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La Norvège innove avec une prison écolo et humaine

Écrit par Reporters d’Espoirs
18.06.2009
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  • plage homme cheval(Stringer: STRINGER / 2007 AFP)

Après l’hôtel et la piscine écologiques, c’est désormais aux centres pénitentiaires de se mettre au vert. La « première prison écologique et humaine » est sortie de terre en août 2007 à Bastoey en Norvège. C’est sur cette petite île du fjord d’Oslo que vivent en semi-liberté 115 détenus et 70 gardes non armés. Plutôt que d’être enfermés en cellule, les pensionnaires travaillent en plein air à l’élevage et à l’agriculture biologiques. En dix ans d’existence, la prison est parvenue à la quasi autosuffisance en matière d’alimentation et d’énergie.

La Norvège affiche un des taux d’incarcération les plus faibles d’Europe. Alors que la moyenne européenne s’établit à 124 prisonniers pour 100.000 habitants de 2004 à 2006, le pays des fjords affiche un score de 66 prisonniers pour 100.000 habitants sur la même période, se classant ainsi au troisième rang derrière l’Islande et la Slovénie1.

Bénéficiant également d’un faible taux de criminalité (une comparaison difficile à chiffrer tant les méthodes de recoupement des crimes et délits divergent selon les pays, d’après Interpol), la Norvège s’autorise régulièrement à expérimenter de nouvelles méthodes de détention, comme à Bastoey, où l’accent est mis sur l’éducation plutôt que la répression.

En pratique

Dès 1997, les administrateurs du centre pénitentiaire de Bastoey (créé en 1984 sur les fondations d’un ancien orphelinat) décident de faire de leur prison à ciel ouvert un modèle de réinsertion par la nature et le travail. Dix ans plus tard, la « première prison écologiste et humaniste au monde » est officiellement reconnue comme telle par le gouvernement norvégien.

Petits truands ou criminels en fin de peine, ils sont 115 détenus à vivre en pleine nature, dans des bungalows en bois sans barbelés ni barreaux. La plupart proviennent de centres de détention fermés et ont été transférés à Bastoey afin de préparer leur remise en liberté. La prison propose un parcours de réinsertion s’échelonnant de quatre mois à cinq ans selon les détenus. Six jours par semaine, de 8 heures à 15 heures, tous les pensionnaires travaillent pour subvenir aux besoins de la prison.

Outre le nettoyage des plages, le travail du bois et l’entretien des bâtiments, ils consacrent une grande partie de leur temps à l’agriculture biologique et à l’élevage de poules, de moutons et de vaches. Sans oublier la pêche, pratiquée à l’aide des 34 bateaux appartenant à l’établissement. Le tout dans le respect de l’environnement. En plus de recycler leurs déchets et de fabriquer du compost, les détenus utilisent des charrues tirées par des chevaux pour labourer les champs de céréales. Au final, Bastoey couvre ainsi la quasi-totalité de ses besoins en nourriture. Le surplus de la production est vendu aux autres prisons du pays.

Après leur journée de travail, les détenus peuvent assister à des cours menés en partenariat avec les lycées de la région. Au programme : informatique, gestion des forêts, conservation de la nature, protection de l’environnement, mais aussi apprentissage du gardiennage…

Plusieurs activités ludiques et sportives leurs sont régulièrement proposées. Une équipe de foot aux couleurs de la prison est même engagée dans un championnat avec les entreprises locales !

Enfin, 18 jours par an, voire 30 s’ils ont des enfants, une permission leur est accordée.

Si les détenus ont été transférés à Bastoey pour leur bonne conduite ou parce qu’ils représentent un faible risque de dangerosité, les responsables de la prison n’oublient pas qu’il s’agit de criminels. Criminels qui peuvent être suivis par des travailleurs sociaux ou assister à des groupes de parole afin de travailler sur leurs problèmes de violence ou de drogue.

Les résultats

Auto-suffisante en énergie, la prison fonctionne à 70 % à l’aide de panneaux solaires (installés en partie par les détenus). En plus d’être écologiquement responsable, elle figure parmi les structures pénitentiaires les moins coûteuses de Norvège. Chaque prisonnier qui enfreint les règles de la prison écologique est renvoyé directement dans une prison fermée. Aucune statistique n’existe quant au taux de récidive. Seul indice de réussite : depuis 1997, seules deux tentatives d’évasion ont été signalées. Preuve ultime de confiance, ce sont les prisonniers eux-mêmes qui gèrent le ferry reliant l’île de Bastoey au continent.

«La détention en milieu ouvert ne peut être que positive. Surtout si elle s’accompagne de travaux au contact de la nature. En France, certaines prisons, comme à Nantes, mettent à disposition des détenus un lopin de terre. On constate alors parmi les prisonniers une baisse de violence et une diminution de la consommation de médicaments. De là à suivre l’exemple de la Norvège, il y a un fossé difficilement franchissable. Simplement parce que les données sociales et culturelles ne sont pas les mêmes partout et que tous les pays n’ont pas un aussi faible taux de criminalité que les pays nordiques. »

Marie Patin, présidente de l’association Réflexion Action Prison et Justice (Arapej) d’Ile-de-France.

Pour en savoir plus :

Site web de la prison

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