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Sexe et espionnage : trucs à se méfier lors d'une visite officielle en Chine

Écrit par Matthew Little, La Grande Époque
08.12.2009
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  • Ian Clement, ex-adjoint du maire de Londres, (Staff: Paul Gilham / 2008 Getty Images)

OTTAWA – Ian Clement mentionne qu'il n'aurait pas dû être aussi désinvolte lorsqu'il s'est rendu aux Jeux olympiques de Pékin 2008 en tant qu'adjoint au maire de Londres. Il avait été prévenu par les services de renseignements britanniques, mais ne leur avait pas prêté attention.

«Ils m'ont parlé des honeytraps et m'ont averti que les services secrets chinois utilisaient souvent des femmes pour attirer des hommes au lit et leur soutirer de l'information. Je n'ai pas cru un instant que je me ferais prendre», a-t-il révélé au journal britannique Mirror dernièrement.

M. Clement croit que la femme chinoise attrayante qu'il a rencontrée lors d'une soirée a probablement mis de la drogue dans sa boisson. Après qu’il a perdu connaissance, la femme a fouillé ses effets personnels, collectant des informations au sujet de l'administration de Londres et de négociations d'affaires.

En effet, M. Clement aurait dû savoir dans quoi il s'embarquait. Quelques semaines à peine avant son voyage pour les Olympiques, l'histoire d'un autre fonctionnaire pris en flagrant délit en Chine avait fait la manchette dans les médias britanniques.

L'individu, un assistant du premier ministre britannique, a également été victime d’une honeytrap. Il s'est réveillé après une nuit passée avec une femme chinoise pour se rendre compte que son Blackberry avait été subtilisé, un vol qui, selon des experts en sécurité, a compromis les serveurs courriels du Parlement britannique.

Honeytraps et écoute électronique

«Les fonctionnaires étrangers devraient toujours être prudents lorsqu'ils visitent la Chine. Les autorités pourraient les influencer d'une certaine manière et leur tendre un piège. Ils devraient toujours être prudents», affirme l'ex-diplomate chinois Chen Yonglin.

Avant de faire défection en Australie, Chen était le consul pour les Affaires politiques au consulat chinois de Sydney. Sa responsabilité principale était de surveiller les dissidents chinois en Australie.

Le sexe et l'argent sont des appâts fréquemment utilisés, mentionne-t-il. La honeytrap est une des tactiques préférées des services secrets chinois pour tenter de coincer un fonctionnaire dans un scandale sexuel. Dans un tel scénario, le fonctionnaire ou le membre du personnel est approché par une femme fatale chinoise qui s'efforce de le séduire. Elle va ensuite saccager sa chambre d'hôtel, fouiller dans son ordinateur portable ou son téléphone cellulaire, ou utiliser la vidéo de l'acte compromettant comme moyen de chantage.

M. Chen raconte que lorsqu’il était en poste, un responsable australien en visite en Chine avait été détenu par les autorités après avoir été pris en flagrant délit avec une adolescente qui n’avait pas encore 16 ans. Les autorités l'ont relâché, conservant les preuves de son méfait, après qu'il a «offert de travailler pour le régime comme un agent», explique Chen Yonglin.

«Il a essayé de parler publiquement en faveur du régime», poursuit M. Chen, en faisant valoir la position du régime dans les médias australiens.

«[Les fonctionnaires étrangers] devraient être prudents en compagnie des fonctionnaires chinois», met en garde Chen Yonglin. «Ils peuvent se faire piéger par l'argent ou la promesse de certains avantages par des hauts dirigeants chinois. Ils devraient être très prudents lorsqu'ils profitent des divertissements offerts par le gouvernement chinois.»

Un autre ex-responsable chinois a spécifiquement averti les fonctionnaires canadiens qui visitent la Chine dans une entrevue avec la Presse Canadienne en 2005. Han Guangsheng avait fait les manchettes cette année-là en essayant de faire défection au Canada. À Shenyang, une ville de près de 8 millions d'habitants, il avait passé 14 ans en tant que chef du Bureau de la sécurité publique et cinq autres années avec le Bureau judiciaire.

La semaine dernière, il a déclaré à La Grande Époque que le régime chinois est zélé avec la cueillette de renseignements, et les hôtels chinois – y compris ceux qui appartiennent à des compagnies étrangères – sont dotés d'employés qui sont en réalité des agents secrets chinois. Les fonctionnaires d'outre-mer peu soucieux peuvent s'attendre à ce que leurs bagages soient fouillés subrepticement et que les documents en leur possession soient copiés.

Un avertissement du SCRS

Tout comme les services secrets britanniques, le renseignement canadien est au courant des risques et avertit les fonctionnaires canadiens qui visitent la Chine, mais ces avertissements ne sont pas souvent pris en considération, affirme l'ex-officier du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Michel Juneau-Katsuya, qui a dirigé le Bureau Asie-Pacifique de l'agence.

«Certainement que le SCRS va les informer, mais on n’est pas vraiment sûr s'ils écoutent le SCRS. Ils sont souvent extrêmement naïfs et croient que [les agents du] SCRS ont vu trop de films de James Bond.»

M. Juneau-Katsuya explique qu'il est probable que le renseignement chinois exerce plus de prudence lorsqu'il fait affaire avec des hauts responsables comme des chefs d'État en raison de la sécurité additionnelle et de l'attention médiatique, mais il «déploie tout son arsenal de surveillance et d'écoute électronique» pour des fonctionnaires de rang moyen, de rang inférieur et leur personnel.

«Je suis certain que, quelle que soit la personne qui va là-bas, elle aura ce que nous appelons la “chambre tout équipée”», estime-t-il.

