A la recherche du Mur de Berlin

Écrit par Christiane Goor
08.11.2009

  • Le quartier de Kreuzberg aligne des petits bars et restaurants où tout est bon, convivial et même bon marché. (Mahaux Photography)(攝影:

Novembre 2009: Berlin fête le vingtième anniversaire de la chute du Mur de la Honte. L’occasion de redécouvrir une cité qui n’a rien perdu du souffle de liberté qui l’a toujours animée. Et pourtant, tout qui cherche à retracer le passé de la ville sera immédiatement happé par la splendeur exubérante de son présent.

Le regard pétillant, notre guide nous attend à la sortie du métro de Hackescher Markt, sur une place colorée, transformée en été en une immense terrasse de café, animée par une brocante et des étals colorés de fruits et de légumes. Ce n’est pas par hasard, dit-elle, qu’elle nous a donné rendez-vous ici, dans le quartier des Granges. Dès les beaux jours, les Berlinois se mettent à l’heure méditerranéenne. Ils oublient l’hiver humide et glacé et ressortent les vélos, bien décidés à profiter de l’été ensoleillé. Marchés et terrasses envahissent les larges trottoirs, les parcs deviennent le théâtre d’une infinité de festivals culturels et de kermesses populaires. L’animation ne s’arrête pas au coucher du soleil. Les nuits sont festives à Berlin, dans une ville ouverte à l’extravagance. Cet ancien quartier populaire, le Scheunenviertel, c’est un peu l’âme de la ville, raconte Ina, avec ses Hackesche Höfe, des arrière-cours qui rappellent Roture et son ambiance nocturne, avec des ateliers d’artistes, des brasseries branchées, des salles de spectacle et des boutiques improbables.

Le Mur fantôme

Ina avait 18 ans quand le Mur est tombé. Quand elle a appris la nouvelle, elle ne pouvait y croire. À l’époque, dit-elle, elle avait grandi avec le Mur, il ne la dérangeait pas, il faisait partie de son décor. La seule chose qui la gênait, c’était cette impossibilité de liberté de parole, de mouvement. Des groupuscules se formaient, des manifestations contre le régime est-allemand tentaient de s’imposer mais il n’était pas permis d’en parler, encore moins à la maison, car les adultes qui avaient connu la répression avaient bien trop peur. La première fois qu’elle est allée à l’Ouest, c’était deux jours après la chute du Mur. Elle en est revenue impressionnée, par la variété et la quantité des biens de consommation que proposait l’Ouest, mais davantage encore par le regard des Wessies, comme on les appelait, sur les Ossies : de la pitié, dont elle ne voulait pas.

  • Dans Berlin réunifiée les bateaux-mouches ont reconquis la Spree. (Mahaux Photography)(攝影:

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, tout le monde à Berlin est ravi que le Mur ait disparu. Il est vrai qu’il n’en reste plus grand-chose. Les patrouilles de gardes en uniforme kaki ont laissé la place à des marchands de cartes postales. Autrefois, on y trouvait côté Est, une sorte de palissade intermédiaire de deux à trois mètres de haut et un treillis électrique qui, au moindre contact, avertissait les postes de garde.

Aujourd’hui le voyageur attentif peut en retrouver la trace en regardant le sol, où un pavé ponctué de discrètes plaques métalliques indique çà et là l’ancien emplacement du rideau de fer. A Potsdamer Platz, dans ce qui était un no man’s land large de 50 mètres et long de 43 kilomètres entre Berlin Est et Berlin Ouest, cette ligne imaginaire court au pied de gratte-ciels estampillés Sony et Mercedes-Benz.

C’est sur la Muhlerstrasse, le long du fleuve, que subsiste le plus long tronçon du Mur. L’East Side Gallery, une galerie d’art en plein air, aligne 1.300 mètres recouverts de cent six fresques peintes par des artistes venus du monde entier pour illustrer l’euphorie du moment après la chute du mur. Certaines œuvres contiennent un évident message politique, d’autres sont purement surréalistes ou décoratives.

Deux musées lui sont consacrés. Le premier, le Haus am Checkpoint Charlie, est situé sur l’emplacement de l’ancien passage frontière hautement surveillé entre le secteur américain et le quartier de Kreutzberg contrôlé par les Soviétiques. Sur deux étages, on y trouve de nombreux témoignages sur l’histoire du Mur, amalgame de documents historiques, d’articles de presse, d’affiches, de dessins, de vidéos, rapportant pour la plupart des tentatives d’évasion que connut la RDA durant les dernières années de son existence. On y découvre également des objets insolites comme des voitures dotées d’incroyables cachettes, une montgolfière bricolée maison ou encore des pieux qui tapissaient le fond de la Spree pour éviter que des nageurs intrépides ne s’aventurent sur l’autre berge du fleuve. Un second musée situé plus au nord, le long de la Bernauerstrasse, au Berlin Wall Memorial, abrite le pan du mur le mieux préservé.

