Charia contre paix pour les talibans dans la vallée de la Swat

Écrit par Masooma Haq, La Grande Époque
23.02.2009
  • Des écoliers pakistanais de la vallée de la Swat(Stringer: AFP / 2009 AFP)

ISLAMABAD – Les talibans qui opèrent dans la vallée de la Swat au Pakistan se sont fait offrir l'imposition de la loi islamique (charia) dans la région s'ils cessent les hostilités. Le 21 février, une administration locale de la province de la Frontière du Nord-Ouest a déclaré qu'une trêve permanente était désormais en vigueur, laissant entendre qu'une entente avait bel et bien été conclue. Cependant, un chef taliban pakistanais a indiqué, quelques heures plus tard, que l'étude du prolongement du cessez-le-feu de dix jours se ferait lors de son arrivée à échéance, soit le 25 février.

Une semaine plus tôt, ce cessez-le-feu était survenu après que l'administration régionale eut cédé à une revendication du groupe protaliban Tereek-e-Nifaz-e-Shariat-Muhammadi (TNSM – le Mouvement pour l'Application des Lois Islamiques) d'imposer la loi islamique (charia) dans la région.

Le gouvernement de la province de la Frontière du Nord-Ouest et Sufi Muhammad, le fondateur de TNSM, avaient négocié un accord pour imposer la charia dans le district de Malakand, remplaçant ainsi le système judiciaire mis en place durant l'administration coloniale britannique.

Les détails de la confusion entourant la possibilité d'une trêve permanente ne sont pas encore connus.

On ne sait pas non plus quelles genres de concessions supplémentaires les autorités seraient prêtes à faire afin d'enrayer pour une plus grande période la violence qui ravage la région.

Depuis 2007, les talibans y mènent une insurrection, incluant des campagnes de décapitation des gens qui leur sont réfractaires et la destruction d'écoles. Le gouvernement aurait également commis des bévues en menant des «attaques disproportionnées», selon Amnesty International.

Advenant un accord durable, on craint que les talibans pourront faire régner la terreur dans la région en toute impunité, en plus d'avoir sécurisé un sanctuaire pour planifier des attaques dans d'autres endroits. Déjà, selon Amnesty, des hommes ayant rasé leur barbe sont fouettés sur les places publiques, et les magasins de musique sont détruits.

Dans un communiqué daté du 16 février 2009, Amnesty International a déclaré que l'entente démontre une préjudiciable indifférence pour les droits de l'homme des habitants de la vallée de la Swat, les abandonnant effectivement aux talibans.

«Systématiquement prises pour cibles par les talibans, les femmes et les filles sont victimes de violence liée au genre et de discrimination. Leurs droits à la liberté de mouvement, au travail et à l'éducation sont sévèrement restreints. Le gouvernement pakistanais ne peut pas se contenter d'abandonner ces personnes et de céder leurs droits», explique Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International

Les représentants de l'administration provinciale affirment toutefois avoir conclu l'entente pour le bien-être des habitants de la vallée de la Swat, autrefois une destination touristique prisée.

Selon un reportage du quotidien pakistanais The Daily Times, le chef ministre de la province, Ammeer Haidar Hoti, a affirmé que la décision d'appliquer la charia n'a pas été prise en raison des pressions talibanes, mais bien parce que les citoyens de Swat souhaitaient la conclusion d'une telle entente.

Selon Amnesty, entre 250 000 et 500 000 personnes auraient fui la région depuis 2007 en raison des combats et des exactions.