Claude Berri, une vie de partage

Écrit par Alain Penso
22.02.2009

  • (攝影: / 大紀元)

Je voulais écrire sur cet homme, dernier nabab positif du cinéma français, dont le film le vieil homme et l’enfant le consacrera cinéaste à part entière.

J’ai laissé tout de côté pour parler de Claude Berri, peu connu dans le fond, aux mille facettes, généreux avec son énergie, son argent efficace pour faire réaliser des films qui compteront.

Formé par son père

Claude  Berri né le 1er juillet en 1934 était un homme de cinéma complet. Il avait été d’abord comédien, son premier rêve. Formé à la source par son père, fourreur profondément drôle qui disait qu’il allait mettre Louis de Funès au chômage. Plus tard il lui rendra hommage dans son beau film Le cinéma de papa (1970). Sa mère et son père resteront présent sa vie durant le point fort de son existence. Il suivra aveuglément les conseils de son père pour obtenir son indépendance dans un métier où il est bon de contrôler les mécanismes compliqués de production et de création : « tu dois donner les cartes, aimait-il à lui répéter. En écho, Claude Berri crée la production Renn et s’associe avec AMLF distribution et Pathé, et là il réussit non seulement à réaliser les films de son choix mais aussi à produire les réalisateurs qu’il admire dont par exemple le tchèque Milos Forman dont il avait acheté les droits. Il distribue Au feu les pompiers qui le révéla au public français.

L’enfant caché

En 1967 Claude Berri réalise son premier film, un vrai coup de génie Le vieil homme et l’enfant avec Michel Simon, immense succès qui le propulsera en avant dans la course à la création filmique.

La tragédie de sa vie

Il ne s’est jamais remis de la maladie puis de la mort de sa femme Anne-Marie Rassam qui s’est suicidée en 1995, puis de la souffrance de son fils tétraplégique mort en 2002.

Au plus fort de sa dépression nerveuse, toujours en travaillant d’arrache-pied dans les différents secteurs que sa société contrôle, Claude Berri rencontre l’écrivaine Nathalie Rheims qui devient sa compagne.

Son désengagement progressif du cinéma

Claude Berri décide de confier son entreprise Renne à son associé Pathé après avoir lancé deux projets marquants : Bienvenue chez les Ch’tis  de Dany Boon et La Graine et le mulet de A. Kechiche.

Berri veut se consacrer à sa passion secrète la peinture.

Le parrain du cinéma

Il pensait vraiment que le cinéma était une histoire de famille et était surnommé le parrain. Cela lui plaisait car Le Parrain de Ford Coppola était un film qu’il adorait. Il se voyait un peu comme Brando. Donnant quelques conseils pour maîtriser la destinée des salles noires.

Entre le désir de faire et les doutes sur la nécessité de son existence, questions cruciales qu’il se posait après les tragédies qui l’avaient consumé. Claude Berri meurt d’un infarctus cérébral à l’âge de 74 ans après avoir voué 45 ans à son amour de toujours : Le cinéma.

Il y a cinq ans, en avril 2003, au détour d’une projection nous l’avons interrogé sur les motivations qui l’avaient porté vers le cinéma, et le rapport qu’il entretenait avec son métier.

Monsieur Berri, pourquoi avez-vous choisi de faire du cinéma ?

Je voulais faire revivre les sentiments et les gens qui m’avaient plu dans le passé et qui n’étaient pas forcément encore vivants.

J’aimais retrouver mon père après la classe

Mon père était très sévère avec moi. Il me battait. Mais il était drôle, me faisait rire. Je ne me souvenais jamais des coups, mais de ces histoires, j’ai même un jour failli m’étrangler de rire en l’écoutant. J’avais hâte de retrouver mon père après la classe.

J’aimais l’école, j’avais des copains qui n’arrêtaient pas de faire des blagues aux commerçants, qui étaient ravis.

 

Une fois rentré à la maison mon père me regardait affectueusement et commençait à me mimer une nouvelle histoire.

Ma mère était vraiment une mère juive

Ma mère intervenait et disait à mon père de me laisser respirer, c’était une mère juive qui ne voulait pas qu’on importune son fils. Moi évidemment je prenais tout, l’affection, les histoires drôles, le goûter. Mon père me fixait, s’étant tu avec gravité, « mais tu te payes ma tête mon petit tu ne veux rien laisser à ton vieux père. » Et j’éclatais de rire. Excusez-moi, je m’arrête c’est l’émotion qui monte.

Mon Dieu, que je riais. Que je l’aimais mon fourreur de père.

Mon père voulait mettre de Funès au chômage

Un jour je lui ai demandé, « mais pourquoi ne fais tu pas du théâtre papa » et à sa réponse j’ai failli avaler ma tartine à la confiture de griotte pour le goûter de travers : « je vais te le dire mon fils, je risquerais de mettre Louis de Funès au chômage et ce ne serait pas gentil, ni même courtois » j’ai toussé, éclatant de rire ameutant les voisins, mon père m’a dit « chut ! » Ce qui a eu pour effet de me donner une crise de fou rire. Ma mère est sortie de la cuisine furieuse pour me consoler de tant d’émotions.

