De la Nouvelle Vague au cinéma numérique

Écrit par Alain Penso
19.06.2009

  • (攝影: / 大紀元)

Les adieux à la copie de film

Le cinéma semble avoir oublié ses origines modestes: une petite invention destinée à amuser les curieux dans les foires. Nul ne peut arrêter le progrès, la nouvelle technologie efface tout simplement l’existence de certains métiers naguère appréciés du milieu de l’image. Le projectionniste tire bientôt sa révérence, le temps d’installer les nouveaux projecteurs numériques. Il n’y a plus de risque de chute accidentelle de bobines de films. Il n’y aura plus jamais ni déchirures, ni accidents mécaniques. Nul ne nous proposera plus de places gratuites pour le dédommagement d’une projection catastrophique.

 

La souplesse de manipulation de ces nouveaux éléments de projection va permettre aux exploitants de ne plus attendre pour se faire livrer une nouvelle copie défaillante – elle sera numérique – et le problème pourra être réparé grâce à un simple ordinateur adapté au cinéma. Plusieurs centaines de projectionnistes devront bientôt apprendre un nouveau métier. La pellicule va encore durer quelques années puis il faudra lui dire adieu.

 

Le Bretagne, dans le quartier parisien du Montparnasse, a été le premier cinéma à se doter de ce nouveau format de projection incontournable. Au même moment, les laboratoires vont arrêter la fabrication de copies, entraînant encore une fois la perte d’un métier et de son savoir-faire.

 

Le Gaumont dans le 14e arrondissement de Paris s’est doté d’une machine infernale électronique où une forêt de fils veille à transmettre des impulsions électriques qui permettra une projection impeccable. Le photogramme n’existera plus, il sera désormais subjectif. C’est la nouvelle vague de transmission de l’image. Cela nous ramène cinquante ans en arrière.

 

L’anniversaire de la Nouvelle Vague

Le 4 mai 1959 on projète le film Les 400 coups de François Truffaut. À la sortie du palais du festival, une bousculade, des cris… un véritable psychodrame prend naissance. Jean-Pierre Léaud est porté en triomphe alors que Truffaut, visiblement ému, a de la peine à reprendre sa respiration. Il est acclamé, entouré, et se demande si l’aventure qu’il vit dans le présent n’est pas plus périlleuse que le film qu’il vient de tourner.

 

Truffaut s’interroge: l’important dans une histoire, n’est-ce pas de dire la vérité et de faire un sort au mensonge, à l’artificiel qui paradoxalement attaque négativement notre imaginaire? Les dirigeants du festival de Cannes ont choisi de donner la primeur aux jeunes dont la parole avait été confisquée depuis trop longtemps. Ce n’était pas une décision facile de ne pas sélectionner Autant-Lara, Marcel Carné et même René Clair. Ils avaient été mis sur le billot, remplacés par deux inconnus, François Truffaut et Alain Resnais. Rappelons tout de même qu’Autant-Lara avait réalisé La traversée de Paris (1956), Marcel Carné Les enfants du paradis (1945) et enfin René Clair À nous la liberté (1931) et C’est arrivé demain (1944). Cela revenait à éloigner un cinéma classique sinon révolu, du moins stagnant.

 

Les esprits à Cannes deviennent tourmentés. Certains remettent leurs projets à plus tard. Les cinéastes se rendent compte, preuve à l’appui, qu’un cinéma simple avec peu de moyens peut avoir un impact aussi important qu’une super production. Ils entament alors une réflexion sur le cinéma qu’ils n’avaient, pour certains, jamais entreprise.

 

La Nouvelle Vague, une conception inventée par Françoise Giroud

Truffaut, sans arrière pensée, a réalisé un film qui lui ressemble. Il a frappé un grand coup dans le cénacle du cinéma. L’expression «nouvelle vague», lancée par Françoise Giroud en 1957 dans L’Express, prend corps et se répand comme une colonne de fumée sur toutes les bouches. Heureusement, Truffaut n’est pas seul. Alain Resnais a aussi été sélectionné pour présenter son beau film Hiroshima mon amour (1959).

 

Lui aussi fera impression.

Le 3 juin, François Truffaut reçoit le prix de la mise en scène. Il se sent torturé par ce dilemme, dire la vérité ou la dissimuler. Dire oui à sa sensibilité d’artiste et révéler les vibrations de son être ou entrer dans l’univers de l’intimité et du secret, de la réserve. Toute sa vie, cet homme a dû choisir sa voie. Il a opté pour celle qui a du sens. Il a banni cette retenue hypocrite qui ne protège que les bourreaux en les renforçant dans leurs agissements cyniques.

 

André Bazin, le père spirituel

Truffaut rappelle sans cesse dans ses différents livres et entretiens que sans son père spirituel, André Bazin, il ne sait pas ce qu’il serait devenu. Il rappelle son amertume lorsque dans la cour de récréation, il se retrouve seul à ne pas avoir un goûter, les coups de pieds de sa mère, les gifles aussi, cette souffrance d’enfant qui ne demandait qu’à être aimé. «Aujourd’hui mon père adoptif me reproche d’en avoir parlé dans mon film. Il dit également que je le regretterai un jour, mais se souvient-il de mes séjours au centre d’observation des mineurs de Villejuif? Je n’étais pas mal traité par ma mère, je n’étais pas traité du tout».

 

Les 400 coups

François Truffaut décrira ces épisodes dans Les 400 coups (1959). Il montrera en un long plan séquence son entretien avec la psychologue où le contrechamp aura été négligé tant ce plan est dense.

