Atmosphère électrique entre Géorgie et Russie

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
01.07.2009

 

Les observateurs internationaux chassés par la Russie

  • Une(Stringer: IBRAGIM CHKADUA / 2008 AFP)

Dans le Caucase, près de 11 mois après la guerre entre la Géorgie et la Russie, les incidents se multiplient dans les zones sensibles d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. En refusant, par son véto sonore au Conseil de sécurité de l'ONU, l'extension de la mission d'observation des Nations Unies en Géorgie et en Abkhazie, et en laissant poindre une expulsion des personnes de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Russie fait un pas de plus dans le non-respect de l'accord de paix négocié avec le président français, Nicolas Sarkozy, en septembre 2008.

Le 21 juin, une explosion, judicieusement placée dans le calendrier diplomatique, a tué un conducteur et blessé un médecin en patrouille avec des observateurs de l'Union européenne près de la «frontière» avec l'Abkhazie.

«Les données préliminaires montrent que c'était une attaque délibérée de notre patrouille», déclare Hansbörg Habel, chef de la mission européenne en Géorgie, cité par le site EurasiaNet.

Les incidents se multiplient dans la zone, les bombes explosant à une fréquence accélérée depuis le printemps. Pour l'International Crisis Group (ICG), un group de réflexion européen qui publiait un rapport sur le sujet le 22 juin, la situation est instable au point que les combats avec la Géorgie pourraient reprendre : «Les pressions diplomatiques russes démantèlent la machinerie de résolution du conflit en Géorgie, ce qui place la région dans une situation explosive», indique le rapport.

Depuis la fin du conflit, les troupes russes stationnées en Ossétie du Sud et en Abkhasie n'ont pas permis aux Géorgiens chassés des deux régions séparatistes de regagner leur domicile. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'a pas hésité à parler de nettoyage ethnique pour évoquer la façon dont les Géorgiens ont été traités dans les deux régions séparatistes, devant les troupes russes qui ont laissé faire.

Depuis une dizaine de mois, constate l'ICG, la Russie n'a fait que renforcer sa présence militaire en Abkhazie et en Ossétie du Sud au lieu de suivre le plan qui devait la faire revenir au niveau de présence d'avant le conflit d'août 2008.

Dans ce cadre, provoquer des incidents sur le parcours des observateurs européens peut être compris comme une façon d'empêcher leur présence dans la zone des tensions et ainsi d'avoir moyen de créer, en toute tranquillité, l'instabilité nécessaire à la justification du maintien d'une forte présence russe sur des territoires toujours considérés comme géorgiens par la communauté internationale. Ce sont là les «nouvelles réalités du terrain» mentionnées par le ministre des Affaires étrangères russe, Serguei Lavrov.

L'inquiétude croît au moment où commencent les grands exercices militaires russes dans le Caucase qui dureront jusqu'au 6 juillet et mobiliseront près de 9000 hommes. L'OSCE a averti du risque de reprise du conflit le 26 juin alors que ses observateurs sont censés avoir quitté la région à la fin du mois de juin. Cité par Reuters, l'ambassadeur de la mission de l'OSCE, Terhi Hakala, rejoint les hypothèses de l'ICG : «Malheureusement, je pense que c'est possible. Je partage leur analyse, la situation est instable.»

Cela n'a pas empêché l'OTAN de renouer ses liens avec la Russie le 27 juin, de façon à construire une coopération sur le sujet de l'Afghanistan. En parallèle, le chef d'État-major de l'armée américaine, Mike Mullen, a annoncé la signature prochaine d'un nouvel accord de coopération militaire avec la Russie. S'adressant à un auditoire choisi dans l'Académie militaire russe à Moscou, l'Amiral Mullen a ainsi déclaré, cité par Voice of America : «Dans cette pièce, sont assis les futurs chefs militaires qui verront le chemin devant nous. C'est maintenant le moment, et c'est ici l'endroit, pour que les forces armées russes et américaines s'engagent dans une relation nouvelle et meilleure.»

Le bouton reset qu'avait montré la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, à son homologue russe, Serguei Lavrov, lors de la première rencontre traduit la volonté de l'administration Obama, ici comme ailleurs, de remettre les choses à plat. La visite du président américain en Russie au mois de juillet sera l'occasion de signer l'accord militaire évoqué par l'amiral Mullen… et de voir quelle place est laissée aux inquiétudes des Géorgiens dans le nouvel équilibre russo-américain.