Les livres tactiles font rêver les petits aveugles

Écrit par Reporters d’Espoir
02.05.2009

  • livres pour aveugles(攝影: / 大紀元)

Parce que les enseignants et les parents d’aveugles manquent cruellement de ressources pédagogiques pour éveiller leurs enfants, un enseignant français a créé en 1993 les «Doigts qui rêvent». Cette maison d’édition associative produit et édite chaque année environ 4 000 albums adaptés aux déficiences visuelles des enfants. Matière, forme, couleur, tout est conçu pour favoriser la découverte littéraire des petits malgré leur différence.

La France compte 1,7 million de personnes malvoyants, soit 2,8 % de la population totale. 65.000 d'entre elles seraient aveugles et 146.000 très malvoyantes (Insee Handicaps-Incapacités-Dépendances 1999-2000).

Une enquête de l’Association des parents d’enfants déficients visuels, réalisée en 2006, montre que 70.300 enfants seraient atteints de ce handicap (de la malvoyance partielle à la cécité totale) et représenteraient 4,7 % des moins de 20 ans. Un chiffre important et pourtant peu pris en considération par les maisons d’édition jeunesse ou éducative qui ne publient aucun support adapté à ce jeune public.

Philippe Claudet, un instituteur spécialisé, a choisi de faire face à ce problème en fondant la maison d’édition associative «Doigts qui rêvent». Son but est de développer le marché du livre adapté pour favoriser la lecture des enfants déficients visuels en France et à l’étranger.

Un morceau de bois à la place du tronc de l’arbre et une fourrure de poil pour dessiner la silhouette de la souris, telles sont quelques-unes des images tactiles que l’on peut découvrir dans les livres confectionnés par les «Doigts qui rêvent». Le but de ces albums «tact’illustrés» est de donner aux enfants malvoyants (pré-lecteurs de 5 à 7 ans) les moyens d’apprendre à lire malgré leur handicap.

La maison d'édition cible également les parents non-voyants, pour qu’ils puissent partager les lectures avec leurs enfants voyants. Les albums sont ainsi conçus pour être lus et touchés par un large public : des illustrations en relief ou découpées permettent de suivre l’histoire de façon tactile ; un texte transcrit en braille accompagne le texte en gros caractères.

Pour fabriquer ces livres «pas ordinaires», l’association fait appel à l'économie solidaire : des membres d’établissements d’aide par le travail (ESAT) s'occupent du découpage des pièces et des groupes de femmes retraitées réalisent les travaux de couture. Tous travaillent de manière bénévole. L’assemblage des albums et le travail de finalisation sont, eux, réalisés par les Ateliers pour Voir, un chantier d’insertion qui accueille un groupe d'une dizaine de salariés pour 12 mois avant de leur retrouver un emploi ordinaire.

La fabrication d’un livre nécessite en moyenne plus d'une dizaine d'heures de main d’œuvre et huit mois de maquettage au préalable. Conçus artisanalement par des parents, des professeurs, des psychologues ou des artistes, les modèles sont réadaptés par les équipes professionnelles des «Doigts qui rêvent» avant d’être produits en 300 exemplaires.

D’autres albums sont aussi adaptés de grands classiques de la littérature (Le Petit Chaperon Rouge, Jacques et le haricot magique). Proposés au public dans un catalogue répertoriant plus de 70 références, françaises et étrangères, ces ouvrages sont encore impossibles à trouver en librairies. Ils peuvent par contre être commandés via le site internet de l’association ou achetés lors de la plupart des différents salons du livre en France. De nombreux exemplaires sont aussi disponibles dans les bibliothèques municipales qui offrent aujourd’hui aux enfants une gamme variée de livres adaptés.

Seule maison d’édition en Europe à produire et à vendre des livres «tact’illustrés», les «Doigts qui rêvent» ne parvient pas à répondre à l’importante demande du public, des écoles spécialisées et des bibliothèques. Elle produit pourtant entre 3.000 et 4.000 albums par an (exemples de titres: Ali et Léo, Qui sent le fromage?), parmi lesquels huit nouveautés éditoriales.

Ces livres s’exportent énormément à l’étranger où aucune initiative de ce genre ne s’est réellement développée à grande échelle. Grâce aux subventions privées et publiques, les livres sont proposés à la vente en moyenne 60 €, prix bien inférieur au coût de fabrication et de main d’oeuvre nécessaire (entre 130 et 140 € par livre).

Afin d’améliorer toujours plus la pertinence de ses ouvrages et combler le manque de ressources éducatives dans le domaine du handicap visuel, l’association a créé, en 2002, un centre de recherche sur l'image tactile. Des équipes de chercheurs d’universités mènent ainsi des études approfondies sur les besoins et les mécanismes de développement des enfants aveugles ou malvoyants et publient leurs recherches dans la collection Corpus Tactilis des «Doigts qui rêvent».

Philippe Claudet, fondateur de «Doigts qui rêvent» a souhaité développer une grande coopération internationale afin de partager et de faire connaître les albums tactiles internationalement. Grâce aux financements de la Commission Européenne, «Doigts qui rêvent» et des associations de trois autres pays européens (Belgique, Royaume-Uni et Italie) lancent en 2000 le prix Tactus, sorte de Goncourt de la littérature adaptée. Chaque année, des maquettes de livres tactiles illustrés sont primées pour leurs qualités littéraires et esthétiques.

Le but est, ensuite, de les reproduire en plusieurs langues et de les diffuser dans différents pays au prix fixe de 15,25 €. Le prix est chaque année l’objet de remises lors du Salon du livre de Montreuil, la première semaine de décembre.

Pour plus d’informations

Témoignage de Laurline Richard, 22 ans, aveugle de naissance «Ces livres sont géniaux parce qu’ils s’adressent aussi bien aux enfants voyants qu’aux non-voyants. Les illustrations respectent fidèlement la vision des choses et permettent donc aux aveugles de s’adapter au monde réel. Elles conservent aussi les véritables couleurs et les matières des objets, ce qui est très rare dans les livres adaptés, dans lesquels les images sont souvent en plastique blanc. Toujours accompagnés de jeux ludiques et de véritables histoires, les albums permettent à tous les enfants de partager la découverte et de s’amuser autour du même livre.»

Site Web des «Doigts qui rêvent»:

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