Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Une nouvelle sorte de crise pour le Mexique

Écrit par Gabriel Aubry Gayón, Collaboration Spéciale
27.04.2009
| A-/A+
  • Un soldat distribue des masques sanitaires le 25 avril 2009 au cœur de la ville de Mexico.(Staff: ALFREDO ESTRELLA / 2009 AFP)

MEXICO – Je me dirigeais vers l'hôpital Angeles del Pedregal, au sud de la capitale mexicaine, pour visiter une amie qui avait été récemment opérée. Comme d'habitude, je faisais la conversation avec le chauffeur de taxi. Nous avons cessé net de discuter lorsque l'annonceur radio a suggéré des précautions à prendre quant à l'épidémie d'influenza. Le chauffeur s'est alarmé et m'a demandé de descendre à 100 mètres de l'hôpital.

«Il y a beaucoup plus de victimes que le gouvernement admet», estime une médecin qui souhaite conserver l'anonymat. Elle travaille dans la zone des hôpitaux de Tlalpan, où l'épidémie a commencé à se répandre largement.

Même son de cloche auprès d'une source anonyme proche du bureau du président Felipe Calderón. Elle affirme qu'il existe plus de 250 morts et 3000 infectés alors que les statistiques officielles avaient confirmé 60 morts et 1200 infectés.

Au moment d'écrire ces lignes, le bilan officiel s'élevait à 81 décès.

Le soir du 23 avril, le ministre de la Santé a annoncé la fermeture des écoles le lendemain à Mexico. Le 25 avril, le maire de Mexico, Marcelo Ebrard, a proposé la fermeture de toutes les écoles pendant les deux semaines suivantes. Alors que les autorités demandent au public «d'agir avec calme», tous les messages suggèrent une panique généralisée.

Les bars, boîtes de nuit, musées, galeries d'art, écoles et la plupart des institutions publiques ont été fermés le 24 avril afin d'éviter que le virus se propage. On prévoit une période de dix jours sans activités afin de tenter de maîtriser la situation.

Peu importe la situation économique, les habitants de la ville de Mexico et ses alentours sont dépassés par les évènements et doivent changer leurs habitudes de façon radicale.

«Notre première réaction – mes amis et moi – était de célébrer à cause de la suspension des cours», explique Elisa Vela Jarquín, une étudiante de 16 ans qui réside à Pedregal, un quartier exclusif dans le sud de la ville. Elle ajoute : «Mais après quelques heures notre attitude a changé complètement.»

«Mes parents envisagent de rester à un endroit isolé pendant quelques semaines. Probablement pas à l'étranger, mais nous ne resterons pas à Mexico.»

Les résidants ayant cette chance sont difficiles à trouver dans la deuxième plus grande ville au monde.

«Mes défenses sont basses alors je dois faire beaucoup plus attention que d'habitude», lance María Elena, une travailleuse domestique vivant à Valle de Chalco, une banlieue de Mexico. Depuis cinq ans, elle combat le cancer du sein et se considère chanceuse d'être toujours en vie.

«Je dois prendre des mesures préventives comme me couvrir la bouche et ne pas fréquenter d'endroits où il y a beaucoup de monde, ni serrer des mains ou saluer avec des bises.»

Le hic est qu'elle fait deux heures et demie de métro et d'autobus pour se rendre aux maisons de ses clients dans la capitale. Elle se retrouve donc inévitablement auprès de milliers de personnes qui prennent ces moyens de transport économiques. Les risques de tomber sur un infecté sont donc infiniment plus grands qu'en se déplaçant en voiture ou en restant à la maison.

Un monstre endormi

Mexico, ville réputée pour ses fêtes interminables et son mouvement constant, a connu une fin de semaine déserte semblable aux jours suivant le tremblement de terre mortel de 1985.

Les stades de soccer sont fermés au public alors que les équipes de la ligue nationale jouent exclusivement pour les caméras.

Presidente Masarik, sans doute une des avenues les plus huppées de la ville, semblait déserte alors qu'il était possible d'y trouver un stationnement. Une première dans le quartier à la mode Polanco.

Chauffeurs de taxi, valets et serveurs s'acharnaient sur les quelques personnes qui, malgré les rapports de nouvelles, ont décidé ne pas changer leurs habitudes.

«C'est du jamais vu!», s'exclame José Amón, propriétaire de Red Man, restaurant chic de fusion asiatique dans le quartier Polanco.

Un virus différent

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre d'infectés du virus H1N1 s'est graduellement multiplié durant le mois d'avril. Le 23 avril, 854 cas ont été rapportés à Mexico.

«La majorité des cas ont affecté des jeunes adultes supposément en bonne santé. L'influenza affecte habituellement les très jeunes et les très âgés, mais ces groupes d'âge n'ont pas été lourdement affectés au Mexique», peut-on lire dans un document publié par l'OMS.

«Les cas humains associés à un virus d'influenza d'origine animale, la diffusion géographique s'étalant sur plusieurs communautés, ainsi que les groupes d'âges affectés» rendent ce virus extrêmement inquiétant, selon le document publié le 24 avril.

Tandis que ce virus est connu par les autorités depuis le début du mois d'avril, ce qui inquiète plusieurs experts est que l'OMS n'a pas encore décidé le niveau de gravité de ce virus.

Une réaction appropriée?

Le 24 avril, le ministre de la santé, José Ángel Córdova Villalobos, affirmait que les hôpitaux publics étaient en possession d'un million de doses Oseltamivir et Zanamivir, deux antiviraux efficaces contre ce virus, et que seulement 1004 cas ont été présentés. L'OMS a salué la réaction du Mexique face à cette crise.

Toutefois, un portrait pour le moins inquiétant est présenté par des porteurs du virus ayant communiqué avec les médias, dont Mariana Solís, enseignante dans une école primaire.

Selon le quotidien El Universal, quand elle est arrivée aux urgences à l'Institut national de maladies respiratoires, on lui a demandé de présenter son ordonnance médicale et on lui a dit que ses médicaments lui seraient donnés sous peu. Après une heure, l'ordonnance lui a été retournée mais sans médicaments. On lui a recommandé d'aller dans une pharmacie.

Elle a donc visité au moins cinq pharmacies où les médicaments étaient épuisés. On lui a signalé que plusieurs échantillons avaient été donnés aux autorités fédérales. Elle a attendu deux heures et demie avant de recevoir une dose d'Oseltamivir. Elle affirme qu'elle est consciente d'au moins cinq cas semblables au même hôpital.

Les autorités mexicaines ne sont pas reconnues pour leur honnêteté ni pour leur efficacité. Et la façon dont elles agiront dans les prochains jours et les prochaines semaines peut déterminer le sort de millions de personnes à l'échelle mondiale. Pourront-elles se montrer à la hauteur du défi?

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.