Chine : manifestations de masse dans la province de Hubei

Écrit par Par Gao Yun et Stephen Gregory, La Grande Époque
10.07.2009

  • Les habitants de Shishou prenant part à la manifestation. (Aboluowang.com) (攝影: / 大紀元)

Les récentes manifestations de masse à Shishou, petite ville de la province de Hubei en Chine, ont été déclenchées par la mort d’un cuisinier.

Dans le contexte du règne du régime communiste chinois, l’incident qui a provoqué les manifestations était mineur. D’après le rapport officiel d’un média d’Etat, le 17 juin, un cuisinier de 24 ans du nom de Tu Yuangao s’est suicidé en se jetant du 3e étage de l’hôtel Yonglong à Shishou.

Quand le corps est tombé, les passants se sont précipités pour constater que le décès était suspect : il n’y avait pas de sang du tout à l’endroit où Tu était tombé. D’après les gens de Shishou, un examen plus précis de son corps montrait que Tu avait été cruellement torturé avant de tomber : il y avait des taches de sang autour de son cou et de ses chevilles, un clou était planté dans sa tête, et ses parties génitales étaient lésées.

Le corps de Tu a été emmené dans la réception de l’hôtel, et la résistance a commencé. La famille de Tu a demandé une autopsie. Mais la police locale voulait se saisir du corps de Tu et le faire incinérer. Quand la police est arrivée pour prendre le corps, les gens ont considéré que le régime essayait de cacher le meurtre.

Il y avait déjà eu dans cet hôtel des tentatives de cacher des incidents. Un lycéen a publié un message sur Internet le 22 juin en disant que l’hôtel Yonglong est un lieu de proxénétisme et de trafic de drogue.

D’après le message du lycéen, «en 1999 une jeune femme était morte à l’hôtel mais l’affaire avait été close sans aucune explication. Deux ans auparavant une jeune fille de 16 ans y était morte et son décès avait été balayé par la police comme un cas de suicide. L’affaire avait été classée avec 35.000 yuans [3.684 euros] au propriétaire de l’hôtel, qui est le frère cadet du maire Zhang Shancai.»

Les habitants de Shishou pensent que Tu a été tué parce qu’il connaissait les détails d’activités criminelles secrètes. Le propriétaire de l’hôtel où il travaillait est connu pour trafic de drogues, avec la complicité de la police locale et de l’épouse du juge en chef de la cour locale.

Emeute dans les rues

Une violente altercation s’en est suivie entre des policiers et des sympathisants de la famille de Tu. Certaines des personnes ont été battues par la police avant d’être arrêtées. Mais de plus en plus de gens ont rejoint la bagarre contre la police. Au pic de l’émeute, la foule atteignait 70.000 personnes selon les estimations.

De telles manifestations spontanées de masse sont devenues de plus en plus courantes en Chine. Un événement isolé peut déclencher une violente émeute de dizaines de milliers de personnes.

Beaucoup de gens ont des rancœurs vis-à-vis du régime communiste. Alors que certaines grandes villes en Chine donnent une impression de grande prospérité, les bénéfices sont concentrés parmi quelques personnes proches du pouvoir politique. Beaucoup d’autres ont subi de graves injustices et la corruption, ainsi qu’un environnement grandement endommagé. Les gens trouvent que leurs doléances ne peuvent pas être adressées au régime ni à son système légal.

L’accumulation des plaintes, sans possibilité de réparation maintient les gens en colère chronique. Mais le consensus veut que les Chinois sont mécontents de la manière dont ils sont traités aux mains du Parti communiste depuis très longtemps.

Défendre ses droits

Aujourd’hui, les habitants de Shishou sont non seulement en colère, mais ils ont un nouveau sentiment, celui d’avoir des droits. Et cette idée de droits à défendre génère des conflits isolés qui deviennent des défis de masse pour le régime.

Les habitants qui se sont rassemblés à Shishou ne défendaient pas seulement la volonté de la famille de savoir qui avait tué leur fils et pourquoi, ils défendaient le droit de la famille de le savoir. Le droit est quelque chose que les gens en Chine sans lien avec Shishou peuvent soutenir.

Voilà en partie pourquoi le régime, qui prétendait il y a quelques mois avoir adopté une attitude plus ouverte par rapport aux événements en Chine, a agi si vite à Shishou pour essayer de contrôler les informations sur ce qui s’était passé. Quelques heures après le début des manifestations le 20 juin, Internet a été coupé à Shishou. La famille a appelé les médias de Pékin, mais quand les journalistes sont arrivés dans la ville, ils n’ont pas pu rentrer. Les messages postés sur des forums et des blogs critiquant la manière dont avait été traitée la mort de Tu ont été effacés, seule restait la version officielle.

Ce sentiment d’avoir des droits à défendre touche maintenant la base du peuple. D’après les photos des manifestants de Shishou, ce ne sont pas des intellectuels ou des étudiants idéalistes ; ce sont des travailleurs de tous milieux — des ménagères en pantoufles, des hommes d’âge moyen en t-shirts, et des grands-pères âgés.

Ces gens étaient convaincus de soutenir la position de la famille de Tu contre les desseins du chef de la police, du juge en chef, et du maire de la ville. Les habitants de Shishou pensent que la famille de Tu n’aurait pas pu obtenir de traitement équitable de la part de ce qu’ils considèrent comme un establishment corrompu, donc ils sont descendus dans la rue pour les soutenir.

Ajustements tactiques

Le régime a répondu avec des policiers anti-émeutes bien entraînés dont le nombre est estimé à au moins 8.000, et finalement les manifestants ont été maîtrisés mais lors de la confrontation avec la police, le peuple semble avoir gagné.

Le régime qui avait d’abord cherché à incinérer de force le corps de Tu, a accepté de mener une autopsie en présence de la famille. D’après un reportage du Xiaoxiang Morning Post le 23 juin, l’autopsie a eu lieu, et les résultats sont attendus sous 20 jours. On a demandé à la famille d’incinérer le corps le plus vite possible mais la famille a refusé de le faire avant la publication des résultats de l’autopsie.

Pendant ce temps, toujours d’après le même journal, la famille a montré le corps dans un cercueil transparent à la morgue. Le reporter, et tous ceux qui sont venus voir le corps en l’état, ont pu constater les blessures sur la poitrine, le cou, les chevilles et les parties génitales.

Ce qui semble être des concessions de la part des autorités chinoises cependant se révèlent souvent être de simples ajustements tactiques. Par exemple, dans le cas récent de Deng Yujiao, qui a été jugée le 16 juin pour avoir tué un responsable du Parti communiste qui l’aurait violée, la cour a prétendu lui avoir redonné toute sa liberté. Ce verdict semblait être une réponse au large soutien du public pour Melle Deng. Mais 48 heures après qu’elle a été relâchée, sa mère a dit qu’elle avait été emmenée pour «traitement psychiatrique» et l’on n’a plus de nouvelles depuis.

Dans le cas de la famille de Tu, ils ne semblent pas avoir été invités à une «conversation» avec les responsables locaux. Les 70.000 personnes ayant quitté la rue pour rentrer chez eux, la pression sur la famille est intense. Il ne serait pas surprenant qu’ait lieu un arrangement pour les forcer à renoncer à leur bras de fer avec les autorités.

Mais même si le régime finit par faire plier la famille, l’incident de Shishou a payé. L’information sur ce qui a été fait à Tu, apparemment pour protéger les intérêts des hauts responsables locaux, a eu le temps d’être lue par les Chinois sur Internet avant que tout soit fermé et effacé. Cette information va continuer d’attiser la colère indignée des Chinois.