Selon le Larousse, le cerf volant est un «jouet léger à armature, retenu par une ficelle et conçu pour s’élever dans l’air sous l’action du vent».

Il est en fait bien davantage et bien autre chose et s’il est aujourd’hui tombé en désuétude, il aura servi bien avant notre ère – on le signale en Chine quelque sept siècles avant Jésus-Christ – les ambitions humaines, les rêves, les idéologies philosophiques ou religieuses selon leurs structures et pratiques de la haute antiquité dans certaines ethnies du monde, mais il aura aussi permis, spécialement en Occident les premiers progrès scientifiques décisifs et leur mise à profit sur de nombreux plans, y compris militaire, bien entendu. Car le cerf-volant, véritable média avant la lettre installé dans les airs peut être le support de toute entreprise ou opération, quels qu’en soient les objectifs et peut «incarner» tout symbole, toute représentation, tout programme ad libitum, rien n’échappe à son potentiel d’expression et nombre de maisons commerciales en Occident au début du  XXe siècle ont appuyé leur message publicitaire sur son évocation. Il est donc porteur d’un inestimable pouvoir de séduction, il est aussi une trace du génie humain, pouvant être abordé sous tous les angles de vue. Son abandon cependant après la Première Guerre mondiale ne pouvait qu’amener l’anéantissement dans l’oubli d’un tel trésor pour l’investigation culturelle et c’est, comme toujours, un collectionneur privé qui a assuré le sauvetage d’une aussi précieuse banque de données.

Gérard Clément: collectionneur et commissaire de l’exposition «Un ciel, un monde» à la bibliothèque Forney, à Paris.

Gérard Clément est vice-président de la fédération internationale du cerf-volant (dont le siège est en Chine) et organisateur des Rencontres Internationales de Berck-Sur-Mer (Pas de Calais), au niveau de Berck-Plage, qui ont encore lieu de nos jours. Il possède une collection rare de plus de 500 pièces et de nombreux documents originaux, réunis à l’occasion de voyages depuis plus de 20 ans aux quatre coins du monde. Il est le principal animateur de la Maison du Cerf-Volant1. Il organise des ateliers, fait circuler son exposition en France et en Europe. Il est l’auteur du catalogue de l’exposition actuellement abritée par la bibliothèque Forney jusqu’au 1er août 2009 et comportant environ le cinquième de son fonds.

Dans quelles régions du monde le cerf-volant a-t-il fait fortune?

Nous l’avons dit, les pays asiatiques et spécialement la Chine sont les plus anciens à l’avoir mis en usage. Puis, de proche en proche, il passe par l’intermédiaire de la Corée au Japon, en Indonésie et Malaisie; on le verra également en Grèce, en Inde, en Thaïlande, au Cambodge, au Guatemala, etc.  Le nom français même de cerf-volant semble provenir d’un glissement sémantique de l’occitan sèrp voulante (serpent volant).

L’occident s’y intéresse tardivement, mais intensément à partir de Benjamin Franklin, physicien autodidacte touchant avec bonheur à toute discipline scientifique et qui sut se servir de la mise en évidence de l’électricité atmosphérique au moyen de cerfs-volants ayant embarqué des dispositifs le permettant pour mettre au point son paratonnerre. D’autres pionniers de tous pays ont attaché leur nom au cerf-volisme, qui allait déboucher sur les acquis auxquels nous sommes accoutumés aujourd’hui.

Autres progrès notoires et leur exploitation

En fait, le cerf-volant est à l’origine des temps modernes. Il permet à l’homme de conquérir la dimension verticale qui lui est interdite car son poids le cloue au sol. Grâce au cerf-volant, il va commencer à introduire toutes technologies, d’observation tant civile que militaire et donc aussi la photographie aérienne, de prévisions météorologiques et même annoncer l’aviation avant qu’elle ne prenne son relais, aujourd’hui assuré à son tour par les satellites, et l’aventure spatiale.

Le niveau d’efficacité du cerf-volant dans tous ces domaines est alors déjà considérable: les trains de cerf-volants de l’observation militaire (systèmes Saconney ou Madiot ou autres) permettent de gagner des altitudes de 600 mètres, tandis que les cerfs-volants météorologiques s’installent à bien plus de 5.000 mètres! et ont été utilisés en France jusqu’aux années 1950. Mais il y eut aussi en 1903 la tentative réussie de l’américain Samuel Franklin Cody de traversée de la Manche à bord d’une embarcation tractée par des cerfs-volants. Un épisode tout à fait «héroïque», qui pourtant fait toucher du doigt, à notre époque tant préoccupée «d’énergies renouvelables» et de «développement durable» que le vent, qui ne coûte rien que la peine de le domestiquer et que l’on ne doit évidemment appliquer qu’à des entreprises de bilan, économique et autre, favorable, pourrait à nouveau rendre bien d’autres services encore aux hommes…

En guise de conclusion

En fait, la rencontre du fonds cerf-voliste confié à Forney par Gérard Clément est un véritable régal pour qui sait regarder et comprendre que le passé n’est jamais révolu en ce qu’il est porteur de bien des clés de l’avenir. L’exposition n’est pas austère, elle est agréablement animée et même les enfants (sages et bien accompagnés) peuvent y agrandir leur univers, trop restreint par la violence télévisuelle, devenue routine quotidienne.

1 La Maison du Cerf-Volant, 7 rue de Prague, Paris 12e.

Pour en savoir plus:

Bibliothèque Forney: 1 rue du Figuier, Paris 4e. Du mardi au samedi de 13h à 19h.

Communication Presse: «Paris Bibliothèque», 10 rue de Clichy, Paris 9e. Chargé de communication: Gérald Ciolkowski, à qui vont tous nos remerciements.