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Israël s'attaquerait clandestinement au programme nucléaire iranien

Écrit par Antoine Latour, La Grande Époque - Montréal
26.02.2009
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  • La centrale nucléaire iranienne de Bushehr, construite avec l'expertise russe.(Staff: BEHROUZ MEHRI / 2007 AFP)

La rhétorique anti-Iran a été un élément important des dernières années de l'administration Bush. La tension a augmenté à plusieurs reprises entre Washington et Téhéran, si bien qu'on avait presque l'habitude de communiquer par déploiements de porte-avions et par tests de missiles longue portée.

Israël n'était jamais loin derrière dans ce bras de fer, procédant lui-même l'année passée à des exercices militaires majeurs laissant présager des frappes préventives contre les installations nucléaires iraniennes. Mais les temps ont quelque peu changé, maintenant que le nouveau président américain tend la main à la république islamique. Sécurité nationale oblige, Israël n'en demeure pas moins prêt à faire tout en son possible pour éviter qu'un jour la théocratie iranienne, ayant juré sa destruction, soit en possession de l'arme nucléaire.

C'est dans ce contexte que le quotidien britannique Daily Telegraph a publié la semaine dernière un reportage à l'effet qu'Israël mène des opérations clandestines pour saboter le programme nucléaire iranien. Pour les individus bien au fait des jeux de coulisses, cela ne représente pas vraiment une surprise. Ce sont les détails des supposées opérations qui intéressent alors qu'ils exposent la surface d'une stratégie se voulant profondément secrète.

L'article du Daily Telegraph cite des experts en renseignement, dont deux anciens membres de la CIA. Ils indiquent que les opérations israéliennes comprendraient l'assassinat de scientifiques iraniens importants, le sabotage des installations nucléaires en y introduisant, par voie de compagnies collaboratrices, des composantes défectueuses et l'utilisation d'agents secrets pouvant laisser filtrer des informations quant au programme.

«La perturbation a pour but de ralentir le progrès du programme [et cela est fait] d'une telle manière qu'ils [les Iraniens] ne réalisent pas ce qui est en train de se passer. Vous n'allez jamais l'arrêter», informe un ex-agent de la CIA au Telegraph. «L'objectif est de retarder, retarder, retarder jusqu'à ce que vous puissiez trouver une autre solution ou approche. Nous ne voulons certainement pas que le gouvernement iranien actuel se dote de ces armes. C'est une bonne politique, au lieu de les éliminer par voies militaires, ce qui comporte probablement des risques inacceptables.»

Aux dires du quotidien, une rumeur court que le scientifique iranien Ardeshire Hassanpour, qui travaillait à la centrale nucléaire d'Isfahan, aurait été assassiné par le Mossad en 2007. Le redoutable service secret israélien serait un des derniers au monde à encore posséder une branche dédiée aux assassinats.

Un autre agent de renseignement interrogé par le Telegraph fait remarquer qu'Israël n'a «pas hésité dans le passé à assassiner des scientifiques [du domaine] de l'armement [travaillant] pour des régimes hostiles».

Ce dernier se référait probablement à l'assassinat en 1990 de l'ingénieur canadien, Gerald Bull, qui travaillait pour Saddam Hussein afin de développer un super canon. Ce geste est généralement attribué au Mossad, mais l'Iran aurait très bien pu également trouver une justification de freiner le développement militaire de son voisin et ennemi juré.

L'agence de presse Reuters a approfondi la nouvelle du Telegraph en contactant Meir Javendafar, un expert de l'Iran du centre de réflexion Meepas sur le Moyen-Orient. «Plusieurs agences de renseignement font de leur mieux pour faire ça [perturber le programme nucléaire iranien]. Pas seulement Israël, mais les Américains et plusieurs agences d'espionnage européennes», affirme-t-il. «Si c'est vrai, ça met de la pression sur le programme iranien techniquement. Même s'il n'y avait rien de vrai à cela, ça fait partie d'une guerre psychologique massive contre le programme nucléaire iranien... C'est... beaucoup plus abordable que saboter de l'équipement.»

