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Printemps en demi-teinte

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
24.05.2009
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  • Le président turc Abdullah Gul (d) conduit son homologue syrien Bachar-al-assad (g), pas à pas, vers la paix au Proche-Orient.(LOUAI BESHARA/AFP/Getty Images)(Staff: LOUAI BESHARA / 2009 AFP)

La Syrie peut-être considérée comme centrale dans l’approche américaine au Moyen-Orient du fait qu’elle est partie prenante dans les principales questions préoccupant Washington : le Liban, la frontière nord irakienne, les négociations avec Israël et le Hamas, et l’Iran.

« Etat-voyou » de l’administration Bush, la Syrie est depuis 2004 soumise à des sanctions économiques permises par une loi proposée en 2003 par le sénateur républicain Eliot Engel : interdiction pour les compagnies aériennes syriennes d’opérer aux Etats-Unis, liste noire de ressortissants et entreprises syriennes, interdiction des exportations américaines vers la Syrie – à l’exception de la nourriture et des médicaments. Ces mesures, initiées pour sanctionner le soutien de Damas au Hezbollah, au Hamas et son laisser-aller vis-à-vis des opérations d’Al Qaida sur son territoire, sont associées à l’époque honnie du précédent gouvernement américain.

Or l’approche des relations internationales des Etats-Unis a radicalement changé. Imad Moustapha, l’ambassadeur syrien à Washington, indiquait au Middle East Institute au début du mois se réjouir grandement des changements de l’attitude américaine vis-à-vis de la Syrie : « Maintenant, au lieu de nous pointer du doigt, ils nous disent comment nous pouvons travailler ensemble et aborder tel ou tel problème. »

C’était sans doute une satisfaction un peu trop rapide, et un peu trop manifestée, de voir les Etats-Unis « corriger leurs erreurs » vis-à-vis d’une Syrie qui se voit devenue interlocuteur incontournable du Proche-Orient. Les cercles du pouvoir syrien semblent convaincus de l’arrivée du printemps d’Assad : le président syrien Bachar-al-assad croit aujourd’hui pouvoir monnayer cher une éventuelle distanciation de Téhéran, faire valoir que sa volonté de négocier – ou pas –  une paix avec Israël pourrait être un élément déclencheur d’une stabilisation proche-orientale. Sans oublier de rappeler que son bras armé libanais, le Hezbollah, est en bonne passe pour prendre le pouvoir lors des prochaines élections législatives.

Malgré tout cela et malgré le besoin d’une implication syrienne dans la régulation du flux de combattants étrangers se rendant en Irak, les sanctions américaines contre la Syrie sont maintenues par le Président Obama. L’annonce a été faite le 8 mai, soit trois jours après que Bachar-al-assad et son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad aient réaffirmé à Damas leur volonté de soutenir la « résistance palestinienne » et de s’allier pour empêcher la domination de grandes puissances dans la région.

Les sanctions diplomatiques et financières sont donc reconduites pour un an. Pas l’ombre d’un changement de ton par rapport à l’époque Bush. Et, ce qui a choqué à Damas, pas la moindre mentions de « dialogue », ni de « progrès », pas d’espoir exprimé d’une amélioration des relations au moment de l’annonce de la reconduction des sanctions.

Pour un proche de Damas s’exprimant auprès du site SyriaComment, l’attitude américaine est inexplicable : « Obama avait une occasion de protéger ses troupes en Irak sans délai, et de vraiment changer la dynamique des relations entre Etats-Unis et Syrie en envoyant immédiatement un ambassadeur à Damas pour commencer des échanges d’informations.[…] Bientôt les négociations ne seront plus de mise et nous allons retomber dans la fosse de la politique de Bush vis-à-vis de la Syrie ».

Pour le président Obama, qui l’a fait savoir dans une lettre au Congrès, Damas soutient toujours le terrorisme, n’a pas abandonné sa volonté de développer des armes de destruction massive et agit comme un frein à la stabilisation de l’Irak. Le porte-parole du Département d’Etat américain explique que les sanctions « illustrent le fait que nous avons encore de très sérieuses inquiétudes quant au comportement syrien et à ses activités de par le monde ».

« Nous allons avoir une approche graduelle, sceptique et précautionneuse des deux côtés », pense Peter Harling, du think-tank International Crisis Group.

Pourtant, le climat des relations entre Damas et Washington a déjà profondément changé. Le secrétaire d’Etat adjoint au Proche-Orient Jeffrey Feltman et le conseiller de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient Daniel Shapiro, se sont déjà rendus deux fois en deux mois à Damas pour assurer le gouvernement syrien de la volonté de la nouvelle administration américaine de renouer le dialogue. L’ambassadeur de Syrie aux Etats-Unis a de même été officiellement invité au Département d’Etat. Le message semble donc être que les Etats-Unis attendent des manifestations concrètes d’un changement d’attitude de la Syrie, et en particulier le contrôle de sa frontière avec l’Irak pour empêcher l’infiltration de djihadistes.

Washington n’a pas tardé à donner un premier exemple de sa volonté de fermeté : le 14 mai un dirigeant d’Al Qaida basé en Syrie a été mis sur liste noire par le trésor américain : Abu Khalaf, désigné comme terroriste, voit tous ses avoirs sur le sol américain gelés, est interdit bancaire mondial et officiellement poursuivi. Facilitateur du transit de combattants en Irak, Abu Khalaf assure la logistique du passage des bombes humaines qui, en 2007, traversaient la frontière irako-syrienne au rythme de 100 par mois. Déjà en octobre 2008, les Etats-Unis avaient agi en lançant une opération commando à l’Est du pays, qui avait conduit à l’assassinat de neuf membres d’Al Qaida dont Abu Ghadiya, prédécesseur d’Abu Khalaf dans l’organisation des transits de combattants vers l’Irak.

