Politesses américaines sur le système légal chinois

Écrit par Gary Feuerberg, La Grande Époque
04.11.2009

  • Symbole – La Cour de justice d’Urumqi, quadrillée par l’armée chinoise. (STR/AFP/Getty Images)(Stringer: STR / 2009 AFP)

Pour suivre l’évolution du système juridique chinois et de la situation des droits de l’homme, la Commission exécutive du Congrès américain sur la Chine (CECC) a demandé à un groupe d’experts de dresser un état des lieux. Constat sans concession qui ne devrait pas manquer de provoquer une réaction officielle des autorités chinoises.

«Dans son rapport  2009, la Commission a exprimé ses inquiétudes quant aux violations des droits de l’homme continuelles et la stagnation du développement de l’État de droit», a mentionné le sénateur Byron L. Dorgan (Démocrate – Dakota du Nord), coprésident de la Commission, dans sa déclaration d’ouverture. Le rapport annuel 2009 de la CECC a été publié en ligne le 13 octobre.

«Ce que nous avons vu en Chine n’est pas l’émergence d’un système de loi, mais d’une autorité se servant de la loi. Le développement des structures légales chinoises, des institutions réglementaires, des agences bureaucratiques n’est pas sujet au code de lois, puisque le Parti communiste et le gouvernement n’y sont pas soumis», a déclaré le membre républicain Chris Smith (New Jersey).

Pour le sénateur Dorgan, il est dans l’intérêt des citoyens américains autant que chinois que le régime cesse de réprimer la liberté d’expression et la primauté du droit. «Le harcèlement et la répression de la critique et de la dissidence empêchent le contrôle des dommages faits à l’environnement, ce qui peut non seulement nuire aux citoyens chinois, mais peut également avoir des conséquences au niveau mondial.»

«Pour maximiser le progrès dans la sécurité alimentaire, la qualité des produits et même la pureté de l’air, le gouvernement chinois ne doit pas s’aliéner les activistes environnementaux, la presse critique, les ONG, les avocats défenseurs des droits de l’homme, et ils ne devraient pas être réprimés comme des ennemis de l’État», a ajouté le sénateur Dorgan.

Licences d’avocats non-renouvelées

Selon Donald Clarke, spécialiste en droit chinois, les avocats bénéficient maintenant de plus d’indépendance. Auparavant, ils étaient traités comme des «employés de l’État exerçant le droit», mais maintenant le régime considère qu’ils sont simplement des «fournisseurs commerciaux d’un service».

«L’État exerce un contrôle strict sur l’association des avocats et il leur impose des tâches spéciales visant à promouvoir les intérêts de l’État, même lorsque cela pourrait se faire aux dépens de leurs clients», indique M. Clarke. Un exemple bien connu d’interférence de l’État dans la relation normale entre un accusé et son représentant est celui de la règle mise en vigueur suite aux manifestations de Tiananmen en 1989. L’État dictait aux avocats de faire pression sur les accusés pour qu’ils admettent, entre autres,  leur culpabilité de «rébellion contre-révolutionnaire».

Plus spécifiquement, Donald Clarke a témoigné que les conditions pour les avocats impliqués dans des cas sensibles (Falun Gong, Tibet, confiscation de terres, manifestations environnementales ou le fait de critiquer directement ou indirectement un dirigeant) «se sont aggravées durant les six derniers mois.»

Exemple saillant, la suspension de la firme d’avocats pékinoise Yitong, qui a pris en charge de nombreux cas « sensibles ». Celle-ci a ainsi représenté Hu Jia, un des militants contre le sang contaminé, et Chen Guangcheng, l’avocat autodidacte non voyant qui a lutté contre les avortements forcés et les stérilisations illégales dans sa province natale du Shandong. Plusieurs avocats de la firme Yitong ont également remis en question la direction de l’Association des avocats de Pékin (AAP), demandant que les dirigeants de cette organisation soient élus.

