Indélébile – Le dragon bleu

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
01.05.2009

 

Robert Lepage ne se présente plus. Directeur du théâtre Ex Machina à Québec, il tourne depuis des années dans nombre de pays pour ses spectacles, initiant le grand courant du théâtre de l’image. Étudié dans les universités, il incarne particulièrement la créativité québécoise des dernières années, autant en théâtre qu’au cinéma.

Lepage revient pour le dernier passage inspiré de sa trilogie du dragon : Le Dragon bleu. Une aventure à part entière qui amène Marie Michaud à travailler avec son complice des années 1980, elle-même coauteur du spectacle. La participation chorégraphique de Tai Wei Foo apporte un souffle à la théâtralité. Une pièce sans égal.

Une scène d’une profondeur étroite, décor de la Chine moderne : de l’acier, du verre et l’écran amovible sur lequel sont projetées des relations humaines complexes et la désillusion des grands idéaux communistes. Marie Michaud, Tai Wei Foo et Robert Lepage réunis sur scène pour deux heures de don véritable, toujours dans l’expérience audacieuse de la transformation. Un processus de création toujours en branle, cherchant à trouver la forme qui sait le mieux répondre au mythe moderne du Dragon bleu.

Charmant, rieur, brillant, dense, technologique, le spectacle pose plusieurs perspectives : intime, philosophique et historique… Avec flamme, Robert Lepage y déploie tout son génie et, tel le dragon que son personnage Pierre Lamontagne porte fièrement au dos, sa création est indélébile.  Le dragon bleu, associé à l’hiver, vit sous la neige. Il représente la mort et la renaissance. Il est invisible. On lui associe généralement une flamme bleue. Il se manifeste par la foudre. De ces quelques lignes insérées au programme, le spectateur est appelé à voyager en Chine et se voit transporté d’un espace à l’autre avec mystère, sans que la dynamique de la représentation ne se voit altérée.

Généreux de louanges, à la sortie de la pièce, le public semble se rallier à ce monstre sacré du théâtre avec des références qui leur sont propres, mais dans cette expérience collective qu’est le Dragon bleu. Lepage conserve l’humour de la trilogie : les situations embarrassantes et l’absence de diplomatie des personnages. Une réalité franche qui met de côté la légèreté de la farce pour en extraire une étude de genre. Se confrontent les pensées occidentales et orientales. Ce qui apporte du vif au sujet, ce sont les écarts de mentalité et le constat de son emprise sur la société moderne, autant au Québec qu’en Chine. Le spectateur est amené à rire de lui-même et à saisir l’importance de l’échange entre l’autre et soi, que ce soit sur le plan affectif, comme sur le plan identitaire. Une pièce qui restera en mémoire, marqué à l’encre bleue dans l’agenda, dans l’attente d’une nouvelle production qui risque d’être tout aussi marquante. Un Robert Lepage inaltérable et toujours à l’avant-garde. C’est pure joie! 

LE DRAGON BLEU

De Robert Lepage et Marie Michaud

Du 21 avril au 30 mai 2009

Mise en scène de Robert Lepage

Avec Tai Wei Foo, Robert Lepage et Marie Michaud

Production Ex Machina

En association avec le TNM