Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

L’exposition Our Body interrompue par la justice française

Écrit par Aurelien Girard, La Grande Époque
23.04.2009
| A-/A+

  • L’exposition Our Body à Paris, présentant des cadavres plastinés,(Stringer: JONATHAN NACKSTRAND / 2009 AFP)

PARIS – Peut-on prétexter un objectif «scientifique» et «pédagogique» pour exposer les cadavres écorchés et plastinés de jeunes Chinois? Peut-on afficher ces morts sans nom, représentés en train de faire du vélo, de jouer au poker, ou d’exécuter un riff de guitare électrique? La justice française vient de répondre «non», au soulagement des associations Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM) et Solidarité Chine, parties civiles contre les organisateurs de l’exposition. Celle-ci ferme donc ses portes à Paris en attente des résultats d’un probable procès en appel.

Cécile Thimoreau, directrice d’ECPM, rappelle que cette exposition tourne dans le monde entier depuis 1995 et a fait scandale dans tous les endroits où elle est passée. En France, il a fallu la Loi du 19 décembre 2008 pour que les associations se sentent capables de rendre les organisateurs de l’exposition responsables devant la justice. Ils l’ont fait par une assignation délivrée au mois de mars. Car avec la nouvelle loi, les tribunaux français reconnaissent que la dignité humaine ne s'arrête pas avec la mort et qu’elle comprend le corps humain en tant que tel.

ECPM lutte contre la peine de mort dans le monde, en particulier en Chine où elle est la plus appliquée puisqu’elle prend la vie de 6000 à 8000 Chinois par an. «Le gouvernement chinois est très secret sur les chiffres. La plupart du temps, les familles des condamnés à mort ne récupèrent pas les corps et là, tout d'un coup, on se retrouve avec une vingtaine de corps, tous chinois, que des hommes, jeunes, sans pathologie apparente. Donc, on se demande s'il n'y a pas un trafic de cadavres.»

Les organisateurs de Our Body ont toujours argué que les autorisations nécessaires avaient été obtenues auprès des autorités chinoises. Ce qui ne signifie pas que les corps ont été utilisés avec l’accord des défunts ou de leur famille, le régime communiste sachant se donner tous les droits. Maître Sédillot, avocate des plaignants, confirme : «Je pensais que l’organisateur, qui prétendait qu’il avait la preuve du consentement donné par les personnes exposées, donnerait alors des éléments. Mais il n’a pas donné la moindre information, pas la moindre. Nous n’avons pas le moindre élément sur l’origine des corps.»

À la vue du niveau de mobilisation en France dans les mois ayant précédé les Jeux olympiques de Pékin, on aurait pu imaginer une large indignation populaire à l’arrivée à Paris de Our Body. Cela n’a pas été le cas.

«Nous avons été très étonnés par le manque de réaction du public français», déplore Mme Thimoreau.

«Je pense que les Français n'étaient pas suffisamment informés pour réagir, ils ont vraiment regardé cette exposition comme du plastique, ils n'ont pas forcément réalisé qu'il pouvait s'agir de gens qui pouvaient être tués car on avait besoin à ce moment là d'un corps. On sait quand même que les condamnés à mort en Chine sont exécutés en fonction du moment où on va prélever leurs organes. On attend qu'une riche personne ait besoin d'un organe et on va exécuter le condamné à mort. Là, on a entre dix et douze expositions qui circulent partout dans le monde, il y a eu 30 millions de visiteurs, c'est énormément d'argent qui circule, est-ce qu’aujourd'hui, il n'y a pas une demande de cadavres venant de Chine? La Chine serait la plus grande industrie du monde et serait aussi le plus grand fournisseur de cadavres à exposer? C'est indigne, ce n'est pas supportable.»

Pour les parties civiles, l’argumentation «pédagogique» ne tient pas. «Je crois que la première visée est avant tout mercantile. Quand des gens donnent leur corps à la science pour que certains chirurgiens s'entraînent de façon à sauver par la suite des vies, l'enjeu est vertueux. Là, l'enjeu n'est pas vertueux, l'enjeu c'est l'argent, on fait de l'argent sur le dos de cadavres chinois et ça, c'est insupportable.»

«Ils sont présentés, éviscérés, dans des positions qui sont indignes, les testicules et le pénis à l'air, en train de jouer au football, en train de jouer aux échecs, qu'est-ce qu'on veut montrer, qu'est ce qu'on veut prouver? Le conseil national d'éthique en France a dit que la visée scientifique n'est pas suffisante, qu’on peut faire aussi bien avec du plastique – eux-mêmes ont fait référence à ce qui était fait par les nazis dans les camps.»

Le jugement rendu a contraint la société Encore Events, qui organise l'évènement, à interrompre en 24 heures l’exposition, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard. Le juge des référés exige de plus que tous les corps soient mis sous séquestre, sous peine d'une astreinte supplémentaire de 50 000 euros par infraction.

Pour Cécile Thimoreau, «c'est un jugement courageux. Je suis particulièrement fière que dans la Patrie des droits humains un juge ait eu ce courage-là et je suis absolument certaine que le juge en appel suivra ce juge-là».

À partir du moment de la décision, l’organisateur peut faire appel dans les dix jours. D’après maître Sédillot, «il va tenter de soutenir à nouveau que l'exposition a un intérêt scientifique, ce qui n'est pas vrai, parce que tous les médecins disent que tout ce qui a été montré aurait pu être montré dans d'autres conditions, par images de synthèse notamment, ou par reproduction en résine du corps humain. Il va alors prétendre qu'il y a un intérêt artistique. Mais l'art à mon sens, et pourtant je suis un amateur d'art, doit s'effacer devant le respect qui s'attache à la personne humaine. Puis, il va tenter de dire que certains musées exposent des restes humains ici et là. Ce qui n'a rien à voir, la comparaison entre une momie égyptienne qu'on a exhumée des sables et qui a plusieurs centaines ou plusieurs milliers d'années est évidemment sans comparaison avec l’exposition des corps de jeunes hommes chinois probablement torturés, condamnés à mort et exposés à des fins commerciales en plein Paris».

Suite de cette affaire dans quelques semaines.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.