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L’opposition indienne passe à l’attaque

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
10.04.2009
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  • Bharatiya Janata Party (BJP) senior leader and BJP Prime Ministerial candidate, Lal Krishna Advani (R) and BJP President Rajnath Singh hold up copies of the Bharatiya Janata Party Election Manifesto in New Delhi on April 3, 2009. India's main opposition Hindu nationalists positioned themselves as the best equipped to protect national security as they outlined plans to shore up support among their traditional voters. AFP PHOTO/RAVEENDRAN (Photo credit should read RAVEENDRAN/AFP/Getty Images)(Staff: RAVEENDRAN / 2009 AFP)

A deux semaines du début des élections générales indiennes, le BJP, principal parti d’opposition au Congrès indien, a rendu public son programme politique le 3 avril. Clairement focalisé sur les classes moyennes, le programme du BJP promet des réductions d’impôts aussi bien que la diminution des taux d’intérêt, et joue sur la corde sensible de la sécurité nationale, douloureusement perçue en Inde dans le contexte des récentes attaques terroristes à Bombay.

Le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) a choisi la date hautement symbolique de la naissance du dieu guerrier Rama – jour de fête nationale en Inde, pour publier son manifeste de campagne. Celui-ci, comme on pouvait s’y attendre, fait largement appel à sa base nationaliste hindoue en plaçant la sécurité nationale au premier plan de ses préoccupations.

Le BJP promet aussi bien des lois anti-terroristes plus sévères qu’une refonte des services de renseignement indiens. Ces derniers sont en effets tenus pour responsables de ne pas avoir su anticiper les attaques terroristes de Bombay en novembre dernier, très probablement commanditées par l’ISI, le plus controversé des services de renseignements pakistanais. Le BJP défend, ligne habituelle du parti qui doit rencontrer un écho particulièrement favorable en Inde à l’heure actuelle, une approche dure vis-à-vis du Pakistan.

« Le problème le plus inquiétant auquel nous faisons face aujourd’hui est la sécurité nationale », indique le candidat officiel au poste de Premier ministre, Lal Krishna Advani, cité par le Times of India. « Jamais auparavant l’Inde n’a été si démunie face au terrorisme. »

Le BJP, au pouvoir entre 1998 et 2004, tente de reprendre la main après cinq années de gouvernement par la coalition du Congrès et argumente de l’inefficacité de ce dernier et de son alliance de centre-gauche face aux menaces posées par le Pakistan et par les maoïstes particulièrement nocifs dans tout le Nord-Est du pays.

« Le BJP enverra un message simple aux terroristes et à ceux qui les soutiennent. Ils paieront au prix fort chaque vie innocente perdue », indique le manifeste de campagne du parti. Des mesures contre l’immigration illégale, en particulier en provenance du Bangladesh, doivent venir en soutien à cette politique.

Le vote des populations rurales ayant porté le Congrès au pouvoir en 2004, le BJP multiplie les promesses comme celles de prêts à 4 % pour l’achat d’exploitations agricoles, l’offre de 35 kg de riz par mois au prix de 2 roupies (3 centimes d’euro) le kilogramme pour les familles pauvres, ainsi qu’une diminution d’impôts pour les classes moyennes, qui représentent 200 à 300 millions d’Indiens. S’y ajoutent la proposition d’augmentation du salaire minimum et des plans d’éducation pour les jeunes filles et femmes de la caste des « intouchables». Cette dernière proposition est l’élargissement du plan Ladli Laxmi Yojna, déjà appliqué avec succès dans le Madhya Pradesh.

Avec ces propositions, le BJP se démarque de sa ligne habituelle, souvent perçue comme élitiste ou insensible aux problèmes des zones rurales. La barre du populisme est largement dépassée tant l’éventail de promesses sociales est large, incluant exemptions de taxe pour les militaires et pour les retraités (votants réguliers), ces derniers devant de plus bénéficier de réductions sur les transports. Les votants urbains ne sont pas oubliés : accès facilité aux prêts immobiliers, diminution de l’impôt sur les bénéfices des entreprises…

Les propositions sont donc axées sur une stimulation de la consommation intérieure (« quand les gens ont plus d’argent, leur pouvoir d’achat augmente, ce qui en retour stimule l’économie », dit le manifeste du BJP publié par le Times of India) et posent évidemment la question de l’équilibre budgétaire. D’autant qu’elles insistent aussi – ce que le Congrès n’a jusque-là pas fait – sur le développement indispensable des infrastructures de transport routier. C’est un programme politique et les grandes lignes d’un plan de relance tout à la fois.

