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Les nouvelles voies du Hezbollah

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
21.04.2009
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  • 3,5 tonnes de cocaïne saisies fin 2008 en Colombie.(BEHROUZ MEHRI/AFP/Getty Images)(Stringer: RAUL ARBOLEDA / 2008 AFP)

De l’Égypte au Mexique

Le 16 avril, le Caire a annoncé vouloir émettre un mandat d’arrêt international contre Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, affirmant que l’interrogatoire des suspects arrêtés confirme que l’organisation prévoyait des attaques terroristes en Égypte. Nasrallah, s’il a admis que le groupe arrêté travaillait au réarmement des Palestiniens de Gaza, a nié des opérations visant l’Égypte elle-même. D’après les autorités égyptiennes cependant, les 25 suspects ne collectaient pas seulement des informations sur la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza, mais aussi sur les sites touristiques égyptiens et sur le canal de Suez.

En réponse, le numéro 2 du Hezbollah Cheikh Naim Qassem que cite l’AFP, accuse l’Égypte de vouloir salir son image pour se venger des appels à la rébellion anti-gouvernementale émis par le Hezbollah lors des opérations israéliennes dans la bande de Gaza. L’Égypte avait alors accepté de garder imperméable sa frontière avec la bande de Gaza, coupant toute voie de retrait ou d’approvisionnement aux Palestiniens de la zone.

  • Le président Mahmoud Ahmadinejad (à d.) et Hugo Chavez (à g.) à Téhéran le 2 avril 2009. Le Venezuela a passé, de façon opaque, pour plus de 20 milliards de dollars de contrats avec l’Iran, Hugo Chavez se rendant sept fois à Téhéran alors que Mahmoud Ahmadinejad venait lui à Caracas deux fois, une première en 2006 et une seconde en 2007. Depuis, les vols hebdomadaires entre Téhéran et Caracas sont chargés de cargaisons inconnues, et c’est presque par hasard que les douanes turques ont trouvé, plus tôt cette année, des équipements de production d’explosifs militaires dans des caisses de u00ab pièces détachées de machines agricoles » en transit depuis l’Iran vers le Venezuela.(RAUL ARBOLEDA/AFP/Getty Images)(Staff: BEHROUZ MEHRI / 2009 AFP)

L’Égypte et la diversification des cibles du Hezbollah

S’agit-il d’une vendetta égyptienne ou est-on effectivement dans une nouvelle illustration de l’évolution des actions du Hezbollah ? Le ministre des Affaires étrangères égyptien, Ahmed Abul Gheit le croit et accuse l’Iran d’utiliser le groupe (chiite) pour déstabiliser l’Égypte (sunnite.) Interrogé par le journal arabe Asharq Al-Awsat, le ministre déclare : « L’Iran veut que l’Égypte devienne la demoiselle d’honneur d’une reine iranienne couronnée qui entrerait dans le Moyen-Orient. »

Les évolutions de la situation au Liban depuis 2004 pourraient sans doute expliquer la diversification d’un Hezbollah dont la seule préoccupation n’est aujourd’hui plus la lutte contre Israël.

La montée en puissance régionale du Hezbollah, c’est-à-dire de l’Iran qui le finance et qui en forme les membres à la lutte armée, inquiète les états arabes ; au point que le roi Abdallah d’Arabie Saoudite a décidé de reprendre en janvier les contacts avec la Syrie et d’aider à renouer le dialogue entre Damas et le Caire. La logique est la même que celle du président français Nicolas Sarkozy, qui n’a lui pas hésité à inviter le président syrien Bachar Al Assad à la fête nationale française en juillet 2008. L’objectif des deux démarches étant d’arrondir les angles avec la Syrie, dans l’espoir que la perspective d’une réintégration à la communauté internationale la pousse à se distancier de Téhéran.