«Vous pouvez être certain que chaque conversation, ils essaieront de l'écouter. Ils vont s'assurer que chaque personne dans la délégation soit surveillée par quelqu'un, pour éviter des rencontres avec les mauvaises personnes ou peu importe qui et, qui sait, peut-être recueillir des saletés en cours de chemin.»

En plus de rechercher des informations privilégiées, les agents de renseignements chinois recherchent également des politiciens et du personnel bien placé qui peuvent être soit forcés, soudoyés ou simplement charmés pour aider le régime chinois à atteindre ses objectifs de politique étrangère.

S'ils identifient une cible potentielle, M. Juneau-Katsuya explique que les diplomates chinois vont ensuite l'approcher au Canada pour la courtiser.

«Ils vont définitivement essayer de développer ce que l'on appelle le pouvoir souple.»

L'objectif de la cueillette de renseignements est d'augmenter leur influence, ajoute l'ex-agent canadien. Les Chinois ont compris depuis longtemps que «le contrôle n'est pas le pouvoir ultime. L'influence est beaucoup plus [puissante] – elle demande moins d'énergie et vous permet de faire beaucoup, beaucoup plus».

Se faire des «amis» et influencer les politiques

David Harris – expert sur le terrorisme, ex-patron de la planification stratégique au SCRS et maintenant directeur du programme de renseignement antiterroriste à l'institut Insignis Strategic Research à Ottawa – affirme que les efforts du régime chinois pour influencer les responsables canadiens sont poussés et peuvent s'échelonner à long terme.

«Il y a de nombreuses raisons de s'inquiéter d'avoir des dignitaires en visite en Chine. Le renseignement chinois est reconnu pour être prêt à tout afin d'obtenir des informations de dignitaires étrangers ou d'essayer d'extorquer et de soutirer de l'information des gens. Ces efforts de chantage sont pratiquement inconnus.»

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M. Harris indique que les efforts pour influencer les responsables et les bureaucrates peuvent être entrepris plusieurs années plus tard, lorsqu'un assistant spécial ou un secrétaire s'est élevé à une position ayant un accès à de l'information sensible ou ayant la possibilité d'engager d'autres agents dans son département.

«Il est extrêmement important que les responsables [canadiens] en Chine se conduisent avec prudence et discrétion. Vous pouvez également présumer que toutes les salles de rencontre, où se trouvent les responsables, sont équipées de matériel de surveillance audio ou vidéo.»

La façon préférée et la plus efficace du régime pour recueillir des renseignements est par la flatterie, affirme M. Harris, et en établissant ce qui pourrait sembler être une amitié authentique, sincère et durable. Les agents de renseignements chinois sont maîtres en psychologie et en techniques de manipulation. Leurs dossiers sur des cibles potentielles peuvent s'étaler sur des décennies et ils les étudient pour déceler des failles pouvant être exploitées.

Intérêts nationaux

«Les failles peuvent inclure des problèmes d'argent, des dettes, l'avidité, les habitudes sexuelles et l'orientation sexuelle – n'importe quoi qui pourrait être exploité. Si quelqu'un s'intéresse aux affaires, alors bien entendu des propositions d'affaires lui seront faites», indique M. Harris.

Les retours peuvent être monumentaux, dit-il. Par exemple, un exposé privé à un chef d'État peut révéler que ce pays est en position fâcheuse dans d'importantes négociations commerciales. Avec cette connaissance, les Chinois peuvent exploiter la situation au maximum, résultant dans la perte de milliards de dollars pour l'autre partie.

En plus de faire des gains économiques, le régime espère également faire osciller ou influencer significativement les politiques étrangères des autres pays concernant la Chine. Certains des bureaucrates et ceux qui tombent sous l'influence chinoise deviennent des agents inconscients du régime, explique-t-il. D'autres peuvent le faire en toute connaissance de cause.

«Les gens croient que la bureaucratie est règlementée et enrégimentée, fiable, mais si vous pouvez influencer un directeur général qui voyage avec la délégation, alors les options peuvent être alignées en faveur de la Chine très tôt dans l'établissement des politiques et du processus décisionnel du gouvernement.»

Ce scénario est le plus dangereux, mentionne-t-il, car quelqu'un de haut placé dans le gouvernement ou dans la bureaucratie qui est sous forte influence d'un pays étranger peut compromettre de l'intérieur le processus décisionnel d'un autre État.

M. Harris affirme qu'il a entendu parler de cas où les décisions politiques étaient bien connues dans le cercle des gens proches de la Chine avant même qu'elles ne soient finalisées au Canada. Lorsqu’il a été questionné sur les détails de cette affaire, il a dit ne pas pouvoir en dire plus pour des raisons de sécurité. «Je ne peux aller plus loin, mais ce n'est pas surprenant, bien entendu.»

Au bout du compte, la seule solution durable selon MM. Harris et Juneau-Katsuya est que les fonctionnaires et leur personnel soient bien au courant des risques et qu'ils gardent fermement en tête leurs propres intérêts.

«C'est très dérangeant de voir certains anciens politiciens de haut rang, des diplomates et d'autres qui se sont construit des nids douillets en Chine», laisse tomber M. Harris.

Nous devrions également garder les délégations les plus petites possibles afin de limiter les failles, ajoute-t-il. Et se méfier de la soi-disant tactique «ami de la Chine».

Il dit que parfois un haut responsable chinois ou une autre personne bien placée va déclarer un fonctionnaire étranger ou un homme d'affaires comme étant un «ami de la Chine», mais il serait «extrêmement naïf» de prendre cela au pied de la lettre.

«Si ce genre de chose arrive, les gens ne doivent pas se sentir flattés – ils peuvent se sentir justement utilisés et manipulés […] Vous avez un pays envers lequel vous devez loyauté […] et vous feriez mieux de décider de quel pays il s'agit», renchérit M. Harris.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.