Mes vrais débuts ont été la réalisation de mon court métrage, la première pellicule  que j’impressionnais c’était Le Poulet qui a obtenu tout de même un Oscar. Cela m’a stimulé dans mes entreprises suivantes.

Les choses ne se faisaient pas par coup de baguette magique tel que je le croyais encore après ce film que personne n’avait voulu financer.

 

Y a-t-il eut un déclic qui vous a poussé vers le cinéma, comment votre évolution s’est-elle produite au sein de votre profession ?

Oui en effet, mon père m’a dit le plus sérieusement du monde « mon fils dans ce monde pour exister, se faire respecter et faire ce que l’on veut il faut donner les cartes. » Eh bien à partir de cet instant, je me suis accroché au cinéma par tous les trous de la pellicule. A l’époque la télévision n’avait pas encore fait les ravages sur la lecture que l’on connaît aujourd’hui. Je lisais beaucoup de livres, d’histoires sur les juifs, précisément intéressé par ce qui gênait chez les juifs. Je n’ai toujours pas compris pourquoi on en voulait autant aux juifs et tous ces massacres et toute cette inhumanité. J’ai tellement pleuré en apprenant que des membres de la famille de mon père avaient été assassinés pour la seule raison qu’ils étaient juifs. Vraiment la monstruosité habite notre terre. Je suis naïf mais je sais, je suis comme ça. Mon métier est une religion sans idéologie corrosive. L’amour des êtres, leur langage m’a animé et je l’ai reproduit dans mes films.

Tout d’abord un de mes principes est que le cinéma est un plaisir, si je n’en ai pas, il faut faire autre chose. Je me suis amusé pendant plus de 40 ans, j’ai rencontré des gens, aimé, savouré, dîné, respiré, bu du bon vin. J’ai utilisé tous les verbes d’action dans le plaisir. Je crois que sans prétention, si j’intellectualisais mon métier je pourrais dire que je suis un hédoniste, épicurien, car manger j’adore aussi, des bons plats qui ressemblent à ceux de ma mère, même si ces derniers temps j’ai perdu l’appétit. J’ai le cœur gros pardonnez-moi.

Mon plus grand bonheur au niveau du cinéma est d’avoir tourné Le vieil homme et l’enfant   comme réalisateur (1967) avec Michel Simon, j’avais proposé le sujet à Jean-Luc Godard, C’était une histoire vraie, la mienne, sous l’occupation, où j’étais un enfant caché chez des braves gens un peu antisémite. C’était à la campagne chez des vieux, admirateur de la gloire passée de Pétain. J’avais vécu cet épisode comme les plus beaux jours de ma vie où j’avais cependant peur que mes parents ne trouvent plus le chemin pour venir me rechercher. J’ai dit à Patrice Chéreau que les grands acteurs comme Michel Simon devaient être laissés en paix, qu’il fallait faire le métier et ne surtout pas les brimer ou brider par des indications souvent erronées. Ces comédiens connaissent leurs instruments de comédie c’est à dire eux-mêmes.

Michel Simon était un vrai monstre, il ne fallait pas le diriger tout ce qu’il faisait était une perle rare qu’il était indécent de rectifier ou de vouloir sculpter à sa convenance.

Après, vous êtes revenus à vos sources juives ?

Bien sûr, mais je ne les ai jamais abandonnées. Mon grand-père est en moi, il fait partie de toutes les décisions que je prends, je suis un peu lui, je l’aime toujours, il est mort trop vite, « cher pépé ». Il était un juif avec sa foi, il portait un chapeau noir. Il m’emmenait à la synagogue à Saint-Paul. Il sentait ses convictions sur Dieu, moi j’étais dans une autre forme d’attachement à l’éternel. Celle de l’amour des siens.

Je suis devenu un homme la recherche du temps perdu irrémédiablement à cause des images des souvenirs qui me hantent. Ce n’était pas une angoisse mais un bonheur.

François Truffaut était très attaché à mes films. En 1970 Le Cinéma de papa  a été descendu par la critique, je disais ce que j’avais sur le cœur et l’on me disait d’aller chercher ailleurs.

Une des lois chez les juifs c’est de savoir partager, eh bien toute ma vie, comme je le répète, j’ai partagé le magot pour que les auteurs blessés par la vie, puissent s’exprimer. Je souhaite que les hommes de cinéma pensent aux autres pour continuer à exister. Car notre vie est faite de partage. Les œuvres d’arts que j’ai achetées ce sera pour tout ceux que l’art apaise. Que Dieu me permette de voir les miens, ma femme, mon fils. Que ma famille après moi vive dans le bonheur et dans la réalisation de leurs désirs. Si j’ai le temps, peut être ferai-je un nouveau films après Mazel Tov ce serait approprié…