Écrit par Antoine Latour, Olivier Chartrand et Joan Delaney, La Grande Époque

Le groupe estime qu'il s'agit de discrimination et soupçonne l'influence du gouvernement chinois

La fanfare du Falun Gong a participé ces dernières années au défilé de la Saint-Patrick à Montréal. En 2007, la fanfare du Falun Gong a reçu un prix du comité organisateur de la Saint-Patrick pour la qualité et l’originalité de sa performance lors du défilé. Cette année, cependant, les organisateurs ont refusé l'entrée à l'ensemble musical, affirmant ne pas vouloir de «groupes politiques ou de militants au sein du défilé». Les membres de la fanfare estiment qu'il s'agit de discrimination et n'hésitent pas à suspecter une interférence étrangère. Les organisateurs se défendent d'avoir subi quelque pression que ce soit.

Gerald Showers, porte-parole du comité organisateur, insiste que la fanfare n'a pas été acceptée parce que l'année dernière des membres du groupe avaient distribué des dépliants dénonçant la persécution du Falun Gong en Chine. «Le défilé est une célébration, pas une manifestation», a déclaré M. Showers à The Gazette.

La distribution de dépliants est interdite lors du défilé, et la fanfare dit reconnaître avoir commis une erreur. Francis Madore, un des représentants du groupe, affirme toutefois que la fanfare n’a jamais été informée que la distribution de dépliants était interdite.

Des représentants de la fanfare ont rencontré la semaine dernière les organisateurs du défilé pour leur assurer qu'aucun dépliant ne serait distribué cette année. Malgré cela et malgré les multiples tentatives de réconciliation auprès des organisateurs, ces derniers n'ont pas changé d'avis.

Pour les responsables de la fanfare, cette rigidité n'est pas fortuite et n'est pas simplement le fruit d'avoir enfreint le règlement interdisant la distribution d'imprimés.

Comme l'indique un courriel fourni par une des responsables de la fanfare Mme Ying Zhu, relatant un échange avec la vice-présidente de la United Irish Societies of Montreal, Beverly Murphy, les organisateurs du défilé semblent avoir écarté le Falun Gong pour des raisons plus complexes. Selon Mme Zhu, les organisateurs ne semblent pas savoir ce qu'est vraiment le Falun Gong.

«Je réalise que vous avez fait partie du défilé dans le passé, mais nous semblons avoir fait une erreur de ne pas savoir suffisamment ce qu’est, au fond, vraiment votre organisation», écrit Mme Murphy.

Celle-ci écrit également que «nous ne pouvons permettre à des groupes politiques ou militants de participer au défilé».

«Le fait d’informer les gens que nous sommes persécutés est suffisant pour nous étiqueter de politique?», réagit M. Madore, affirmant que l’ensemble musical reçoit un accueil chaleureux partout où il va. Il fait remarquer que la fanfare a participé ce mois-ci au défilé de la Saint-Patrick de la ville d'Ottawa ainsi qu'à celui de la ville de Châteauguay.

La porte-parole de l'Association du Falun Dafa (Falun Gong) du Canada, Lucy Zhou, affirme que le groupe n'est pas politique, mais souhaite exposer les mauvais traitements imposés par le régime chinois.

«Essayer de protéger des personnes innocentes et de sensibiliser [les gens] au sujet des droits de l'homme en Chine ne fait pas du Falun Gong un groupe politique, ainsi le groupe ne devrait pas être exclu de quelconque évènement au Canada, incluant les défilés de la Saint-Patrick», estime-t-elle.

«Je sympathise peut-être avec vous, mais le défilé n'est pas l'endroit pour exprimer votre opinion ou vos inquiétudes sur ce qui se passe en Chine», croit M. Showers.

Mme Zhou fait remarquer que les missions diplomatiques chinoises ont l'habitude d'interférer avec les évènements où le Falun Gong est présent.

Les propos de Mme Murphy affichant la croyance que le Falun Gong est une organisation politique ont poussé les responsables de la fanfare à suspecter l'influence du gouvernement chinois.

En mai 2008, les organisateurs du Festival de la Tulipe à Ottawa avaient retiré la fanfare du Falun Gong de la programmation quelques instants avant qu'elle ne livre sa performance dans le cadre de la cérémonie d'ouverture, de peur d'embêter l'ambassade chinoise qui finançait en partie l'évènement.

S'adressant devant le Parlement ontarien, le député Randy Hiller avait déclaré que «le Festival de la Tulipe d'Ottawa, en partenariat avec l'ambassade de Chine, a exclu le Falun Gong».

«Ce gouvernement [chinois] a donné au Festival de la Tulipe 300 000 $ et, avec lui, ils sont devenus les dernières voix du silence», avait-il déploré.

Après une tempête médiatique causée par l'incident, les organisateurs du festival ont offert des excuses publiques et ont permis à la fanfare de participer.

«Un des membres du comité, désirant demeurer anonyme, nous a dit clairement qu'ils [les organisateurs] ont reçu une lettre de l'ambassade chinoise», affirme Ying Zhu à propos du cas montréalais.

«Ce n'est pas vrai. Nous n'avons jamais été approchés par quelconque gouvernement», se défend cependant M. Showers, contacté par La Grande Époque.

Même son de cloche chez Mme Murphy, qui affirme que le comité n’a jamais eu de contact avec l’ambassade chinoise et que la décision a été prise à l’interne.

Le Falun Gong a remporté de nombreux prix, dont celui du « Meilleur groupe » au défilé de la Saint-Patrick à Ottawa en 2008; celui de « l’Entreprise la plus créative » durant le défilé de la Saint-Patrick à Montréal en 2007; et le «Trophée du Président » lors du défilé de la Fête du Canada à Montréal en 2007.

«C'est tellement bizarre. Nous avons toujours eu une bonne relation [avec les organisateurs]», déplore Mme Zhu.

Cette dernière mentionne qu'ils pourraient amener cette affaire devant un tribunal des droits de la personne, ajoutant qu'il est trop étrange qu'après cinq années le groupe soit soudainement exclu du défilé.