La réussite du projet n’est pas garantie : le journal syrien Al-Watan, possédé par un cousin de Bachar Al-Assad, critique les déclarations égyptiennes sur le Hezbollah avec autant de virulence que l’exécutif iranien le fait. Damas verrait-il plus d’avantages à rester proche de Téhéran qu’à s’en éloigner ? Hypothèse plausible, car c’est en réalité tout le monde arabe sunnite qui voit avec inquiétude que la quasi-prise de contrôle du Liban par le Hezbollah et autre chiites pro-Iran pourrait n’être qu’une première preuve de concept en cours de répétition. Puissance régionale incontournable, l’influence de l’Iran s’étend aujourd’hui jusque dans les communautés chiites des royaumes sunnites d’Égypte, Arabie Saoudite et Bahrein. Forte en Irak depuis l’invasion américaine, elle pourrait y devenir dominante dans les mois suivant le retrait des troupes américaines.

Le Hezbollah de son côté est devenu avec la guerre contre Israël de l’été 2006 un groupe politiquement incontournable au Liban et plus seulement le « mouvement de libération » du Sud du pays. Hassan Nasrallah s’est déclaré victorieux contre Israël – ce que, d’une certaine manière, l’échec de Tsahal dans son opération justifie – et a participé à l’organisation de 18 mois de paralysie complète de la vie politique libanaise. Quand en mai 2008 le gouvernement Siniora a pris des décisions dans lesquelles le Hezbollah a vu une tentative de le stériliser (une enquête sur son réseau de communication), Nasrallah a utilisé la force en envoyant des hommes armés dans Beyrouth-Ouest, forçant le gouvernement à reculer. Les accords de Doha signés depuis garantissent au Hezbollah un pouvoir de véto et une réforme des règles du scrutin parlementaire en sa faveur. Le groupe a ainsi réussi à prolonger l’influence iranienne à Beyrouth, qui avait été entamée par le retrait syrien consécutif à l’assassinat de Rafic Hariri en 2004.

La diplomatie iranienne comme porte d’entrée en Amérique du Sud

Mais le Liban ne suffit pas à une stratégie moyen-orientale complète. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est devenu un voyageur fréquent sur la ligne Téhéran-Caracas. Nouvelles alliées stratégiques, le Venezuela et l’Iran, les deux grandes puissances pétrolières émergentes, ont scellé leur amitié sur leur haine commune du président américain George W Bush. Cette amitié s’est depuis renforcée par leur intérêt commun à diminuer l’influence américaine dans le monde.

Le Venezuela a passé, de façon opaque, pour plus de 20 milliards de dollars de contrats avec l’Iran, Hugo Chavez se rendant sept fois à Téhéran alors que Mahmoud Ahmadinejad venait lui à Caracas deux fois, une première en 2006 et une seconde en 2007. Quand le président Ahmadinejad a pour la première fois rencontré le président vénézuélien Hugo Chavez en 2006 à Caracas, il a salué « tous les révolutionnaires qui s’opposent à l’hégémonie mondiale ».

Depuis, les vols hebdomadaires entre Téhéran et Caracas sont chargés de cargaisons inconnues, et c’est presque par hasard que les douanes turques ont trouvé, plus tôt cette année, des équipements de production d’explosifs militaires dans des caisses de « pièces détachées de machines agricoles » en transit depuis l’Iran vers le Venezuela.

Les accords de coopération iraniens se multiplient également avec la Bolivie, l’Équateur, le Nicaragua. En parallèle et certainement pas sans raison, les représentations diplomatiques iraniennes dans la région s’étoffent au Venezuela, en Uruguay, au Mexique, en Colombie de façon « astronomique ». Le média américain Newsmax parle par exemple de 30 nouveaux diplomates iraniens au Nicaragua.

« Je suis inquiet du niveau d’activité clairement subversive menée par l’Iran en Amérique Latine, et bien plus inquiet des affaires de l’Iran dans la région que de celles de la Russie », indique le Secrétaire d’État américain à la défense Robert Gates, cité lors d’une conférence de presse par Newsmax.

