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Le régime chinois adopte une nouvelle stratégie médiatique

Écrit par La Grande Époque
12.03.2009
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  • Un Chinois devant son ordinateur(Staff: FREDERIC J. BROWN / 2008 AFP)

Une nouvelle stratégie médiatique semble être déployée par le Parti communiste chinois (PCC). Les incidents qui auparavant auraient été censurés et étouffés sont maintenant rapportés rapidement par les médias d'État. Avancée pour la liberté de la presse ou manœuvre pour contrôler et diriger un flot d'informations de plus en plus «sauvage»? Les experts sont d'avis que la croissance d'Internet a forcé la main du régime à modifier son modus operandi.

Cheng Xiaonong, rédacteur en chef du journal trimestriel Modern China Studies, a commenté sur la nouvelle approche des médias d'État chinois.

«Avec ces nouvelles méthodes, ils réagissent rapidement pour rapporter les évènements. C'est une nouvelle technique, mais le but est le même : manipuler les gens et ainsi contrôler les décisions qu'ils prennent», explique-t-il.

Un exemple de cette nouvelle approche est survenu 25 février, dans l’après-midi. Trois Ouïghours se sont immolés à l'intérieur de leur véhicule sur une rue achalandée de Pékin, apparemment dans un geste de protestation. L'organe médiatique du régime, Xinhua, a rapporté l'incident dans l'espace d'une heure et demie et a enchaîné avec cinq actualisations subséquentes. Une telle rapidité de réaction était rarement vue dans le passé.

Le lendemain, pour protester contre un scandale financier, un homme de 75 ans a grimpé sur une tour de télécommunications près de la station de métro Dazhongsi, à Pékin. Huit heures plus tard, les pompiers ont réussi à le faire descendre. Tous les grands médias de Pékin ont rapporté l'incident. Dans le passé, il est fort probable que cet évènement serait passé sous silence.

«Le PCC réalise que la méthode habituelle ne fonctionne plus, celle de forcer les gens à lire ce que le PCC veut qu'ils lisent», fait remarquer M. Cheng.

Selon le journal hongkongais Mingpao, rapporter les incidents difficiles à étouffer permet au régime de diriger l'opinion publique en générant la première impression de l'incident.

Zhang Weiguo, rédacteur en chef du magazine Trend à Hong Kong et expert des médias chinois, est d'accord.

«En raison d'Internet, le régime chinois ne peut plus contrôler les médias comme il en avait l'habitude. Il a besoin de prendre les devants», affirme-t-il.

M. Zhang explique que le régime chinois veut «reprendre le droit de parole des médias occidentaux».

Lorsque des reportages de médias étrangers pénètrent en Chine par Internet, les reportages initiaux des médias d'État ont déjà fourni le cadre à travers duquel la nouvelle est perçue.

Dans le cas de l'auto-immolation des Ouïghours, Xinhua a omis plusieurs détails, comme la motivation des protestataires et leur identité ethnique, et elle a mis l'accent sur les efforts du régime pour secourir les blessés. En ne révélant pas l'information que les individus s'étant immolés étaient des Ouïghours et que leur voiture avait une plaque du Xinjiang (région du nord-ouest de la Chine habitée par les Ouïghours, peuple musulman opprimé aux traits centrasiatiques, au sein duquel existe un mouvement indépendantiste), le reportage de Xinhua a efficacement dépolitisé l'incident.

Dans le cas de la protestation de l'homme âgé sur la tour de télécommunications, le reportage officiel indiquait que l'homme avait commis ce geste en raison d'une folie temporaire et l'accent était mis sur le travail des pompiers qui avaient risqué leur vie pour le sauver. Encore une fois, le contexte politique de l'action, soit la corruption endémique du régime chinois, a été complètement passé sous silence.

Selon M. Cheng, la réponse au cas de Yang Jia a constitué un point tournant pour l'approche médiatique du régime.

Le 1er juillet 2008, soit l'anniversaire de fondation du PCC, Yang Jia aurait tué six policiers pour protester contre des mauvais traitements qu'ils lui auraient fait subir. Cette nouvelle s'est répandue comme une trainée de poudre sur Internet, et Yang Jia est en quelque sorte devenu un héros national symbolisant la résistance à l'oppression.

Dans le cas de Yang Jia, la lenteur des médias d'État à rapporter les évènements a permis aux canaux alternatifs de modeler la perception de l'incident de sorte que la vague d'appuis sur Internet a fait boule de neige.

M. Cheng croit que la nouvelle technique des médias d'État pourrait se montrer plus efficace que les tentatives précédentes de simplement censurer la nouvelle.

«Certaines personnes qui étaient frustrées contre l'État pourront être reconquises, ces personnes vont penser que les choses ont changé», laisse entendre M. Cheng.

On risque de retrouver de telles personnes en Occident également, chinoises ou non.

En même temps, le régime utilise plus d'une avenue pour contrôler les nouvelles qui entrent en Chine. «La Chine fait pression sur les médias occidentaux et les journalistes à l'extérieur de la Chine afin qu'ils parlent en faveur du régime», affirme M. Cheng.

Il estime que la nouvelle approche des médias d'État représente un défi pour les médias indépendants qui rapportent sur la Chine.

«Les médias indépendants ne doivent pas seulement rapporter, mais faire de l'analyse médiatique, de sorte que les gens peuvent voir l'ampleur de ce qui est tordu et faux. Ces médias doivent être bien informés sur la situation en Chine, mais aussi pourquoi les choses sont comme elles le sont», conclut-il.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.