Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

La photographie couleur… « avant l’heure »

Écrit par Henri DURRENBACH
24.03.2009
| A-/A+

  • Statue du taureau Nandi, monture de Shiva. Bénarès (Varanasi), 29 janvier 1914. Autochrome de Stéphane Passet, inv. A 4 432 S. (© Archives de la Planète - Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine)(攝影: / 大紀元)

Bien avant l’heure de sa vulgarisation au niveau du grand public et alors qu’aujourd’hui elle se dématérialise par la numérisation – est-ce la dernière étape de son aventure ? – la photographie couleur apparaît très tôt – un demi-siècle – après l’invention en 1826 de la photographie proprement dite par Nicéphore Niepce (1765-1833) suivie de son perfectionnement en 1838 par Louis-Jacques Mandé Daguerre (1787-1851), inventeurs français tant l’un que l’autre.

L’important apport de la photochromie

Apparu avant 1880, inventé et mis au point conjointement par le Français Léon Vidal et le Suisse Hans Jakob Schmid, le procédé Photochrom, à mi-chemin entre photographie et lithographie permettait de colorier un négatif photographique noir et blanc de la même manière qu’une lithographie et selon les mêmes techniques. Il fit l’objet en 1888 d’un brevet déposé par la société Orell Füssli à Zurich qui l’exploita ensuite sous la marque PZ (Photoglob Zurich).

Premières images en couleur d’un monde en pleine mutation, les photochromes PZ furent produits massivement jusque vers 1920 et quelque 30.000 vues figuraient au catalogue Photoglob : vues d’Égypte et de Terre Sainte, de Naples, de Venise, Paris, Londres, Madrid, des Alpes suisses ou de la Riviera, du Rhin, du Danube, de l’Inde, mais aussi de Chine, de Singapour… ; puis sont venues celles des Chutes du Niagara, des steamers du Mississipi, du Grand Canyon, des rues de New-York et encore du Canada et de Cuba… Mais il y eut aussi la reproduction photochromique des grandes œuvres d’art, de la Sainte Cène de Léonard de Vinci à l’Angélus de Millet, restituées dans leurs moindres détails.

Infimement plus évocatrices que les photographies en sépia ou les cartes postales colorisées, ces images devaient rencontrer un succès triomphal aux Expositions universelles de Paris en 1889 et 1900.

L’exposition actuelle

Inaugurée le 26 janvier 2009 et devant durer jusqu’au 18 avril, et pour la première fois au monde depuis leur tombée dans l’oubli, une exposition constituant un véritable retour dans le passé avec très forte connotation émotionnelle réunit à la Bibliothèque Forney1, 300 photochromes choisis dans la collection personnelle de plusieurs milliers de pièces du graphiste et photographe français Marc Walter, également un des commissaires de la manifestation. Elle est articulée en quatre salles très didactiques :

 

Salle 1 : Du noir et blanc à la couleur

Salle 2 : Les voyages et les portraits

Salle 3 : Architecture, art et objets d’art

Salle 4 : Salle américaine : Amérique du Sud et Etats-Unis/Canada

(du mardi au samedi de 13h à 19h)

  • Porteurs d’eau. Bombay (Mumbai), 14 décembre 1913. Autochrome de Stéphane Passet, inv. A 4 371.(© Musée Albert-Kahn - Département des Hauts-de-Seine)(攝影: / 大紀元)

Les autochromes d’Albert Kahn, archives de la planète

Une dizaine d’années avant l’abandon des photochromes, le relais devait être assuré par un Alsacien originaire du Bas-Rhin, Albert Kahn, né à Marmoutier le 3 mars 1860, il y aura 150 ans en 2010.

Venu s’installer vers 1895 à Boulogne-Billancourt, il s’est entretemps orienté vers la profession bancaire ; il est employé de banque à Paris dès sa vingtième année. Il poursuit ses études en amitié parmi d’autres, avec son contemporain Henri Bergson, qui va exercer sur lui un ascendant philosophico-idéologique déterminant. Parallèlement, il connaît une ascension décisive dans sa profession, qui l’amène à devenir en 1892 le principal associé de la Banque Goudchaux à Paris et, dès 1895, il est considéré comme l’un des financiers les plus importants d’Europe.

