Les députés philippins veillent au grain

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
15.07.2009

  • Le riz, nouvel or blanc, protégé par des soldats philippins.(JASON GUTIERREZ/AFP/Getty Images)(Staff: JASON GUTIERREZ / 2009 AFP)

D’anciens responsables du ministère de l’Agriculture philippin et des parlementaires dont les sénateurs de l’opposition Loren Legarda et Francis Escudero accusent le gouvernement d’avoir acheté à un prix déraisonnable  1,5 million de tonnes de riz au Vietnam.

Pour les deux sénateurs qui s’exprimaient dans les colonnes de l’Inquirer, des hauts-responsables du ministère de l’Agriculture et de l’autorité nationale de l’agroalimentaire auraient profité à titre personnel de cette transaction déséquilibrée, qui remonte au mois de décembre 2008.

Les Philippines auraient payé 550 dollars la tonne de riz alors que les cours du marché étaient alors aux alentours de 380 dollars - soit 45% de trop, un chiffre que le secrétaire à l’agriculture philippin Arthur Yap refuse de confirmer, affirmant que c’était «à ce moment là une bonne transaction.»

Le 10 juillet, parlant sous couvert d’anonymat, d’anciens responsables du ministère de l’Agriculture philippin ont indiqué aux journalistes du Manila Bulletin que les accords inter-gouvernementaux se négocient et se signent toujours sur une base de bénéfice mutuel, allant jusqu’à utiliser des bateaux des deux pays pour mener les exportations de grain afin de ne pas favoriser l’une des deux marines marchandes par rapport à l’autre. Pourtant, en décembre 2008, seuls des navires vietnamiens ont été utilisés, ce qui ajoute une anomalie à celle déjà soulevée par l’agence Reuters, qui a déclenché la tempête par une de ses dépêches.

Vers une enquête

La sénateur Loren Legarda, qui préside le comité sur l’agroalimentaire du Sénat philippin, demande déjà une enquête, affirmant devant l’Inquirer: «Ce n’est pas seulement une question de surcoût, qui serait un nouvel exemple de la gargantuesque corruption du gouvernement. Il y a aussi le besoin à long-terme pour les Philippines de ne plus être dépendantes des importations alimentaires».

Les importateurs philippins accusent, eux, le gouvernement de devenir un compétiteur au lieu de simplement assumer sa mission, qui est de garantir 30 jours de stock de riz pour les situations d’urgence. Parallèlement l’autorité nationale de l’agroalimentaire n’aurait jamais respecté sa mission d’acheter chaque année 10% de la production nationale.

Pour les responsables du ministère de l’Agriculture cependant, rien n’est à leur reprocher. Ils s’appuient pour cela sur l’opinion écrite du ministère de la Justice qui considère la transaction comme légale.

Le 9 juillet, le président philippin a accepté les explications données par le secrétaire à l’agriculture Arthur Yap, qui a tenté de démontrer que la transaction avait été réalisée aux cours du marché, et dans les quantités nécessaires à assurer la sécurité alimentaire du pays. Parmi les huit pays contactés pour répondre à l’appel d’offre philippin, seul le Vietnam avait répondu.

«Le Secrétaire à l’Agriculture voulait éviter une pénurie, et il rejette farouchement tout accusation de surprix», indiquait à la sortie du palais présidentiel le secrétaire de la présidence Eduardo Ermita, cité par le Philippine Star. «Toute personne impliquée dans les importations prend de grandes précautions, conscient de l’attention du public et en particulier des médias. Je crois aux explications du Secrétaire Yap», ajoutait-il.

Les Philippines se sont déjà trouvé victimes d’émeutes liées aux pénuries de riz en janvier 2008, période où les pays exportateurs eux-mêmes avaient bloqué les ventes pour préserver leur propre approvisionnement. D’après l’Oxfam, la production mondiale de riz doit baisser de 10% pour chaque degré d’augmentation de la température moyenne du globe. Pour cette raison et du fait de la politique agricole locale, cette production baisserait aux Philippines de plus de 50% d’ici à 2020. Les importations de riz potentiellement surpayé sont donc, pour l’opposition, une preuve de l’abandon des agriculteurs par le gouvernement philippin, qui s’était engagé l’année dernière à une réforme agraire massive incluant prêts à taux préférentiels et accès facilité aux fertilisants et équipements de production.