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Le ballon est dans le camp des électeurs

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
13.07.2009
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  • Zinedine Zidane, en compagnie du maire de l'arrondissement de Montréal-Nord, Marcel Parent,(攝影: / 大紀元)

Les jeunes des milieux défavorisés privés de terrains de sport

Montréal-Nord est, à nouveau, sous les feux de la rampe. En effet, quelques jours après le passage du célèbre footballeur français Zinedine Zidane dans la métropole, voilà que le maire de l’arrondissement prenait la décision de retirer sa candidature pour l’élection municipale du 1er novembre prochain. Prétextant des problèmes de santé, le maire Marcel Parent aura passé sous silence la grogne populaire à l’encontre de son administration. Il faut dire que, depuis la mort du jeune Fredy Villanueva survenue en août 2008, une part importante de la jeunesse se sent délaissée par une administration qui semble faire la sourde oreille à ses doléances.

Il est plus facile de prêcher de bonnes actions envers les populations du tiers monde que de prendre la peine de solutionner ce qui se passe chez nous. C’est ainsi que Zinédine Zidane est venu visiter les jeunes de Montréal-Nord, le samedi 27 juin, dans le cadre d’un évènement-bénéfice au profit de l’UNICEF. Il apparait que cette visite aurait été instrumentalisée au bénéfice d’intérêts politiques et partisans. Dans un contexte où certains observateurs n’hésitent pas à comparer l’arrondissement de Montréal-Nord aux banlieues pauvres de Paris, le passage de la star du soccer aura suscité une certaine indignation chez plusieurs.

En effet, un organisateur communautaire, Oscar Elimby, n’hésite pas à soutenir que «ceux qui profitent du passage de Zidane pour nous parler des efforts de l’UNICEF en faveur des camps de réfugiés ferment les yeux sur la pauvreté qui frappe nos jeunes d’ici. Mon UNICEF, à moi, c’est le mouvement populaire des gens de Montréal-Nord en faveur d’une meilleure équité en termes de justice sociale!». M. Elimby fait allusion, ici, à la brève allocution de la directrice générale d’UNICEF Québec, laquelle affirmait que «des enfants comme vous sont en train de jouer au soccer avec des ballons fournis par notre organisme… rajoutant qu’au moment où l’on se parle, il y a des enfants qui réclament le droit à l’éducation, au jeu, à la vie»..

Retour sur une crise larvée

Alors que les médias parlaient d’environ 1400 personnes à s’être déplacées pour «voir l’icône du ballon rond», des observateurs présents sur les lieux affirment qu’il y avait moins de 300 enfants… un grand nombre ayant été refoulé aux portes de l’Aréna Henri-Bourassa, en plein cœur de Montréal-Nord. Comble de l’ironie, c’est dans le périmètre de cet aréna que se trouve le seul terrain de soccer professionnel de l’arrondissement. Cet espace béni des dieux est le lieu de toutes les convoitises, ce qui expliquerait bien des tensions locales.

C’est, d’ailleurs, à deux pas du stationnement de l’aréna que Fredy Villanueva aura été abattu par la force constabulaire. Une année plus tard, la poussière retombée, certains témoignages nous permettent de comprendre un peu mieux les tenants et les aboutissants d’une crise larvée qui remonterait à quelques années au moins. Oscar Elimby est le président de Mener Autrement, un organisme qui s’occupe d’offrir de l’aide aux devoirs et des activités de sports et de loisirs aux jeunes les plus démunis du secteur nord-est de l’arrondissement. Or, ce dernier tente, depuis 2005, de faire en sorte que les jeunes qu’il a pris en charge puissent se prévaloir des infrastructures d’un arrondissement où c’est la loi du plus fort qui semble s’imposer.

M. Elimby et les quelques parents qui l’appuient dans sa croisade dénoncent le fait que seul le Club de soccer de Montréal-Nord, un club d’élite, ait un accès prioritaire aux quelques terrains de soccer de l’arrondissement. Après consultation de certains documents, il appert que les frais d’inscription pour la saison 2009 sont de l’ordre de 350 dollars pour les joueurs âgés entre 15 et 18 ans. Peu de familles peuvent débourser de tels montants, surtout celles qui comptent plusieurs adolescents. Qui plus est, seule une frange d’élites pourra accéder au rang de l’équipe, ce qui fait qu’environ 1000 jeunes ont accès en priorité aux fameux terrains convoités, plus particulièrement celui situé à proximité de l’Aréna Henri-Bourassa.

Une problématique qui risque de s’envenimer

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis les émeutes de l’été dernier. C’est ce qui a poussé les pouvoirs publics à multiplier commissions, tables rondes et autres mesures de consultation afin de mieux cerner une problématique qui risque de s’envenimer si on n’y prend garde. Profitant d’une table ronde, tenue l’automne dernier à l’UQAM, le professeur Frank Remiggi soulignait que 40 % des 84 000 habitants de l’arrondissement de Montréal-Nord vivent sous le seuil de la pauvreté et que près de la moitié des familles sont monoparentales. Un constat qui frappe l’imagination, surtout lorsque l’on sait qu’environ la moitié des 18 000 jeunes (enfants et adolescents) de l’arrondissement n’est pas en mesure de se payer des activités réservées aux plus fortunés.

