Cuba remet un pied dans l'Organisation des États américains

Écrit par LatinReporters.com
21.06.2009

  • Le jour de l’annonce, des Cubains essayant de fuir l'île communiste et arrêtés par les garde-frontière.(ADALBERTO ROQUE/AFP/Getty Images)(攝影: ADALBERTO ROQUE / 大紀元)

La décision est historique et marquera l'ère Obama. En vigueur depuis près d'un demi-siècle, l'exclusion de Cuba de l'Organisation des États américains (OEA) a été révoquée le 3 juin par acclamations des 34 pays, dont les États-Unis, de cette organisation continentale. Elle tenait au niveau des chefs de la diplomatie sa 39e Assemblée générale à San Pedro Sula, au nord du Honduras. La levée de l'exclusion ne signifie pas la réintégration automatique de Cuba, qui devrait en prendre l'initiative alors que le président Raul Castro et son frère Fidel se sont plusieurs fois prononcés contre le retour de leur île au sein de l'OEA.

La résolution adoptée par l'Assemblée générale déclare «sans effet» celle qui avait exclu Cuba en 1962, lorsqu'en pleine guerre froide l'OEA jugeait le régime communiste de Fidel Castro incompatible avec le système interaméricain. La révocation de cette exclusion était réclamée par la quasi totalité des pays d'Amérique latine. Même si elle ne débouchera pas nécessairement sur une réintégration, elle est saluée comme un succès diplomatique que revendiquent tant les États-Unis que le président Hugo Chavez du Venezuela et ses alliés régionaux de la gauche radicale. Selon ces derniers, l'OEA a réparé une «infamie historique» et le retour ou non de Cuba en son sein ne semble que secondaire par rapport à cette victoire.

La levée de l'exclusion reflète aussi et peut-être surtout le renouveau de la politique continentale de Washington sous la présidence de Barack Obama. A San Pedro Sula, le secrétaire d'État adjoint américain pour l'Amérique latine, Thomas Shannon, a estimé que l'appui des États-Unis à cette décision et les mesures prises depuis mars (levée de restrictions aux voyages et transferts d'argent d'Américano-Cubains, dialogue sur l'immigration) constituent «le plus grand changement» de la politique de Washington à l'égard de La Havane depuis 40 ans.

A Caracas, le président vénézuélien Hugo Chavez a qualifié de «grand triomphe de la gauche bolivarienne» l'annulation de l'exclusion de Cuba. Mais selon lui, «ce n'est pas suffisant, c'est seulement le point de départ d'une nouvelle ère, car l'OEA est toujours là, avec ses mécanismes et l'impérialisme intacts». Aussi, selon le président Chavez, faudrait-il créer «une organisation de pays latino-américains et des Caraïbes».

S'il a utilisé l'OEA pour obtenir ce qu'il pense être une victoire diplomatique, Hugo Chavez n'en a pas moins pour l'organisation continentale un mépris égal à celui qu'affiche Cuba. Dans ses Réflexions qu'il livre à un rythme soutenu aux médias cubains, Fidel Castro traitait le 2 juin l'OEA de « complice de tous les crimes commis contre Cuba » et d'instrument «d'agressions politiques et économiques» contre l'Amérique latine. Sur le même ton, il écrivait déjà en avril dernier que «cela nous offense lorsqu'on suppose que nous [les Cubains] souhaiterions réintégrer l'OEA. Le train est passé depuis longtemps... Un jour, de nombreux pays demanderont pardon de lui avoir appartenu». Il faudra toutefois observer la réaction de Fidel et Raul Castro à la résolution historique adoptée à San Pedro Sula.

Cuba comme outil ou prétexte ?

Donc si, contrairement à l'opinion exprimée ces derniers mois par le président Raul Castro et son frère Fidel, Cuba estimait tout de même utile de réintégrer l'OEA, elle devrait prendre l'initiative de demander l'ouverture d'un «processus de dialogue» en vue de cette réintégration. Ainsi, non seulement cette dernière n'est pas automatique, mais elle devrait en outre satisfaire aux «pratiques, objectifs et principes de l'OEA».

Dans un communiqué diffusé à Washington par le département d'État, sa titulaire, Hillary Clinton, a interprété clairement la résolution en affirmant que «Cuba peut revenir à l'OEA dans le futur si l'OEA décide que sa participation satisfait aux objectifs et principes de l'organisation, y compris la démocratie et les droits de l'homme».

Que la résolution soit néanmoins applaudie aussi par les pays de la gauche radicale – Venezuela, Bolivie, Nicaragua, Équateur, Honduras – s'explique sans doute, outre les calculs diplomatiques, par le paragraphe où sont cités également «l'autodétermination, la non-intervention, le développement», qui peuvent être interprétés comme des rappels à l'ordre adressés aux États-Unis. D'autre part, même les mots «démocratie» et «droits de l’homme», chers à Washington, sont en Amérique latine l'objet de définitions contradictoires en fonction de la priorité octroyée soit aux libertés individuelles, soit, comme Cuba et ses alliés, aux droits collectifs économiques et sociaux.

À noter le coup de chapeau de la résolution à l'esprit de dialogue qui marqua, en avril au Ve Sommet des Amériques, la première rencontre du président Barack Obama avec l'ensemble de ses pairs du continent. Cependant, «il serait naïf de croire que les bonnes intentions d'un président des États-Unis pourraient justifier l'existence de l'OEA», écrivait Fidel Castro le 2 juin. L'ex-Lider Maximo, toujours premier secrétaire du Parti communiste cubain, rêve à voix haute, comme Hugo Chavez, d'une nouvelle organisation continentale, une éventuelle Organisation des États latino-américains, une OEA sans les États-Unis ni le Canada.

Dans l'immédiat, c'est la levée de l'embargo américain contre Cuba – il remonte lui aussi à 1962 – que l'Amérique latine va continuer à exiger de Barack Obama. L'île des frères Castro est peut-être devenue le prétexte ou l'outil d'une lutte d'intérêts qui dépasse ses frontières et qui vise à une remise en cause des relations continentales, souhaitée même par les pays latino-américains de la gauche modérée ou conservateurs tels que, respectivement, le Brésil et le Mexique.