Les portes de Yitong ont été fermées durant six mois, bien qu’elle ait réussi à rouvrir le mois dernier avec des effectifs réduits et que sa capacité de fonctionner ait été «grandement affectée», affirme M. Clarke. Selon lui, la leçon de cette sanction sera sans aucun doute gravée dans l’esprit des avocats militants potentiels. Plusieurs avocats impliqués dans la contestation des méthodes de l’AAP, qui a échoué, se sont vu retirer leur droit de pratiquer.

En juillet, l’organisme en charge d’octroyer les permis de pratiquer à Pékin a retiré les licences de 53 avocats parce qu’ils n’étaient pas enregistrés auprès de l’Association des avocats de Pékin. D’autres prétextes ont également été utilisés pour radier un grand nombre d’avocats, dont les plus réputés sont Jiang Tianyong, Li Heping et Teng Biao.

Les avocats doivent parfois obtenir la permission avant de prendre un « cas » important et ils se font même dire comment le gérer. En 2006, une règle nationale est entrée en vigueur pour forcer les avocats à informer les autorités locales sur toute tentative de recours collectif et ils doivent accepter les conseils et la supervision de l’État, rapporte M. Clarke.

En 2008, des dizaines d’avocats se sont portés volontaires pour représenter les plaignants dans le scandale du lait contaminé à la mélamine, mais le régime leur a «déconseillé» de le faire, selon M. Clarke.

Lois et règlements environnementaux

Les dirigeants communistes chinois savent qu’ils doivent se pencher sur la question de l’environnement en Chine puisqu’il limite les opportunités de croissance économique et qu’il est la cause d’un nombre de plus en plus élevé de problèmes sanitaires. Cette situation est devenue «la source principale du malaise social dans le pays», a déclaré Elizabeth Economy, C.V. Starr, Senior Fellow et directrice d’études pour l’Asie au Conseil des relations étrangères américain.

La détérioration de l’eau et de l’air par la pollution pourrait expliquer la hausse dramatique du nombre de personnes atteintes du cancer – hausse d’environ 20% depuis 2005 d’après les statistiques officielles du gouvernement. «Plus de la moitié de la population du pays boit de l’eau contaminée tous les jours», affirme Mme Economy.

Le nombre de protestations environnementales a dépassé le cap de 50.000 en 2005 selon le ministère de la Protection de l’environnement, explique Mme Economy. «Ces protestations vont de la centaine de fermiers qui bloquent une route à 30.000 personnes qui s’opposent à une nouvelle usine chimique au Sichuan, qui causerait des fausses couches chez les jeunes femmes du village», ajoute-t-elle.

La corruption est également une grande problématique. Les médias ont exposé des fonctionnaires qui dissimulent des problèmes graves de pollution en faisant pression sur la justice, la presse et même les hôpitaux pour que la population n’en sache rien. De plus, «ces fonctionnaires détournent souvent les fonds dédiés à la protection de l’environnement». Mme Economy cite un rapport officiel qui a révélé que «la moitié des fonds pour la protection de l’environnement distribués par Pékin aux fonctionnaires locaux a été détournée vers des projets non reliés à l’environnement».

Le Parti communiste a permis l’émergence de 3.000 ONG environnementales afin de profiter de leur expertise et dans le but d’amener un peu de transparence aux problèmes environnementaux. Les médias peuvent également parfois jouer le rôle de chien de garde.

Cependant, «les dirigeants chinois craignent que l’environnement devienne potentiellement la pierre angulaire pour réclamer de plus grandes réformes politiques», fait remarquer Mme Economy. Ainsi, ces ONG sont sujettes à des restrictions sévères et sont surveillées de près. Plusieurs des éminents environnementalistes en Chine sont harcelés ou emprisonnés, comme Wu Lihong, Yu Xiaogang et Tan Kai, pour n’en nommer que trois.