La tendance est au recyclage

Écrit par Michal Neeman
21.02.2009

  • Re-vus: des meubles pour annoncer le printemps de la planète(攝影: / 大紀元)

Deux femmes normandes se rencontrent à la sortie de l’école de leurs filles. Elles se découvrent des points communs et surtout une passion commune: les brocantes. Elles deviennent amies et un beau matin, elles se disent: «Et si on faisait des meubles? Des meubles recyclés?» Comme ça, sans préparation préalable et sans aucune formation.

 

Elles s’appellent Mathilde Chaignon et Delphine Fournier, l’une est libraire de formation et l’autre est architecte. Elles ramassent des meubles abandonnés dont personne ne voit plus la grâce et les transforment avec leur baguette magique en de magnifiques meubles charmants. Elles les coiffent, les maquillent, changent leurs  vêtements, font enfler les uns et maigrir les autres, bref elles leur offrent un look nouveau pour leur nouvelle vie et les affublent même de prénoms: Chatblanc et Chatnoir pour les deux tables jumelles d’écoliers transformées en tables basses, Rallye pour les chaises à bandes oranges sur fond noir qui rappellent les fameuses voitures de course, et Africanqueens pour deux fauteuils au tissu ethnique.

 

Comment procèdent donc ces deux femmes qui ne sont ni esthéticienne, ni coiffeuse, ni menuisière? «Delphine, c’est une grande bricoleuse», avoue Mathilde. D’abord, elles tombent amoureuses d’un meuble. Puis une fois démonté, elles l’examinent et essayent de trouver des solutions pour le transformer. Ce processus  peut prendre plusieurs semaines. «Nous nous sommes améliorées, lorsqu’on a commencé on mettait beaucoup plus de temps», dit Delphine. «On travaille sur des meubles des années cinquante et soixante, des meubles très industrialisés, ce sont des meubles assez simples, avec un peu de volonté… On reste des bricoleuses!», déclare Mathilde modestement.

 

Leur premier meuble a été créé en 2007. Un petit meuble qu’elles ont sans doute entendu pleurer à la déchèterie «et que j’ai trouvé tellement beau, il était dans un état épouvantable», dit Delphine. «On l’a ramené à la vie. On y a rajouté des roulettes. C’est devenu une commode qui a été achetée récemment par quelqu’un de Coutances».

 

En effet, les gens achètent leurs meubles non seulement pour leur côté utile mais aussi pour leur esthétique. Il y a aussi la logique, la philosophie même, celle de la récupération et du respect et non celle de la consommation. Arrêter de jeter, retourner vers la vie au lieu de détruire. Pour cela, elles n’utilisent que des matériaux et des meubles qu’on jette. C’est la pensée pour les générations suivantes pour qu’elles ne vivent pas sur une terre bourrée  de déchets.

 

«C’est effrayant ce qui est jeté, tous les lundis, tous les mercredis, tous les vendredis quand la déchèterie est ouverte, ce sont des bennes entières de meubles qui sont  jetés, juste parce que leur look est démodé ou qu’ils ont quelque chose de cassé».

 

Elles ont commencé leur projet intitulé Re-vus avec des meubles des sinistrés – des meubles qui ont été distribués après guerre à ceux dont la maison avait été bombardée. Des meubles qui, d’après elles, sont boudés par le grand public mais appréciés des connaisseurs et recherchés par les designers. «Il y avait un peu l’envie de revoir les choses que l’on a jetées. C’est pour cela qu’on a appelé notre projet Re-vus. C’est donner à  revoir la beauté de ces meubles. Et c’est vrai qu’ici spécifiquement dans la Manche il y a le mobilier qui avait été donné aux sinistrés de la guerre. C’est très spécifique à la région et il y en a beaucoup. Ils ne sont pas aimés parce que les gens ne voient pas leur aspect moderne et aussi parce qu’ils sont sans doute liés à un événement traumatisant. On tente de démontrer leur beauté», dit Mathilde.

 

«Les gens ne se rendent pas compte du coût réel de ces déchets au niveau humain. Ce n’est peut-être pas cher pour nous à court terme mais c’est certainement cher humainement dans d’autres pays, comme par exemple en Chine. C’est la même chose pour le bois. On a l’impression que le bois n’est pas cher mais en fait il a un coût écologique énorme. On ne devrait pas fabriquer de meubles aujourd’hui si on était dans un monde idéal. On devrait réutiliser ce que l’on a. Les gens ne voient pas l’addition réelle de ce qu’ils achètent.  On ne voit pas le coût de ce que l’on jette car il faut bien que cela aille quelque part: des mètres cubes de bois et de matériaux divers. Les choses sont compressées et enterrées dans le sol. Voilà ce qu’on laisse à nos enfants. Donc la base de notre réflexion était un peu cette idée-là. C’est la pensée pour les suivants. C’est un système aberrant: on consomme, on détruit, on jette.»

 

En septembre 2008, elles ont fait leur première exposition à Coutances, leur ville natale. Elles étaient étonnées d’avoir beaucoup de visiteurs et de constater l’intérêt de la presse. Elles ont également été invitées à participer aux portes ouvertes des artistes à Paris.

 

Ce n’est que maintenant que les deux créatrices cherchent à commercialiser leur projet. Coutances est une petite ville et leur travail mérite certainement d’être exposé dans la métropole, «où il y a plus de passage, plus de gens», déclare Delphine. «On a trouvé notre voie mais on n’a pas encore trouvé les dépositaires. La partie commerciale, on ne l’a pas encore pensée suffisamment. Le problème maintenant c’est d’en vivre. On ne s’est consacré qu’à faire et pas à se faire connaître, à avoir des liens. En fait, on se rend compte que le plus dur reste à faire… Il faut passer du rêve à la réalité».

Pour en savoir plus: www.re-vus.fr