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Quand l'espionnage va bon train

Écrit par Antoine Latour, La Grande Époque - Montréal
20.05.2009
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  • (Photos.com)(攝影: / 大紀元)

Quelles sont nos attitudes par rapport à ce monde peu connu qu'est l'espionnage? Suscite-t-il un intérêt de par son mystère, souvent projeté au grand écran avec de bonnes doses de romantisme et un brin d'exagération? Ou bien juge-t-on que c'est complètement banal, ordinaire et si largement pratiqué qu'il ne vaut même pas la peine de s'offusquer lorsque certains cas sont exposés au grand jour? Après tout, tout le monde espionne, n'est-ce pas?

Bien que cette affirmation blasée soit, disons-le, assez vraie, elle pose problème. Banaliser un geste ou un évènement force nécessairement à ne pas se prémunir contre lui, ou du moins à l'aborder avec un certain laxisme. Or, en 2009 autant qu'en 1939, agir de la sorte est complètement irresponsable.

Même si les années charnières des luttes légendaires de la guerre froide opposant CIA et KGB sont révolues et maintenant l'objet de nombreux ouvrages, la menace de l'espionnage persiste toujours avec autant de vigueur.

«L’espionnage étranger prend de l’ampleur et une forme de plus en plus sophistiquée grâce aux nouvelles technologies. L’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des pays sévit elle aussi plus que jamais», affirme le directeur du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), Jim Judd (il prendra sa retraite prématurée en juin et n'a actuellement pas de remplaçant désigné).

Différents services secrets occidentaux ont, ces dernières années, avisé que la Chine et la Russie espionnaient avec autant, sinon plus, d’enthousiasme qu’avant la chute du Rideau de fer.

Alors que ces deux géants forgés dans le communisme sont entrés dans l'économie internationale compétitive, un intérêt pour les renseignements économiques et industriels s'est greffé à l'intérêt traditionnel pour les domaines de la politique, du militaire et de la diplomatie. Le marché chinois particulièrement, qui attire les entrepreneurs qui rêvent à des profits grâce à des milliards d'aisselles et de pieds, peut se transformer en toile d'araignée permettant de s'approprier d'une technologie nécessaire pour combler un fossé avec l'Occident.

Ces opérations intérieures s'accomplissent en toute facilité grâce à l'utilisation des joint ventures avec des firmes étrangères qui obligent un transfert de technologie. Les ressources de l'État en matière de cueillette de renseignements peuvent aussi être utilisées pour percer les secrets d'entreprise ainsi que la vie intime et professionnelle des membres de direction.

Au pays, il semble qu'espions et agents ont aussi énormément de succès. Ce serait injuste, pour les services de sécurité, de dire que ces agents étrangers se sentent ici comme des poissons dans l'eau. Après tout, Jim Judd a déclaré, en 2007, que près de 50 % des ressources de son agence étaient dédiées à contrer l'espionnage du régime chinois.

Cette déclaration est survenue un an après que le ministre des Affaires étrangères de l'époque et actuel ministre de la Défense, Peter McKay, a signalé l'intention du gouvernement conservateur de s'attaquer à l'espionnage de la Chine, plus particulièrement l'espionnage économique.

En 2005, alors qu'il était dans l'opposition, Stephen Harper avait critiqué le gouvernement libéral de ne pas être assez actif quant à cette question.

L'année 2005 est une année phare en matière de révélations sur l'espionnage chinois au Canada. Tout d'abord, l'ex-diplomate chinois Chen Yonglin déclarait qu'il y avait un réseau de 1000 espions chinois au pays. Un ex-policier chinois transfuge, Hao Fengjun, corroborait ces allégations peu de temps après. Puis, un ex-agent du SCRS ayant dirigé le bureau Asie, Michel Juneau-Katsuya, avançait quant à lui que le Canada perdait 1 milliard de dollars par mois en raison dudit espionnage industriel.

Le dernier rapport public du SCRS (2007-2008) indique ceci : «Même si la menace terroriste demeure la principale préoccupation du SCRS et de ses collaborateurs au Canada et à l’étranger, les activités de collecte de renseignements des services de renseignements étrangers n’ont pas diminué pour autant. Récemment, des agents de renseignements étrangers ont clandestinement obtenu un statut au Canada dans l’intention de recueillir des renseignements et de voler de la technologie et des informations exclusives.»

Les agents étrangers, poursuit le rapport, «font également perdre de l’argent aux entreprises canadiennes et peuvent représenter une menace, car ils pourraient miner la confiance dans le système économique et la situation sécuritaire du Canada».

Dans son rapport 2008, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) indique avoir découvert un réseau d'agents agissant pour un gouvernement étranger qui, à l'aide de sociétés opérant au pays et outre-mer, contournait la réglementation pour exporter du matériel contrôlé.

«L’analyse des données détenues par CANAFE a révélé un bon nombre d’opérations financières douteuses reliées à ces individus et à ces sociétés», est-il écrit. Entre 2002 et 2007, la valeur des transactions s'élèverait à 35 millions de dollars.

