont souvent domiciliés dans les paradis fiscaux anglo-saxons (Îles Vierges, Îles Caïmans, Bermudes, Delaware...), ce qui leur permet d’agir de façon plus discrète. On en compte aussi deux en France.

Leur activité consiste à racheter de gré à gré et à bas prix les dettes d’entreprises en difficulté dont les banques cherchent à se dessaisir pour alléger leur bilan, puis de prendre le contrôle de ces entreprises. Cependant, au lieu de participer à la restructuration des entreprises et de les aider à survivre, ils s’invitent à la table des négociations avec les autres créanciers afin d’obtenir la revalorisation de leurs créances ou de les convertir en fonds propres de la société, avec pour seul but de réaliser un profit moyen d’au moins 15% en six mois. Ces fonds, qui portent bien leur nom, s’enrichissent donc du malheur des autres.

Leur proie préférée: la dette du tiers monde

Depuis quelques années, leur champ d’activité s’est cependant étendu à la dette des pays du tiers-monde, beaucoup plus rémunérateur. Tout d’abord en Amérique du Sud, et maintenant en Afrique qui est devenue leur proie préférée. Telle est la conclusion d’un rapport publié en mai 2009 par la Plateforme Dette et Développement et le Centre National de Coopération au Développement, et intitulé Un vautour peut en cacher un autre, ou comment nos lois encouragent les prédateurs des pays endettés (cf. www.dette2000.org).

Leur technique est simple : en premier lieu ils rachètent, sur le marché secondaire de la dette et à très bas prix, des dettes de pays en développement à leur insu. Ils engagent ensuite des poursuites judiciaires auprès des pays endettés pour les contraindre à rembourser leurs dettes au prix fort, autrement dit non seulement le montant initial des dettes, mais aussi les intérêts, des pénalités et divers frais de justice. Finalement, à défaut d’accord amiable pour se faire payer en cash, ils intentent de nouvelles actions auprès des tribunaux et obtiennent d’être payés directement à partir des recettes d’exportation des pays condamnés. Selon le rapport, «la démarche s’apparente à une extorsion de fonds sur les économies des pays pauvres, tout en n’étant pas frappée d’illégalité».

Les plus-values engrangées par les fonds vautours sont très importantes et en forte croissance : selon le rapport précédemment cité, cette pratique aurait rapporté deux milliards de dollars à une quarantaine de fonds d’investissement, majoritairement anglo-saxons. De son côté, dans son rapport 2008, le Fonds monétaire international (FMI) avance le chiffre de 1,168 milliard de dollars qui ne concerne que les pays pauvres très endettés (PPTE) et ne prend pas en compte les transactions négociées à l’amiable. Enfin, les actions en cours sont de plus en plus nombreuses : au moment où le rapport était édité, plus de dix pays africains étaient traînés en justice pour une cinquantaine de procès.

Face au silence international, l’Afrique tente de se défendre seule

Les conséquences sont désastreuses pour les pays victimes de ces attaques judiciaires. En effet, suite à ces condamnations, ils sont contraints de s’endetter à nouveau, ce qui les place dans une spirale infernale dont ils ne peuvent sortir. Aucun pays occidental ne leur tend la main, bien au contraire. Le rapport rappelle que ce sujet a été abordé lors du sommet de Londres en avril 2009, mais qu’au lieu d’augmenter leur aide publique au développement, les pays du G20 ont demandé au FMI de réserver 50 milliards pour de nouveaux prêts à destination des pays «à faibles revenus», ce qui alourdira leur dette et accroîtra leur vulnérabilité vis à vis des fonds vautours.

Face à ce fléau, le rapport préconise l’application du droit international et la création en urgence d’un tribunal international de la dette chargé d’auditer les dettes et de protéger les dépenses essentielles des pays pauvres. En effet, les lois intérieures des pays où les fonds vautours intentent leurs procès, comme la Grande-Bretagne, la France ou les États-Unis, continuent de faire prévaloir le droit des créanciers sur le droit à la survie des pays pauvres. Par ailleurs, les coûts importants induits par les procédures justifient des mesures de protection des investissements publics des pays pauvres où tout est prioritaire en matière de santé, d’éducation, d’assainissement, etc... Ces mesures de bon sens n’ont cependant pas encore été acceptées par les pays concernés, ni par l’ONU ni par le G20.

Aussi, en réponse à ce silence du Nord, l’Afrique tente de s’organiser seule, en particulier grâce à une initiative de la Banque Africaine de Développement (BAD) qui regroupe 77 États dont 53 pays africains et des pays d’Amérique latine. Après deux ans de consultations, cette dernière a créé fin juin 2009 un fonds international, intitulé la «Facilité africaine de soutien juridique» (en anglais : African Legal Support Facility - ALSF), afin de fournir une assistance juridique aux États attaqués par les fonds vautours. Son budget de départ est de 20 millions de dollars, mais il pourrait rapidement monter à 30 millions de dollars. Selon Renaud Vivien, du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) «ce fonds interviendra essentiellement à deux niveaux contre les fonds vautours. En amont, il financera la mise à disposition de services juridiques» pour des négociations amiables, et en cas d’échec, «il financera l’aide juridique au cours des procès intentés devant les tribunaux et les organes d’arbitrage».

La crise financière internationale qui sévit depuis fin 2007 a touché fortement les populations des pays du tiers monde, mais a également accru leur endettement à des niveaux jamais atteints. Selon la Plateforme Dette et Développement, la dette totale extérieure dépasse actuellement les 2.600 milliards de dollars, dont 300 milliards pour la seule dette extérieure de l’Afrique, et seuls 21 pays ont bénéficié de mesures d’allègement partiel. Nul doute donc que les fonds vautours vont renforcer leurs vols en toute légalité, si aucune décision internationale n’est prise pour stopper ce pillage.

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