Le 12 avril, le quotidien mexicain Excelsior titrait Les tentacules de la militance chiite iranienne, mentionnant le rôle de soutien à l’Iran apporté par le Hezbollah en Amérique du Sud. Le journal argentin Iton Gadol documentait lui fin mars le passage par l’Uruguay de terroristes liés aux intérêts iraniens. « Nous avons vu une augmentation de l’activité du gouvernement iranien dans la région », explique l’amiral James Stavridis, coordinateur militaire américain dans la région. « Et c’est particulièrement inquiétant du fait des liens entre le gouvernement iranien et le Hezbollah. »

Cette alliance mollahs-caudillos a trouvé son autoroute financière : le trafic de drogues en direction des États-Unis, qui a donné en Amérique du Sud naissance à un narco-islamisme coordonné par les agents du Hezbollah.

Fin mars, James G. Stavridis, témoignait devant le Congrès américain du danger de l’union du terrorisme islamiste et du trafic de drogue, disant « craindre grandement que la connexion entre le narco-terrorisme et le terrorisme islamiste ne soient désastreux pour la région ». D’après l’administration anti-drogue américaine DEA (Drug Enforcement Administration), le Hezbollah utilise la vaste diaspora libanaise chiite à son avantage, triangulant le continent au niveau de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay.

Fin 2008, le premier démantèlement de la joint-venture entre des cartels de la drogue colombiens et des membres du Hezbollah a été réalisé. « Ils passaient par le Venezuela, Panama, le Guatemala, le Moyen-Orient et l’Europe, rapportant l’argent gagné par la vente de ces substances », détaillait alors Gladys Sanchez, du bureau du procureur de Bogota, citée par Al Jazeera. « Les profits des ventes de drogue ont servi à financer le Hezbollah. »

Fin mars enfin, le Washington Times révélait que les agents du Hezbollah utilisent les routes du trafic de drogue mexicain pour s’infiltrer aux États-Unis. « Ce sont les mêmes fournisseurs d’armes, de faux papiers et de moyens de transport que pour les cartels de la drogue », précise Michael Braun, ancien patron du DEA. D’après lui, les gardes révolutionnaires iraniens envoyés en représentation diplomatique en Amérique du Sud offrent très probablement un soutien logistique aux membres du Hezbollah, voire les dirigent directement.

L’approche des élections au Liban

La manne financière du trafic de drogue permet donc au Hezbollah d’être plus puissant que jamais dans un Liban où presqu’un emploi sur deux est créé par lui. Le groupe terroriste finance un réseau touffu de services sociaux, cliniques, écoles, médias qui garantissent sa popularité locale. Devenu pour beaucoup depuis la guerre de l’été 2006 le défenseur de l’intégrité territoriale libanaise, il est de plus un des principaux financeurs de la reconstruction du pays.

Les caisses du Hezbollah sont, visiblement, pleines : il est aujourd’hui engagé dans une vaste opération d’achats de terres dans des endroits stratégiques sur la côte libanaise, à la frontière syrienne et à la frontière israélienne, autant d’acquisitions qui garantissent sa liberté de mouvement et d’approvisionnement militaire ; il a pu ainsi annoncer avoir reconstitué tous les stocks de roquettes et d’armes détruits par l’armée israélienne en 2006.

Les élections législatives du 7 juin au Liban sont donc abordées avec confiance par l’union Hezbollah-Iran. Déjà Naim Qassem, numéro deux de l’organisation, se réjouit auprès de correspondants de la presse et de l’AFP des contacts poussés engagés avec des représentants étrangers : « Les pays occidentaux nous courent après pour parler et le feront encore plus dans le futur ». Le Royaume-Uni a pris les devants en réactivant les contacts avec l’aile politique du groupe.

Autre signe de la confiance en son succès, le Hezbollah ne cherche plus à dissocier son aile politique de son aile militante terroriste.

L’ouverture du président américain Barack Obama et sa volonté de dialogue aussi bien avec l’Iran qu’avec le Venezuela suffiront-ils à désamorcer l’iranisation du Moyen-Orient ? Il n’est pas certain que le bouton Reset (remise à zéro) que la Secrétaire d’État Hillary Clinton a présenté à son homologue russe pour symboliser un nouveau départ dans les relations bilatérales puisse fonctionner avec Téhéran et le Hezbollah. Mais l’administration américaine ne perdra rien à essayer.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.