Le rapport ne mentionne pas quel gouvernement étranger est impliqué ni quelle est la nature spécifique de la marchandise illégalement exportée. Contourner les règles d'exportation est une activité courante de l'Iran, frappé de sanctions, qui cherche à développer son programme nucléaire et balistique.

Mode d'opération

Alors, y a-t-il plein de James Bond et de Jason Bourne qui courent nos rues, épient les personnalités importantes, volent des secrets et mènent une lutte sans merci autant sous les ponts que dans les corridors du pouvoir?

Certainement, il y a de ces agents hautement entraînés dans les arts obscurs. Cependant, un agent, ce n'est pas nécessairement celui qui va risquer personnellement de s'exposer pour obtenir ce qu'il recherche. L'agent de renseignements doit plutôt recruter et cultiver des sources qui lui fournissent l'information.

Ce sont des experts du mensonge et de la manipulation, et leur connaissance de l'environnement dans lequel ils opèrent est essentielle à leur travail et, dans certains pays, à leur survie. L'espionnage est à certains endroits un crime passible de la peine de mort. Espionner en sol étranger est un acte criminel et, comme ironise un personnage de la télésérie américaine d'espionnage Burn Notice, «un espion, c'est un criminel qui reçoit un salaire du gouvernement».

Le SCRS note dans son Rapport 2007-2008 que les espions connaissent bien le fonctionnement des sociétés pour en prendre avantage : «Qu’ils soient parrainés par des États ou non, les agents connaissent bien les subtilités des programmes et des politiques des pays occidentaux sur l’immigration et le droit d’asile. Pour obtenir un statut ou un autre au Canada afin de pouvoir se livrer à des activités clandestines – vol, recrutement et exploitation de sources, intimidation des communautés d’immigrants – ils utilisent de faux documents, une fausse identité et une légende et des couvertures.»

Les méthodes d'exploitation de sources et de cueillette de renseignements peuvent varier grandement chez les différents services secrets.

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Un certain auteur américain, dont le nom m'échappe, donne un exemple frappant pour distinguer les opérations de renseignements russes et chinoises. Ça va comme suit : admettons que la Russie souhaite recueillir du sable se trouvant sur une certaine plage. Elle va envoyer un sous-marin et près de la plage, des hommes-grenouilles vont sortir des trous de torpilles, s'approcher de la plage sans se faire détecter, remplir un seau de sable et le ramener au sous-marin.

Si la Chine souhaite recueillir ce même sable, elle va simplement envoyer 500 familles faire des pique-niques sur la plage, et chacune va ramener un petit gobelet de sable.

Si cet exemple est de nature à éveiller des soupçons et à cultiver des préjugés, il représente néanmoins un mode d'opération documenté. On ne parle pas spécifiquement de l'utilisation des familles, mais plutôt d'un vaste réseau d'agents, de sources et d'informateurs qui ramène petit à petit les pièces d'un plus grand casse-tête.

L'ex-directrice du contre-espionnage américain (NCIX), Michelle Van Cleave, écrit dans une lettre au Washington Post : «Les Chinois ont volé les plans secrets de toutes – je répète toutes – les armes nucléaires américaines, leur permettant de sauter des générations dans le développement technologique et de mettre notre arsenal nucléaire, la dernière ligne de défense du pays, à risque. À ce jour, nous ne savons pas vraiment quand ni comment ils ont réussi, mais nous savons que les agents de renseignements chinois sont toujours actifs, ciblant systématiquement pas seulement les secrets militaires américains, mais aussi l'information précieuse de marque déposée.»

Dans le monde de l'espionnage, un pays avec une grande communauté d'expatriés possède un avantage, car ses ressortissants ont souvent des postes au sein du gouvernement et dans les grandes entreprises. Les gens qui acceptent de voler des secrets sont souvent motivés par l'argent, mais lorsque l'espionnage est effectué pour son pays d'origine, les agents peuvent travailler sur la fibre patriotique ou utiliser le chantage en menaçant la famille qui se trouve au pays. Il est peu probable qu'une source agissant sous coercition puisse fournir un flot d'informations de qualité de manière continuelle, mais elle peut peut-être soutirer un morceau important à une occasion.

Les raisons idéologiques étaient un facteur de motivation important pour l'espionnage durant la Guerre froide. De nos jours, l'appât du gain semble être une raison plus répandue. Les services de pays étrangers n'ayant pas accès à une très grande diaspora, ou possédant un attrait plutôt mitigé, peuvent choisir de recourir davantage aux récompenses financières pour faire fonctionner leurs activités de gestion de sources humaines.

Et souvent tout se gère à l'ambassade ou au consulat près de chez vous, alors que les agents étrangers sont ici sous couvert diplomatique. Qui sont les pays amis, qui sont les pays ennemis? L'espionnage a, dans plusieurs cas, tendance à ne plus bien distinguer...

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