La liberté de presse en Afghanistan à un niveau «talibanesque»

Écrit par Genevieve Long, La Grande Époque
07.04.2009
  • La journaliste afghane, Farida Nekzad, interviewant Hekmat Chiten, le chef de l’OTAN(攝影: / 大紀元)

La liberté de presse en Afghanistan est en train de régresser au niveau de l’époque des talibans, selon un récent rapport. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) s’est rendue dans ce pays en janvier dernier pour tâter le pouls.

«La détérioration de la situation donne l’impression à certains d’être revenus à une sorte de situation talibane», affirme Vincent Brossel du bureau Asie-Pacifique de RSF. M. Brossel a passé un peu plus d’une semaine à voyager à travers l’Afghanistan et à interviewer des journalistes locaux. Il a constaté l’ampleur du problème alors que les menaces proférées contre les travailleurs des médias sont chose courante. RSF a également découvert que le ministère de l’Intérieur afghan était largement inefficace et très inactif en ce qui a trait à offrir aide et appui.

«En fait, ils [le ministère de l’Intérieur] n’agissent pas et leurs enquêtes sont rarement menées jusqu’au bout», ajoute M. Brossel, donnant en exemple le cas de la journaliste assassinée Zakia Zaki. Selon Brossel, elle a été tuée par des seigneurs de la guerre, et son meurtre n’a jamais été «sérieusement» investigué. «Même le ministère de l’Intérieur a déjà fait pression sur son mari parce qu’il demandait que justice soit faite.»

Farida Nekzad, une journaliste ayant dix ans d’expérience, qui habite et qui travaille dans la capitale afghane, Kaboul, affirme que la plus grande menace pour les gens de son métier provient des seigneurs de la guerre et des talibans.

«Les seigneurs de la guerre et les gens au pouvoir pratiquent les enlèvements», indique Farida Nekzad, jointe par téléphone à Kaboul. «Les gens ne peuvent exprimer leurs griefs [à travers les médias] parce qu’ils ont des fusils, ils ont du pouvoir et ils ne respectent pas la loi – ils ont leurs propres lois.»

Le travail de Mme Nekzad a été reconnu en 2008 lorsque la International Women’s Media Fondation lui a octroyé un prix soulignant le courage en journalisme.

Selon le rapport de RSF, l’opposition armée – particulièrement des talibans – représente l’élément principal causant un climat d’insécurité pour la presse. Les talibans sont reconnus pour kidnapper les journalistes, les menacer au téléphone et ils sont accusés d’espionnage. Les mois qui viennent ne devraient pas connaître une grande amélioration alors que l’élection présidentielle se tiendra en août.

«La presse afghane fera face à toutes sortes de danger en 2009», indique un représentant de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) dans le rapport de RSF. «La situation de la sécurité et la tension pré et postélectorale demanderont la plus grande vigilance de notre part.»

Actuellement, les journalistes afghans ne jouissent d’aucune protection légale solide, bien qu’une loi soit en ce moment à l’étude par le gouvernement fédéral. Le pays est une république islamique où la constitution prime, mais l’article 130 est devenu une faille permettant aux tribunaux de poursuivre les individus accusés de blasphème.

D’après RSF, les intellectuels, les journalistes, les blogueurs et les citoyens ordinaires qui ont tenté de lancer débats et discussions sur des questions délicates peuvent facilement devenir la proie de cette faille légale. Environ dix personnes du genre ont été arrêtées, poursuivies, emprisonnées et certaines ont même été forcées à quitter le pays.

En octobre 2007, un jeune étudiant en journalisme, Perwiz Kambakhsh, a été arrêté dans la ville de Mazar-i-Sharif pour avoir téléchargé un article au sujet du rôle des femmes dans l’islam. Kambakhsh, qui purge une peine de vingt ans dans une prison de Kaboul, a eu l’autorisation de s’entretenir brièvement avec RSF. Il affirme que son procès en janvier 2008 était truqué.

«Ce n’était pas une cour, c’était plutôt une cour martiale», a-t-il indiqué, ajoutant qu’il n’avait pas eu le droit de se défendre. «Ils m’ont amené là juste pour m’annoncer qu’ils m’avaient condamné à mort.»

Le rapport de Reporters sans frontières inclut plusieurs recommandations pour améliorer la situation des journalistes en Afghanistan, incluant la mise en vigueur de la loi sur les médias actuellement à l’étude et la décriminalisation des «offenses» de la presse. D’autres recommandations incluent mettre fin aux enlèvements, aux menaces et aux attaques contre les journalistes et de porter une attention particulière au sort des journalistes dans les provinces du Sud et de l’Est. On demande également que les journalistes soient mieux protégés par les organisations internationales et le gouvernement afghan.