Animé d’un idéal de fraternité universelle, il va mettre à son service les moyens dont il dispose désormais, en attendant qu’il finisse ruiné par la crise de 1929 et meure à 80 ans le 14 mars 1940, sans avoir fondé de famille et s’étant toujours par modestie maintenu en retrait de son œuvre.

Cette œuvre, celle d’un mécène humaniste totalement altruiste et désintéressé au plan personnel, le conduit :

- d’une part à acquérir avant 1910 quatre hectares de terrain vague à Boulogne-sur-Seine (qui allait devenir Boulogne-Billancourt) pour y aménager progressivement l’ensemble paysager appelé Les jardins d’Albert Kahn qui allait être la trace visible de son intérêt passionné pour la diversité et le dialogue des cultures. Il s’agit d’un jardin dit « de scène » se composant d’un jardin français complété par une roseraie et d’un verger, d’un jardin anglais, d’un marais suivi d’une prairie, d’une forêt bleue et d’une forêt dorée, d’un jardin japonais et enfin d’une forêt vosgienne.

- d’autre part, à l’occasion des voyages de négociations qu’impliqueront longtemps ses hautes fonctions de « décideur » avant la lettre à engager des photographes, tels que Stéphane Passet et Roger Dumas, qui utiliseront dès 1913 les fort chères plaques autochromes mises au point par les frères Lumière à partir de 1903 et commercialisées en 1907 permettant la reproduction des couleurs grâce à l’écran polychrome qui leur était incorporé sous forme de grains microscopiques de fécule colorés au rouge-orangé, violet et vert et aboutissant à un positif photographique couleur transparent aux couleurs déjà très proches des réelles. Ils vont prendre le plus grand nombre possible de vues du plus grand nombre possible de régions du monde, afin de constituer les « archives de la planète », un fabuleux patrimoine culturel photographique quasi-universel, un irremplaçable support concret pour l’historien, infiniment plus précieux que les meilleurs récits ou témoignages. Ayant échappé comme par miracle à la destruction ou à la dispersion, ces vues sont, aujourd’hui encore, conservées à Boulogne-Billancourt dans le domaine même d’Albert Kahn où il devait décéder, sous l’égide très vigilante du Conseil général des Hauts-de-Seine, qui commença à constituer sur place le musée Albert Kahn2 à partir de 1986 et salarie actuellement tout le personnel voué à sa conservation, de plus en plus élaborée et dotée du matériel le plus perfectionné pour ce qui concerne la mise en valeur de ce qu’il renferme, soit quelque 72.000 autochromes tous datés et 170.000 mètres de film (noir et blanc).

Le fonds Albert Kahn informatisé pour la recherche (FAKIR)

Compte-tenu de la nature de la collection (plaques de verre principalement au format 9 x 12 cm), les originaux sont conservés dans des conditions de température et d’hygrométrie bien choisies et ne sont plus exposés à l’air libre.

Depuis 2005, par tranches successives l’ensemble des collections, y compris textes et matériels est numérisé, tant à l’adresse du public que des chercheurs et professionnels.

En guise de conclusion

L’humanisme généreux, dont Albert Kahn est un exemple archétypique et quasi-unique qui a eu l’immense mérite d’exister n’a à l’évidence pas rencontré dans la vie pratique les réponses auxquelles il croyait pouvoir s’attendre de la part des hommes et pour l’obtention desquelles il s’est investi complètement jusqu’à s’anéantir personnellement. Car les relations humaines sont moins marquées par la bonne volonté et l’amour de l’autre que par l’opposition radicale d’intérêts politiques et idéologiques le plus souvent inavoués, à moins qu’ils ne soient inavouables. Les très graves avanies réservées assez habituellement aux photographes de presse sur les théâtres de crises en sont la trace parmi d’autres, comme la multiplication des affrontements un peu partout dans le monde qui sont le désastre croissant de la planète. Quelque 70 ans après la mort d’Albert Kahn apparaît plus que jamais l’insuffisance de l’homme face à la gestion heureuse de ses propres destinées…

1 Bibliothèque Forney, Hôtel de Sens, 1 rue du Figuier, Paris 4e

2 Le musée Albert Kahn, 14 rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt est ouvert du mardi au dimanche de 11 heures à 18 heures ou 19 heures selon la saison.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.