Écrit par Gabriel Aubry Gayón, La Grande Époque - Montréal

Le Café culturel Volver, à l’angle de l’avenue du Parc et de la rue Saint-Viateur, qui est un carrefour important pour les musiciens, poètes et autres artistes issus surtout de la communauté latino-américaine, fermera définitivement ses portes le dimanche 31 mai.

Sa courte vie a débuté en novembre 2007 lorsque deux femmes d'origine argentine, Nora Golic et Sofia Bitrán, ont entamé ce projet ambitieux.

«L'idée était de créer un centre culturel où il y aurait chaque jour diverses activités, et de favoriser la rencontre entre la culture latino-américaine et la culture québécoise», explique Mme Bitrán, qui réside à Montréal depuis à peine quatre ans.

«C'était un endroit où se sont formées de nouvelles collaborations dans le milieu artistique. Des musiciens ont connu des chanteurs, des poètes ont connu des musiciens qui pourraient transformer leurs paroles en chansons», élabore-t-elle.

«Lors des spectacles, nous avons eu plusieurs problèmes avec les voisins du quartier. Nous avons eu beaucoup de plaintes à cause du bruit, donc nous n'avons pas pu renouveler notre contrat de loyer. C'est à la fois douloureux et gratifiant puisque nous avons pu réaliser ce que nous voulions depuis longtemps», témoigne la copropriétaire du café.

Les clients, surtout provenant du Mile-End et du Plateau Mont-Royal, pouvaient, à petit prix, y savourer un café expresso accompagné d’une empanada ou d’un alfajor, deux spécialités culinaires de l'Argentine.

«C'est un endroit où on peut vraiment profiter de la vie bohême comme à Cuba ou au Mexique. Certainement, ça va me manquer beaucoup. Il va falloir trouver un lieu semblable. Je pense que ça va être difficile, surtout parce que la plupart des endroits qu'on connait sont des endroits plutôt pour aller danser que pour chanter et faire les troubadours.»

Programmation riche et variée

La programmation pour les dernières journées du café est variée, avec des artistes provenant du Québec et de l'Amérique latine.

Le mercredi 27 mai, le poète multilingue d'origine chilienne, D. Alvar Castro, lance son nouveau recueil de poésie en anglais. Le jeudi 28 mai, le musicien Juan Sebastian Larobina, d'origine argentine et ayant vécu au Mexique et plus récemment au Québec, présentera son mélange de folklore d'Amérique latine avec des saveurs profondément québécoises et des nuances de funk, ce qui donne un son qu'il surnomme «latino-gaspésien». Il est accompagné du contrebassiste Cédric Dind-Lavoie et de Jean-François Dumas aux percussions et à l'harmonica. Le 30 mai, Paroles Égales, un collectif de poésie et de musique, présentera un spectacle en prose de la poète Catherine Égo accompagné de musique originale du guitariste, Arturo Parra, du «théâtre pour l'oreille» inspiré de l'univers d'Alessandro Baricco.

Camilo Mejía, le dernier artiste à se présenter au Café Volver est ironiquement au début de sa carrière solo après avoir joué pendant 20 ans avec certains des plus grands noms de la musique rock et pop à Monterrey, au Mexique, et à Buenos Aires, la capitale d'Argentine.

La tâche ne sera pas facile pour le troubadour mexicain de 37 ans qui est arrivé à Montréal il y a à peine un an.

«Une fois qu'ils ont assigné la date de mon spectacle, j'ai su que j'étais le dernier à jouer au café. Je me sens donc responsable puisque sûrement beaucoup de gens iront, en partie pour m'écouter, mais surtout pour dire adieu au café», partage Camilo.

Il ajoute qu'il «imagine qu'il va y avoir plein de nostalgie puisque cet endroit est très aimé par la communauté latine de Montréal».

Son spectacle sera un mélange de créations inédites et d'interprétations des chansons de certains des plus grands chansonniers de la trova (chanson de troubadour) d'Amérique latine, tels que Fito Paez et Silvio Rodriguez. On peut également s'attendre à une riche variété dans le répertoire puisque l'auteur-compositeur-interprète est également un fan de Björk et de Peter Gabriel.

«Il risque d'avoir des surprises!», confesse-t-il.

Une musique engagée

La trova est un style musical populaire provenant d'Espagne qui a été développé surtout à Cuba avant et pendant le régime de Castro. Elle est caractérisée par un jeu de guitare acoustique habile, un style de chant corsé et plus rythmé que mélodique, ainsi que des paroles qui provoquent une réflexion sociale, politique ou philosophique. Un troubadour, dans le sens médiéval du terme, avait une fonction qui s’apparentait à celle d’un journaliste rapportant les évènements récents.

 

«J'ai grandi en voyant comment les artistes ont transformé les gens», explique Mejía.

«Si on parle de Silvio Rodriguez, de Cuba, un musicien qui est toujours resté fidèle à ses idéologies sociales et politiques, c'est un homme qui transcende son contexte historique et devient un artiste universel. Ce qui me surprend, c’est comment quelqu'un comme lui, avec une guitare, a pu convoquer un public d'un demi-million de personnes sans même faire une seule annonce à la télé, à la radio ou dans la presse écrite», continue-t-il.

Silvio Rodriguez fait partie du mouvement de nueva trova qui a surgi dans les années 1960 et 1970 à Cuba. Ce courant musical questionnait le capitalisme, l'art et la société.

Les changements sociaux et le désillusionnement par rapport aux gouvernements socialistes, tel que celui de Castro, ont causé le déclin de ce courant artistique.

Rodriguez, reconnu pour ses paroles introspectives et farouchement de gauche, est critiqué pour son style de vie luxueux alors que c'est justement ce qu'il condamnait dans ses chansons.

La nouvelle génération d'artistes, toutefois, se tient éloignée des paradigmes de la deuxième moitié du 20e siècle.

«Ma recherche principale est la musique. Au-delà des philosophies politiques ou sociales, je recherche la vérité à travers la musique. Lorsque j'écris des paroles, c'est une question très intime. [...] Finalement, la conscientisation est un processus profondément personnel», philosophe l’artiste.

Pour de plus amples informations sur les évènements à venir au Café culturel Volver (5604, avenue du Parc, à Montréal), veuillez visiter le [www.volvercafeculturel.com] ou appeler le 514 272-4419.