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L’impunité aux Philippines

Écrit par Charlotte Cuthbertson, La Grande Époque
03.12.2009
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  • Des chandelles allumées par familles et proches. (Jeoffrey Maitem/Getty Images)(攝影: / 大紀元)

Dans un acte d’une extrême violence, soixante-quatre personnes ont été assassinées aux Philippines le 23 novembre; au moins 26 d’entre-elles sont des journalistes.

Des hommes armés pour la plupart non identifiés, dont deux policiers, semblent être les responsables, selon Reporters sans frontières (RSF). Certains ont été en relation avec le gouverneur de la province, un partisan de la présidente philippine Gloria Arroyo. Les victimes ont été massacrées dans le sud de l’île de Mindanao, et certaines victimes ont été décapitées, ajoute RSF.

Clothilde Le Coz, directeur de RSF à Washington D.C., explique que l’organisation a un correspondant avec qui ils sont en contact. «C’est l’un des plus grands massacres de journalistes jamais vu», dit Mme Le Coz. «Nous adressons nos condoléances et notre sympathie à tous les journalistes aux Philippines, qui sont en état de choc après ce massacre épouvantable.»

«Cette fois, la violence aveugle de voyous travaillant pour des politiciens corrompus a entraîné un incompréhensible bain de sang», ajoute RSF dans un communiqué. «Nous réclamons une réaction forte de la part des autorités locales et nationales».

Le massacre a eu lieu quelques heures après que 50 hommes armés menés par Andal Ampautuan Jr., le maire de Shariff Aquak (une municipalité de la province de Maguindanao), et un inspecteur de police uniquement identifié sous le nom de Dicay, ont kidnappé des membres d’un grand convoi de partisans de M. Esmael Mangudadatu, un adversaire du clan Ampatuan qui voulait poser sa candidature pour devenir gouverneur.

Le convoi des partisans de Mangudadatu, accompagné de journalistes, se rendait au bureau électoral pour déposer les documents nécessaires à sa candidature. L’hypothèse la plus probable est que les hommes armés ont essayé de les empêcher d’atteindre leur destination. La femme de Mangudadatu, ainsi que sa sœur et d’autres parents font partie des victimes.

Les assaillants ont violé, torturé et décapité certaines des victimes, dont les corps ont été retrouvés dans des fosses communes, indique RSF. Et si Andal Ampatuan Jr, le fils du gouverneur unanimement désigné comme commanditaire du massacre, s’est rendu à la police le 26 novembre, rien ne dit que la volonté politique de le punir – et au-delà de lui, son père, existera.

L’impunité comme norme

Les Philippines ont une longue histoire d’impunité et d’attaques contre les journalistes, rappelle Erik Jensen, chercheur au Centre sur la Démocratie, le Développement et le Légalisme, de l’université de Stanford: «C’est la pire attaque sur des journalistes de l’histoire des Philippines, et peut-être que les chiffres et la brutalité utilisée vont provoquer une réaction là où on n’a vu dans le passé que de l’inaction», suppose-t-il. «Un événement comme celui-ci pourrait changer la donne, et cette tragédie pourrait être constructive.»

Pour Jensen, le risque de l’impunité demeure «en partie du fait de la faiblesse des enquêtes dans le système criminel philippin, mais aussi à cause des accords politiques cachés».

Jensen a vécu quatre ans aux Philippines en tant que représentant de la Asia Foundation.

Durant les huit dernières années, au moins 74 journalistes ont été tués aux Philippines, et seulement quatre coupables ont été arrêtés, ce qui fait du pays l’endroit le plus dangereux au monde pour les journalistes, indique la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ).

«Un massacre comme celui-ci… j’espère que le gouvernement et les politiciens de Mindanao vont se réveiller», dit Jensen. «C’est au-delà de tout ce que nous avons vu dans le passé.»

La FIJ accuse pour sa part le gouvernement de Gloria Arroyo de ne pas avoir agi pour mettre fin à la culture de l’impunité. «Le gouvernement Arroyo doit s’engager de façon claire à mener une enquête indépendante et efficace sur ce massacre», demande le Secrétaire Général de la FIJ, Aidan White. «Les élections auront lieu dans six mois, les autorités doivent agir maintenant pour garantir la sécurité des journalistes dans le pays.»

Un jour de deuil national a été décrété par la présidente Gloria Arroyo: «Ce crime est trop grave pour ne pas éveiller la conscience de la nation ou de toute autre nation sur le sujet», indique-t-elle. «Ce n’est pas une simple lutte électorale entre clans opposés, c’est un acte d’inhumanité suprême qui est une ruine pour notre nation.»

Jensen raconte que même si la presse philippine dans son ensemble est un peu en désordre, elle a vu émerger des journalistes d’excellent niveau, qui ont le courage d’agir et de faire leur métier bien que connaissant les dangers pour leur vie. «Je ne peux m’empêcher de penser que cela va les refroidir.»

Dolly Zulueta, rédactrice en chef d’un magazine manillais, enrage de voir «les politiciens traiter les journalistes ainsi ». Et pour l’écrivaine Norma Chikiamco, le massacre n’est qu’un élément « dans une stratégie de violence électorale: il reste tant de temps avant les élections et déjà cela a eu lieu, alors nous pouvons déjà penser que cela va recommencer».

Le 25 septembre à San Juan, aux Philippines, des experts avaient assisté à une table-ronde financée par le bureau de l’UNESCO à Jakarta, avec pour thème «l’impunité des crimes contre les journalistes». Depuis l’arrivée au pouvoir de Gloria Arroyo, plus de 1.000 exécutions extrajudiciaires ont eu lieu dans le pays. Gloria Arroyo a été réélue en 2004 et en 2007 grâce au soutien de la famille Andal Ampatuan, lors de campagnes qui ont fait respectivement 186 et 126 morts.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.