En effet, le simple fait de laisser croire que du matériel et des pièces devant servir au programme pourraient être trafiqués met des bâtons dans les roues du régime iranien qui doit renforcer le filtrage et le contrôle de qualité.

Quant à l'implication d’autres pays qu'Israël dans cette affaire, cela rejoindrait les informations avancées en juillet 2008 par le journaliste Seymour Hersh du magazine The New Yorker. Dans un très long article, Hersh explique que l'administration Bush a fait adopter un plan de 400 millions de dollars pour mener des opérations clandestines en Iran visant à déstabiliser le régime.

Les forces spéciales américaines, de pair avec la CIA et la DIA (agence de renseignement militaire), mèneraient des black ops ciblant des membres des Pasdaran, la force d'élite iranienne, ainsi que d'autres «cibles de haute valeur». Ce programme comprendrait également le soutien de groupes militants armés opposés à la théocratie, pouvant commettre des attentats terroristes.

Hersh a rapporté que cette manière de faire ne faisait pas l'unanimité. Certains des groupes qui seraient soutenus par les États-Unis ne sont pas des enfants de cœur. Un ex-agent du service clandestin de la CIA a soulevé avec Hersh le cas d'éléments du Baloutchistan, une région s'étendant en Iran, en Afghanistan et au Pakistan. «Les Baloutches sont des fondamentalistes sunnites qui détestent le régime de Téhéran, mais on peut aussi les décrire comme étant Al-Qaïda [...] Ce sont des gars qui décapitent les infidèles – dans ce cas les chiites iraniens. L'ironie est qu'encore une fois nous travaillons avec des sunnites fondamentalistes, tout comme nous l'avons fait en Afghanistan dans les années 80.»

Il est impossible de dire si le programme clandestin américain se poursuit sous Barack Obama ou quel est le degré de coopération avec Israël dans cette affaire.

Si l'implication israélienne et occidentale en Iran ne défraie par régulièrement la manchette, la république islamique a souvent été accusée par les États-Unis d'alimenter l'insurrection en Irak. Que ce soit avec ses propres agents ou en fournissant matériel, entraînement et financement aux milices luttant contre la présence américaine, l'implication de Téhéran a toujours été fortement soupçonnée.

Le diplomate britannique Sir John Sawers, maintenant ambassadeur à l'ONU, a déclaré dans un documentaire de la BBC avoir déjà reçu des propositions incriminantes du régime iranien.

«Les Iraniens voulaient conclure une entente selon laquelle s'ils arrêtaient de tuer nos forces en Irak, nous les laisserions poursuivre leur programme nucléaire : “Nous arrêtons de vous tuer en Irak, arrêtez de saper le processus politique là-bas, permettez-nous de poursuivre notre programme nucléaire sans entrave.”»

Sawers affirme que les Iraniens ont fait cette proposition lors d'une rencontre informelle dans un hôtel londonien.

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Pendant ce temps, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a annoncé la semaine dernière que l'Iran avait accumulé suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique après avoir trouvé 209 kg de la substance qui n'avait pas été précédemment déclarée aux inspecteurs, selon le Times Online. Ce dernier note également que l'Iran aurait ralenti le développement de ses capacités d'enrichissement, laissant supposer un geste de bonne volonté vis-à-vis de l'administration américaine. Ou peut-être est-ce le résultat du succès des opérations clandestines israéliennes?

Dur à dire. Une chose est certaine, le prochain gouvernement israélien, sous l'égide de Benjamin Netanyahu, devrait dire fort et clair que l'Iran représente la principale menace à sa sécurité, avec des conséquences encore imprévisibles.

Quant à la république islamique, elle va continuer d'essayer de convaincre que son programme nucléaire est purement à usage civil, comme elle a déclaré devant la Conférence du désarmement à Genève, la semaine dernière, qu'elle souhaitait un «monde libéré des armes nucléaires».

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.