S’occupant d’une centaine de jeunes, dont un certain nombre sont atteints de déficiences, l’organisme Mener Autrement œuvre dans le périmètre le plus explosif de l’arrondissement. En effet, c’est dans le quadrilatère formé par les rues Lacordaire, Langelier, Henri-Bourassa et Léger que des émeutes ont éclaté depuis l’été dernier, avec les tragiques conséquences que l’on sait. En fait, il semblerait qu’hormis les camps d’été pour les plus jeunes (les moins de 13 ans), presque rien ne serait offert à une frange importante d’adolescents du secteur.

Profitant d’une rencontre avec les médias, organisée par Mener Autrement, une brigadière est venue témoigner du désœuvrement de la jeunesse de son quartier. Lyne Charbonneau tenait à faire remarquer que «même les gens de l’extérieur viennent utiliser nos équipements, dans un contexte où nos jeunes n’ont presque rien à faire en dehors de l’école. Alors, pas étonnant si un grand nombre de nos concitoyens en sont réduits à faire du “balconville”, se plaint-elle».

Par ailleurs, la brigadière affirme que plusieurs solutions s’offrent à l’administration locale pour ce qui est de pallier au manque d’infrastructures. Ainsi, «ils pourraient [les responsables] engager des moniteurs pour s’occuper des enfants dans les parcs durant la saison des vacances. Aussi, l’aréna ne sert à rien durant l’été, alors pourquoi ne pas le transformer en gymnase afin d’y pratiquer des sports tel que le patin à roulette», s’enthousiasme-t-elle. Mais, il semblerait que les responsables des sports et loisirs fassent la sourde oreille depuis longtemps.

Jouer au chat et à la souris

Oscar Elimby n’a pas la langue dans sa poche quand vient le temps de défendre les jeunes de son entourage. Voilà plusieurs années qu’il argumente avec les élus de l’équipe du maire Parent. Tentant d’obtenir du temps de jeu ou des locaux pour ses jeunes protégés, il s’est buté depuis longtemps à toute sorte de rebuffades de la part d’une administration qui semble prendre un malin plaisir à «jouer au chat et à la souris» avec lui. Constatant qu’il y a des plages libres dans l’horaire de jeu du terrain de soccer Henri-Bourassa, M. Elimby et ses jeunes protégés tentent, depuis plusieurs années, de réquisitionner du temps de jeu pour y mener des tournois amicaux.

Faisant la sourde oreille aux doléances de Mener Autrement, les responsables des terrains de jeu les ont invités à aller jouer ailleurs, sur des terrains de jeu qui ne sont pas équipés pour de telles activités. Dans certains cas, les jeunes seraient obligés de se taper un bon 4 kilomètres de marche à l’aller, alors que plusieurs parents ne disposent pas de moyens de transport autonomes. Qui plus est, le terrain tant convoité serait le seul à être convenablement éclairé après 19 h 30.

Par ailleurs, pour les saisons d’hiver et de printemps, l’organisme avait réquisitionné du temps de jeu les vendredis, samedis et dimanches pour une autre infrastructure convoitée : le gymnase Lester B. Pearson. Mais, rien n’y fit, l’administration répondant que les locaux avaient été réservés, noblesse oblige, pour le Club de soccer de Montréal-Nord. Le seul tournoi de soccer prévu pour la fin de la saison d’hiver fut, lui-aussi, annulé d’après les dires de M. Elimby.

Une situation qui dégénère

De fil en aiguille la situation aura dégénéré et les responsables de l’arrondissement menacent d’enlever à l’organisme son accréditation s’il ne change pas de président. Un nouveau responsable pour le service des sports et loisirs a été embauché il y a peu de temps et il serait disposé à entreprendre des discussions afin de trouver des compromis pour le bénéfice de tous.

Entre-temps, une coalition de jeunes a été formée, allant jusqu’à recueillir plus de 600 signatures de parents qui en ont assez de la discrimination pratiquée à l’encontre de leurs enfants. Les porte-parole de la coalition ont bien tenté de se faire entendre par les édiles lors du conseil d’arrondissement du 15 avril dernier. En vain toutefois, le maire Parent affirmant que les jeunes auraient été manipulés par des adultes, ces derniers leur ayant mis dans la tête les questions qu’ils s’apprêtaient à lui poser.

Depuis, la tension est à son maximum. Une vingtaine de jeunes de l’organisme ayant investi spontanément le terrain de soccer Henri-Bourassa, le vendredi 19 juin, des adultes en charge du fameux Club de soccer de Montréal-Nord ont décidé d’appeler le poste de police numéro 39 à la rescousse.

Heureusement que M. Oscar Elimby veillait au grain en s’interposant entre ses jeunes et les forces de police. Ne sachant plus à quel saint se vouer, le bouillant organisateur communautaire a même interpelé le premier ministre du Québec pour que son cabinet intervienne. Toujours sans réponse, les dirigeants de Mener Autrement comptent bien sur les prochaines élections pour que la population du secteur défende ses intérêts. Le ballon est, désormais, dans le camp des électeurs.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.