 

Il décriera son ami de toujours, Robert Lachenay, avec lequel il errait dans la rue à la recherche d’aventures. Il lui confiait ses impressions sur l’existence.

 

Truffaut était l’ami de Jean-Luc Godard mais ils se sont fâchés en 1973. Leur correspondance était alors très conflictuelle. Truffaut s’éloigne et devient un témoin de choix dans les rapports qu’entretient Anna Karina avec Godard qu’elle épouse.

 

François Truffaut, comme Alain Resnais avec son film Hiroshima mon amour (1959), avait donné des signes de renouvellement du cinéma: un ton différent amplement critiqué par les institutions en place. «Les réalisateurs du confort» continuaient à faire un cinéma de poncifs sans jamais se livrer ni s’ouvrir au monde. Ils ne devaient s’impliquer que dans des situations standardisées qui séduisaient la bourgeoisie. Cette vague est demeurée pour les institutionnels du cinéma qui ne devaient plus fermer l’œil pendant des décennies.

 

La science-fiction décevante, oubliant les classiques

La science-fiction tente de faire une nouvelle percée avec Terminator Renaissance (2009), un film de McG (Joseph McGinty), quatrième épisode de la série Terminator commencé il y a vingt-cinq ans par James Cameron, spécialiste des séries B.

 

Le film s’appuie sur les films précédents. Il n’y a rien de nouveau, il s’agit d’un aller-retour perpétuel entre passé et futur, une série de boîtes de conserve mises bout à bout avec des pétards, cela fait rêver semble-t-il... Jean Douchet aurait expédié dans les profondeurs de l’oubli cette suite d’explosions qui profitent plus à la molécule d’aspirine qu’au sens artistique du spectateur.

 

Sam Raimi, en revanche, réussit à réintégrer le film d’horreur avec une efficacité et une finesse étonnante lorsqu’on sait qu’il avait réalisé un film gore dans les années 70, Evil Dead, et qu’il a réalisé les trois Spiderman.

 

Jusqu’en enfer (2009) est une histoire qui se déroule dans un univers des plus traditionnels. Christine (Alison Lohman) est employée de banque, elle gère des crédits immobiliers. Elle se sent obligée d’en refuser un à une gitane qui la maudit. À partir de là, tout démarre. Entre croyance et négociation, violence et dérision, le film présente la raison face à l’impossible diabolisme. L’originalité du film vient de l’apport de la bande dessinée.

 

Coraline un conte de fée «philosophique»

Coraline (2009) de Henry Selick est un film d’animation étonnant pour son sens esthétique et la rigueur de sa narration. Tiré d’un conte noir de Neil Gaiman (prix Hugo du meilleur roman court), Selick a composé à l’aide de figurines en silicone un film où prime l’esthétique. Le reste suit, l’atmosphère puis l’histoire. Selick avait déjà réalisé L’étrange Noël de Mr Jack (1994). Là le film est tourné en 3D : il faut s’équiper d’une paire de lunettes. Le sujet s’y prête fort bien. Coraline est une petite fille délaissée par ses parents qui travaillent sans cesse. Ils viennent d’emménager dans une vieille maison. Son père la charge de la visiter et de lui fournir un rapport détaillé. Coraline découvre derrière une porte condamnée un long couloir qui mène vers un monde identique mais presque inversé: sa mère est maternelle, attentive, prévenante, son père est fantaisiste et amusant. Les décors de la maison sont d’une beauté envoutante. Seule différence: à la place des yeux de ses vrais parents sont cousus des boutons de mercerie.

 

Les Beaux Gosses (2009), film français, est le premier long métrage de Riad Sattouf, un créateur de bandes dessinées. Cette œuvre dépeint les années passées au collège où la préoccupation amoureuse prend souvent toute l’attention. Mais ce film n’est pas comparable aux séries américaines produites en quantité, souvent à la limite de la vulgarité. Là, il y a un ton humoristique qui permet de rendre la caricature de ces années vraisemblables.

 

Jaffa, une ville d’amour?

Jaffa (2009) de Keren Yedaya est un film franco-israélien qui raconte une histoire d’amour dans la ville de Jaffa. Reuven gère l’exploitation de son garage à Jaffa avec sa fille Mali et son fils Meir. Il emploie également deux Palestiniens, le jeune Toufik et son père Hassan. Mali et Toufik s’aiment depuis des années. Dans un climat de racisme et de violence, cette idylle va tourner à la tragédie.

 

Merveilleusement interprété par Dana Ivgy, Mahmud Shalaby et Ronit Elkabetz, ce film atteint des sommets d’émotion guidée par la sincérité de la réalisatrice.

 

Le metteur en scène dont c’est le deuxième film avait obtenu la caméra d’or pour son film Mon trésor en 2004. Il est possible de rapprocher deux communautés grâce à l’art cinématographique.

 

Le Festival Pocket Films

Pour se faire une santé, rien ne peut égaler la vision de films réalisés par des jeunes et des chercheurs à l’assaut d’une nouvelle piste de langage cinématographique. Il n’y a pas de ségrégation par l’argent, l’entrée est libre. La participation au programme est une autre affaire, il faut montrer patte blanche dans le cénacle «des dieux du stade». L’auteur de ces lignes en a fait l’expérience. Il a réalisé L’homme au chapeau noir, un peu tardivement dit-on, et n’a trouvé de place pour sa diffusion que dans la salle de consultation où l’on visionne habituellement des films de collection. Il faut remercier en toutes lettres Nathalie Roth qui a bien voulu monter cet homme au chapeau noir.

 

A noter, pour clore ce chapitre, que les films présentés étaient plein de ressources et étonnants, sachant qu’ils ont été tournés avec un téléphone portable.