Puis, le 16 mai, trois membres d’une cellule syrienne d’Al Qaida suspectés de faire passer des armes ont été arrêtés par les forces américaines dans le Nord de l’Irak, près de Mossoul. « Nous continuerons d’appliquer de façon agressive les obligations internationales de viser les terroristes liés à Al Qaida, comme Abu Khalaf, qui menacent la sécurité des forces de la Coalition et la stabilité en Irak », commente Stuart Levey, sous-secrétaire du Trésor en charge des questions de terrorisme et de renseignement financier, cité par le LongWar Journal.

Le point clé d’une paix entre Syrie et Israël

Sur l’agenda 2009, les Etats-Unis souhaitent se positionner dans les négociations de paix entre Syrie et Israël. Ils doivent y peser de tout  leur poids principalement pour garantir un retour du plateau du Golan, syrien mais occupé par l’état hébreu depuis 1967.

Celui-ci, non-acté mais évoqué en 2008, est remis en cause par le nouveau gouvernement israélien. Le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu a ainsi effet soufflé le froid sur les perspectives de paix en déclarant début mai ne pas envisager un retrait du Golan – lequel offre d’après lui à l’état hébreu un avantage stratégique en cas de conflit armé avec Damas.

George Mitchell, l’envoyé américain pour la paix au Moyen-Orient, a récemment incorporé à son équipe un expert des relations israélo-syriennes pour que les négociations, amorcées en mai 2008 sous égide turque, n’avortent pas. Quatre rencontres ont déjà eu lieu sur le sujet qui, à l’automne dernier, faisaient espérer la signature d’un accord de paix – la reconnaissance d’Israël contre la restitution du Golan.

Toutes les discussions ont été interrompues au moment de l’offensive israélienne sur Gaza en début d’année – La Syrie soutenant le Hamas. Mais le président Bachar-Al-Assad a récemment indiqué être prêt à reprendre les discussions, proposition que la nouvelle équipe dirigeant israélienne considère avec suspicion. Le ministre adjoint des affaires étrangères israélien, Danny Ayalon, déclare ainsi à Israel News : « [Bachar-al-assad] ne veut pas la paix, parce qu’elle impliquerait normalisation et ouverture, et que ceci pourrait provoquer la chute de son régime. On ne peut espérer la paix et en même temps armer le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique. »

C’est un peu la logique déjà trop vue du « un pas en avant, deux pas en arrière.»  Ehud Olmert, sur le départ il est vrai, avait ouvert la porte à la création d’un état palestinien dans les limites des frontières de 1967 – soit la proposition de la Ligue Arabe, qui aurait conduit à une reconnaissance officielle d’Israël par tout le monde arabe sunnite.  Le nouveau Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu n’est pas sur cette ligne, et la différence d’appréciation de la qualité de sa rencontre avec le roi de Jordanie Abdallah II, le 14 mai à Aqaba, l’illustre :

« Je voulais que mes premières rencontres durant mon premier mois en tant que Premier ministre soit avec nos partenaires pour la paix, l’Egypte et la Jordanie, avant d’aller voir notre plus grand ami, les Etats-Unis, pour renforcer et étendre ce cercle », semble se réjouir Netanyahu, cité par le Jerusalem Post. « Je suis heureux de pouvoir aller à Washington après ces discussions à trois entre Israël, Egypte et Jordanie – et je pense que cela nous aidera dans le futur. »

Mais Amman ne sort pas entièrement ravi de cette première rencontre. Le communiqué du roi Abdallah rappelle que la création d’un état palestinien et la fin des colonies israéliennes sont des conditions préalables à toute paix durable dans la région. De même pour le blocus de Gaza, et « autres mesures unilatérales à Jérusalem qui menacent les lieux saints et tentent de vider la ville de ses habitants arabes musulmans et chrétiens ».

Le contexte est donc globalement plutôt défavorable à des avancées du processus de paix. Dans les relations avec la Syrie, la solution politique passera-t-elle par l’intérêt économique ? Le président turc Abdallag Gul semble le croire et a proposé, samedi 17 mai, une « coopération économique illimitée » à la Syrie, qui pourrait agir comme un levier dans les négociations. Car si l’économie syrienne s’est considérablement modernisée durant les dix dernières années, l’isolement du pays contraint le pays à dépendre des investissements et transferts de technologie iraniens. Alors que ses réserves de pétrole s’épuisent, les infrastructures syriennes sont insuffisantes à garantir le développement économique du pays. C’est peut-être à ce niveau que de meilleures relations avec les Etats-Unis (et avec l’Europe qui a gelé en 2005 les accords commerciaux en négociation) deviennent cruciales à Damas. C’est donc peut-être par cet argument de la modernisation économique chère au président syrien que des options sont à chercher. Le travail continue : Associated Press révélait samedi 17 mai que Georges Mitchell et son équipe avaient fait des demandes de visa pour une possible prochaine visite en Syrie.  Si sa visite se confirme, ce serait la plus importante visite d’un représentant américain à Damas depuis le prise de fonction de Barack Obama.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.