De façon inquiétante pour les relations interconfessionnelles, le BJP accroche sa base hindoue en promettant à nouveau de bâtir un temple à Rama sur les ruines de la mosquée d’Ayodhya, au Nord du pays. La destruction de cette mosquée en 1992 par des extrémistes hindous avait provoqué les pires violences depuis la partition de l’Inde et du Pakistan. Dans la même lignée, si la promotion du dialogue inter-religieux est brièvement mentionnée dans le manifeste du BJP, elle n’est exemplifiée que par l’amélioration souhaitée des relations entre chrétiens et hindous, sans mention des musulmans.

La réponse du Congrès

Quelques heures à peine après la publication du manifeste, le Congrès a réagi en affirmant que certaines promesses sociales comme l’offre de riz pour les familles défavorisées ne sont qu’un copier-coller de son propre manifeste, publié une semaine auparavant.

« Près de 70 % du manifeste du BJP est une copie du manifeste du Congrès ou du programme de la coalition progressiste », affirme le porte-parole du Congrès et ministre de la Science Kapil Sibal.

« Si le BJP tente de respecter ces promesses, ses autres partenaires du NDA [National Democratic Alliance, l’union des partis d’opposition] le lâcheront ».

Pour le Congrès – très offensif – les promesses du BJP ne sont pas soutenues par ses actions passées. Sibal rappelle la libération du terroriste Maulana Masoud Azhar en 1999, en échange de la libération des passagers d’un vol d’Indian Airflights détourné en Afghanistan, le viol de femmes par ceux qu’il présente comme « des alliés » du BJP à Mangalore.

En conclusion, pour un Congrès inquiet de l’érosion de son propre réservoir de votes, « ce manifeste ne fait que montrer qu’ils ne savent pas où ils sont. Ils ne seront jamais en ligne avec le développement de l’Inde ». « Ils n’ont rien à proposer aujourd’hui, que ce soit économiquement ou socialement. Et donc ils parlent encore du temple de Rama ».

Après les élections

La grande question dans ce pays d’alliances politiques volatiles est de savoir si la nouvelle coalition au pouvoir en Inde après les élections d’avril-mai aura durablement les moyens d’exercer le pouvoir.

Le Congrès, qui a su maintenir sa coalition de l’Alliance Progressiste Unie (UPA) pendant les cinq dernières années, a récemment perdu de nombreux alliés régionaux qui l’accusent de centralisme et de méconnaissance des réalités du terrain. Les musulmans du Nord de l’Inde sont eux unis pour s’opposer au nationalisme hindou du BJP, lequel pêche par son manque de présence dans le Sud du pays, en particulier le Tamil Nadu. La dispersion politique est également forte dans tout l’Est du pays, sous influence maoïste croissante.

Dispersion résume donc le paysage politique de la plus grande démocratie du monde, avec 1,2 milliard d’habitants et d’innombrables castes et dialectes différents. Le Congrès, artisan de l’indépendance et qui a dominé la vie politique indienne pendant cinq décennies, a perdu de nombreux soutiens et, de moins en moins puissant, est forcé à des alliances contraignantes.

Le grand danger des élections de 2009 pourrait donc être l’émergence, par le jeu des alliances, de forts pouvoirs régionaux. Ceux-ci mettent déjà le Congrès et le BJP en compétition dans la négociation de leur futur soutien, et il est malheureusement relativement probable qu’en absence d’un vainqueur fort aux élections, leur influence future deviendrait un frein à toute mise en place d’une politique nationale dépassant les intérêts de castes.

Dans ce cas, le scénario de 1996 pourrait se reproduire : en l’absence d’un parti suffisamment dominant dans l’alliance au pouvoir, la coalition de 13 partis n’avait survécu que deux ans. Certains considéreraient déjà ce scénario comme inévitable et, comme Rahul Gandhi – le fils de l’actuelle dirigeante du Congrès – prépareraient déjà un positionnement politique « post-explosion de l’Alliance ».

Les investisseurs frémissent d’avance à la perspective d’une Inde sans gouvernance ferme dans laquelle les fonds nationaux iraient servir les ambitions particulières par impossibilité d’établir un leadership uni. 

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.