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Expatrié par sa propre terre

Écrit par Marijo Gauthier-Bérubé, Collaboration spéciale
03.04.2009
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C’est officiel, selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), ils sont maintenant plus nombreux que les réfugiés politiques ou de guerre et ils pourraient bien atteindre les 150 millions d’ici 2050.

Qui sont-ils? Les réfugiés environnementaux ou appelés parfois les réfugiés climatiques. Des êtres humains délogés par des catastrophes naturelles ou par la dégradation de leur environnement, ou bien dépossédés de leurs terres. Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) définit les réfugiés comme «des personnes forcées de quitter leurs habitations traditionnelles d'une façon temporaire ou permanente, à cause d'une dégradation nette de leur environnement, qui bouleverse gravement leur cadre de vie et/ou qui déséquilibre sérieusement leur qualité de vie».

Ils sont partout. On serait porté à croire que c’est une situation spécifique au tiers-monde, aux pays en voie de développement, pourtant les réfugiés climatiques se retrouvent en Occident, plus près de nous que ce que l'on pense.

Prenez, par exemple, ces Albertains présentés dans le documentaire Les réfugiés de la planète bleue d’Hélène Choquette et Jean-Philippe Duval. On nous présente un couple installé sur leur terre depuis quatorze ans, commerçants de bœufs, à qui on a annoncé qu’un puits de gaz sulfureux sera construit à moins de 800 mètres des clôtures de leur terre et qu’un autre puits allait probablement suivre à moins de 400 mètres de leur maison. Après avoir rencontré plusieurs fonctionnaires gouvernementaux, la réponse reste la même : ils n’ont qu’à déménager. Et c’est ce qu’ils feront, abandonnant ainsi leur commerce et quinze ans de leur vie.

Dans un autre cas, il s’agit d’un père de famille qui dit vivre dans la peur que sa famille ne se réveille plus le matin venu, tuée par les quatre puits de gaz sulfureux qui entourent sa maison. «Je ne me sens pas en sécurité chez moi. Je ne suis pas certain de me réveiller le matin.» Obligé de quitter sa demeure par mesure de sécurité, il est relogé dans une autre zone… qui doit bientôt être évacuée à son tour.

Dans le cas de ces Albertains, on les considère comme des réfugiés environnementaux puisqu’ils ont dû, de gré ou de force, quitter leur maison; leur environnement ne leur permettant plus de vivre en sécurité et en santé.

Dans d’autres cas, les individus sont tout simplement dépossédés de leurs terres. Au Brésil, l’industrie de la cellulose, produit présent dans la production de papier a amené des milliers de paysans à vendre leurs terres pour une somme insignifiante. La compagnie, Aracruz Celulose, oblige les fermiers à vendre leurs terres par des moyens de pression et de répression à peine masqués afin de pouvoir y planter de l’eucalyptus, nécessaire à la production de la cellulose. Les paysans se retrouvent ensuite dans des bidonvilles, sans argent et souvent sans travail. Ne leur restent que le sentiment de trahison et celui d’avoir été «consommé comme du papier» comme le raconte José dans le documentaire, après que sa famille a vendu leurs terres à la compagnie Aracruz Celulose.

Finalement, dans la définition de réfugiés environnementaux, il y a aussi les réfugiés de catastrophes naturelles comme les tsunamis, les tremblements de terre, les explosions volcaniques… etc. En effet, la décennie 1990-2000 a vu le nombre de catastrophes tripler, en plus de voir l’intensité des phénomènes augmenter. Le tsunami de 2004 en Indonésie ou l’ouragan Katrina aux États-Unis en 2005 sont des exemples de déplacement de populations afin de fuir la dégradation de leurs habitations.

Parmi les principaux responsables des réfugiés environnementaux, on retrouve les changements climatiques, responsables de la hausse du niveau des eaux et de la désertification, mais les scientifiques s’accordent pour dire que la principale cause de tous ces réfugiés se retrouve dans le mode de production régnant sur la planète. Celui-ci étant basé, entre autres, sur l’extraction intensive des ressources, les monocultures et la compétition entre les compagnies multinationales.

Cependant, contrairement aux réfugiés politiques ou de guerres, les réfugiés de l’environnement n’ont pas de statut «légal» reconnu. Une des raisons invoquées concerne la difficulté à définir qui est un réfugié de l’environnement et qui ne l’est pas, puisque les causes pouvant mener à la dégradation de l’environnement sont très vastes. De plus, comme le souligne Christel Cournil, juriste française qui s’est penchée sur les différentes politiques d’asile et d’immigration, dans une entrevue accordée à L’Express en mars 2008 : «Pour l’heure, le statut de réfugié est réservé à la Convention de Genève, à un aspect politique de l'asile: il pourrait y avoir une concurrence, une hiérarchisation entre les différents types de réfugiés.»

Malheureusement, ce manque de définition légale rend difficile l’immigration de ces individus puisqu’ils ne rentrent pas dans les autres «catégories» de réfugiés (politique, de guerre, économique, etc.) et tend à déresponsabiliser les gouvernements occidentaux face à la situation. En fait, malgré les rapports de l’ONU et autres organismes humanitaires, aussi longtemps qu’une définition légale ne sera pas adoptée, on continuera à tourner en rond face à la situation.

 

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