  • A Friedrichshaim, un pan du mur subsiste sur 1316 mètres: la plus grande galerie en plein air du monde... (Mahaux Photography)(攝影:

Ville de paradoxes

La chute du rideau de fer a rompu avec une tranche d’histoire sombre et douloureuse. En réunifiant les deux villes, elle a aussi ouvert la porte à la reconstruction du tissu urbain, comme s’il avait fallu en chasser les fantômes et les spectres du passé. Trop longtemps,  ajoute Ina, les Allemands de l’Ouest ont été ressentis par ceux de l’Est comme arrogants, lorsqu’ils déclaraient que le système communiste avait engendré une société de paresseux, incapables de travailler efficacement. Son père, précise-t-elle, a beaucoup souffert de cette situation. Après la chute du Mur, il a perdu son emploi, mais avec le chômage, il a aussi perdu toute l’intégration que lui offrait un travail, si peu rémunéré fût-il.

S’il est un quartier emblématique de cette métamorphose, c’est bien la Potsdamer Platz. Cet ancien terrain vague lugubre, scindé autrefois par le mur, est aujourd’hui hérissé de splendides tours d’acier, de briques et de verre, sièges notamment de Daimler Chrysler et de la Deutsche Bahn. Autre figure caractéristique, le Sony Center, un monobloc de verre, d’acier et de fibre couvert d’un gigantesque parapluie rappelant le mont Fuji Yama, est éblouissant de hardiesse architecturale.

L’architecte britannique Norman Foster, responsable de la restauration du Reichtag, a choisi de dialoguer avec les spectres du passé en intégrant au bâtiment historique une audacieuse et immense coupole de verre censée rappeler au gouvernement, qui y a établi son siège, une impérieuse nécessité de transparence dans la bonne gouvernance. On y a élevé dans la foulée de grands ensembles d’immeubles contemporains qui s’étalent jusqu’au bord de la Spree, créant de toute pièce un nouveau secteur à découvrir. En été, on recouvre de sable les berges accessibles du fleuve, une piscine y est même amarrée et les transats multicolores s’alignent sur des plages artificielles, pour le plus grand plaisir des Berlinois, trop heureux d’échapper à l’animation trépidante de la ville sans pour autant avoir à la quitter.

Vers l’Est où la densité des bâtiments existants était plus importante, il fallut détruire avant de reconstruire tout en privilégiant une dimension humaine indispensable pour garantir aux habitants une qualité de vie dont ne se préoccupaient guère les architectes est-allemands. Quand on se perd dans ce quartier revisité appelé Mitte, on ne peut que tomber sous le charme de l’étrange symbiose opérée par la présence contigüe de bâtiments baroques staliniens et néoclassiques mais aussi de constructions modernes originales. Dans la Friedrichstrasse, trois pâtés de maisons dévolus au shopping et au business et communiquant entre eux ont été conçus par de grands architectes chargés de diversifier le paysage urbain. On y trouve entre autres les somptueuses Galeries Lafayette imaginées par Jean Nouvel et le quartier Art Déco dessiné par l’architecte Pei bien connu pour sa création de la Pyramide du Louvre.

Quand par contre, on retrouve les lumières de la Kurfürstendamm, ce haut lieu de l’opulence occidentale, qui illuminaient à l’époque Berlin Ouest sur plus de trois kilomètres, on s’étonne de trouver le quartier inchangé. Si, jadis, cet îlot de modernité paraissait avant-gardiste, aujourd’hui, son ambiance surannée surprend mais il séduit encore les nombreux badauds qui savent qu’ici, comme ailleurs dans la ville, on entend les pulsations incessantes d’une cité qui semble ne jamais trouver le repos.  

Infos pratiques

Se déplacer

Berlin est une ville verte à plus d’un titre puisque depuis janvier 2008, le centre de la ville à l’intérieur de la ligne S-Bahn périphérique appelé le «Ring-Bahn» est déclaré zone verte, Umweltzone. Tous les véhicules circulant dans ce secteur doivent être pourvus d’une vignette qui, pour les touristes, revient à 15 euros. Pour se déplacer, le plus simple est encore d’acheter la «Berlin Welcome Card» qui permet d’utiliser tous les transports publics de la ville et même d’aller jusqu’à Postdam où se trouve le superbe château de Sans-Souci, véritable Versailles prussien au cœur d’un parc arboré de 300 hectares. Cette carte offre de plus des réductions substantielles sur le prix d’entrée de presque tous les musées et les lieux touristiques.

Le vélo que l’on peut emmener dans les transports en commun se loue aisément www.takeabike.de

Informations et renseignements auprès de l’office du tourisme de Berlin www.btm.de ou encore www.visit-berlin.de dont le site est accessible en français.

La gastronomie berlinoise. Même si choux, pommes de terre et saucisses sont des incontournables en Allemagne, il ne faut pas oublier que Berlin a une gastronomie spécifique : le jarret de porc à la Berlinoise, le curry wurst, le foie gras à l’anguille fumée, le beignet fourré à la mousse de prune, les crêpes aux radis, les beignets crème brûlée, autant de spécialités à savourer en accompagnant le repas d’une bière brune ou blonde, la Schultheiss, la Berliner Kindle, la Berliner Pils, la Engerhardt ou encore la Blanche de Berlin.

Se loger. Une adresse incontournable à deux pas de la Postdamer Platz, là où le parking gratuit est encore possible: le Mövenpick Hotel Berlin, situé dans le complexe de bâtiments historiques des entreprises Siemens. Remarquable combinaison entre site historique et architecture contemporaine, cet hôtel lance une offre spéciale pour commémorer les «20 ans de la chute du mur». A découvrir sur le  www.moevenpick-hotels.com.