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La Chine derrière les essais nucléaires nord-coréens ?

Écrit par Shi Yu
17.06.2009
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  • Le 3 juin 2009 à Séoul, lors d’une manifestation contre les essais nucléaires de la Corée du Nord, un activiste sud-coréen tient une affiche montrant le leader nord-coréen Kim Jong-Il.(Philippe Lopez/AFP/Getty Images)(Staff: PHILIPPE LOPEZ / 2009 AFP)

La Corée du Nord a repris ses essais nucléaires et tirs de missile à l’heure précise où le Parti communiste chinois (PCC) est menacé dans sa stabilité par des crises intérieures ou internationales. Généralement interprétée comme un moyen pour Pyongyang de forcer la nouvelle administration américaine à la négociation, l’approche nord-coréenne pourrait en réalité, pensent plusieurs experts chinois, avoir été télécommandée par la Chine.

Après avoir lancé un missile longue-portée au-dessus du Japon le 5 avril malgré plusieurs semaines de tentatives de dissuasion par la communauté internationale, la Corée du Nord a mené un nouvel essai nucléaire souterrain le 28 mai, suivi par plusieurs jours de lancement de missiles à courte et moyenne portée.

Ces actions, condamnées par les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et les pays européens, ont conduit à la rédaction d’une résolution des Nations unies, qui devrait imposer de nouvelles sanctions financières à la Corée du Nord et ce malgré les appels à la « mesure » du régime communiste chinois.

Cette position une nouvelle fois accommodante – alors que Pékin a officiellement été pris de court par l’essai nucléaire nord-coréen – poussent à s’interroger sur un éventuel «double jeu» du Parti communiste chinois vis-à-vis de la stratégie belliqueuse de la Corée du Nord.

La Chine aux commandes ?

  • Wang Jiarui (g), chef du département de liaison internationale du Parti communiste chinois, aux côtés de Kim Jong-II, le 23 janvier 2009 à Pyongyang.(Philippe Lopez/AFP/Getty Images)(Stringer: KCNA / 2009 AFP)

Le premier élément qui pousse à ces soupçons est qu’avant le lancement en avril du missile longue-portée nord-coréen – que tous ont vu comme partie intégrante du programme nucléaire de Pyongyang – le Premier ministre nord-coréen était en visite à Pékin. Officiellement présent pour des négociations commerciales, il semble improbable à beaucoup que la rencontre n’ait pas été le moment de faire avaliser par le «grand frère chinois» la stratégie de lancement de missile et de reprise des essais nucléaires... voire de se la faire expressément recommander.

Cai Yongmei, éditeur du Open Magazine de Hong Kong, rappelle ainsi que la Chine soutient de façon indéfectible la Corée du Nord pour deux raisons : la première est la solidarité entre pouvoirs communistes, et la seconde le fait que la Corée du Nord sert à Pékin d’arme pour menacer la communauté internationale – et en particulier les Etats-Unis.

De plus, des sources au ministère du Nucléaire chinois affirment que des équipements et matériels chinois continuent d’être acheminés par des péniches vers la Corée du Nord, en empruntant le fleuve Yalu. Il est de connaissance commune que les spécialistes du nucléaire en Corée du Nord ont été formés en Chine, et que toute la technologie nucléaire nord-coréenne provient, de la même manière, de Chine. C’est la Chine qui contrôle l’approvisionnement de Pyongyang en matériaux, main d’œuvre et technologie nucléaire, et qui a permis la réalisation secrète d’essais nord-coréens sur le territoire chinois.

Certains analystes pensent que les dirigeants occidentaux sont pleinement conscients du véritable rôle de la Chine dans ces essais nucléaires, mais ne veulent pas le rendre public pour deux raisons. La première est qu’il reste essentiel que la Chine participe activement aux négociations à six pour que la pression sur la Corée du Nord soit efficace. La seconde est qu’une prise de position trop forte vis-à-vis de la Chine pourrait avoir des conséquences économiques sensibles. 

L’activiste chinois Wei Jingsheng, lors du premier essai nucléaire nord-coréen en 2006, expliquait que la Chine et la Corée du Nord jouaient les rôles «du bon policier et du méchant policier» : le fait que l’un soit le «mauvais garçon» face à la communauté internationale permet à l’autre de se positionner comme «garant de la paix».  

C’est ainsi que depuis des dizaines d’années, le Parti communiste chinois et la Corée du Nord s’entraident de façon quasi-symbiotique, l’un atténuant les sanctions contre l’autre et se positionnant sur la scène internationale.

Autre élément contextuel rapporté le 27 mai par le journal japonais Yomiuri News : la Chine fournit actuellement à la Corée du Nord 80 % de son pétrole brut, et 80 % de ses biens de consommation. L’aide chinoise atteignait, en 2005, 2 milliards de dollars et totalisera 7,5 milliards de dollars pour la période 2006-2010.  

La Chine contrôle donc l’économie de la Corée du Nord, ce qui rend une action unilatérale de Pyongyang difficilement imaginable.

Détourner l’attention

Il est donc plus probable que la Corée du Nord serve à la Chine de leurre agitable à souhait en période de crise pour détourner l’attention d’elle-même, que ce soit nationalement ou internationalement. Cette technique a été utilisée de façon récurrente depuis la prise de pouvoir des communistes chinois, en 1949.

Le Parti communiste chinois a lui-même décrit l’année 2009 comme une année à grand risque : le ralentissement de l’économie mondiale la frappe durement, conduisant à davantage de soulèvements sociaux. En pleine crise morale et avec la montée des contestations, un risque nucléaire aux frontières est pour elle du pain béni.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.