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Google victime d'un coup monté en Chine

Écrit par Stephen Gregory, La Grande Époque
08.07.2009
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  • es internautes chinois naviguent dans un café Internet de Pékin le 3 juillet 2009.(Staff: FREDERIC J. BROWN / 2009 AFP)

Des accusations concernant la pornographie font partie d'une tentative de censure

Une attaque à la mi-juin contre le moteur de recherche sur Internet et géant Google a marqué un point fort dans la campagne du régime chinois visant à introduire sa nouvelle mesure de censure du web, soit le logiciel de filtrage «Barrage vert – Escorte de la jeunesse».

Pékin a accusé Google.cn (Google Chine) de faciliter l'accès à la pornographie en se basant sur des preuves fabriquées. L'accusation a fourni au régime le prétexte nécessaire pour éliminer les résultats de recherche qui peuvent mener à des sites Internet politiquement sensibles.

Les accusations contre Google ont été diffusées le 18 juin sur la chaîne de télévision d'État, CCTV, durant une émission très populaire intitulée Focus Report. Semblable aux émissions américaines d'enquête comme 60 minutes ou 20/20, Focus Report a la réputation, selon les observateurs des médias chinois, d'être un véhicule pour les campagnes de propagande du régime.

L'émission du 18 juin a été complètement dédiée à démontrer comment Google facilite les recherches de pornographie en Chine. Parmi les personnes interviewées, il y avait le vice-directeur de l'ONG China Internet Illegal Information Reporting Center (CIIRC - Centre chinois pour le rapportage de l'information illégale sur Internet), de même qu'un jeune homme identifié comme étant un étudiant universitaire.

L'étudiant, Gao Ye, s'est plaint que le contenu pornographique sur Internet cause de grands dommages, particulièrement avec les résultats de recherche de Google. Il a décrit comment un de ses amis avait surmonté son intérêt pour la pornographie, mais qu'ensuite Google l'avait à nouveau corrompu en lui permettant de retrouver les sites web, le rendant finalement «dérangé».

Le vice-directeur de l'ONG, Xi Wei, a fait des démonstrations devant un ordinateur qui montrait ce que Gao Ye avait mentionné. Xi Wei a particulièrement insisté sur comment la fonction Suggestion de Google augmentait significativement la liste de termes et sites web pornographiques possibles.

Des blogueurs de Chine continentale, qui ont probablement fait des recherches sur Gao Ye en utilisant Google, ont rapporté qu'il est en fait un stagiaire chez CCTV.

Quant au CIIRC, il ne pourrait probablement pas se qualifier comme ONG en Occident. Son site Internet indique qu'il est soutenu par le «ministère de l'Industrie de l'information, le ministère de la Sécurité publique et le Bureau d'information du Conseil d'État de la République populaire de Chine».

Recherches inappropriées

Les motifs pour les accusations diffusées sur CCTV avaient été dûment préparés et il semble que le régime a utilisé les propres fonctions de Google pour le condamner.

À partir du 10 juin, un nombre élevé de recherches des phrases inhabituelles à caractère sexuel ont été effectuées. La fréquence de ces recherches a augmenté significativement entre le 10 et le 17 juin. Après avoir culminé le 17 juin, le nombre a baissé tout aussi rapidement.

Durant l'émission Focus Report, le journaliste a démontré la supposée saturation de Google relativement au contenu obscène en montrant que même en recherchant des mots anodins comme «fils» et «mère», on peut trouver du contenu pornographique sur Internet. Il a fait une recherche avec le terme chinois pour «fils» (erzi) et immédiatement la phrase «fils, mère, relation inappropriée» a émergé de Google Suggestion comme la phrase la plus populaire.

Google Suggestion est une fonction de recherche de Google qui essaie de déterminer ce que les utilisateurs tentent de trouver en fournissant des suggestions avant qu'ils aient écrit complètement leurs termes de recherche. La compagnie affirme utiliser des algorithmes contenant une «grande quantité d'informations» pour prédire les recherches, incluant la popularité des termes recherchés. Toutefois, il semble que le service puisse être manipulé.

En fait, la fréquence des recherches pour la phrase «fils, mère, relation inappropriée» durant la semaine précédente semble avoir élevé son classement de sorte que le 18 juin, la fonction Suggestion de Google a fait apparaître la phrase comme résultat le plus populaire lorsqu'on effectue une recherche du mot «fils».

Selon des blogueurs en Chine qui ont analysé les données, le nombre de recherches pour cette phrase a augmenté de 5950 % durant la semaine du 10 au 17 juin. La totalité de ces recherches provenait de quelque part à Pékin.

Selon une déclaration du Comité pékinois d'évaluation des nouvelles d'information sur Internet, le régime chinois a ordonné le 18 juin que la fonction Suggestion de Google soit désactivée.

Un porte-parole de Google a confirmé le 30 juin que la fonction était toujours «temporairement» désactivée.

Suggestion d'un motif

Le 24 juin, Google.cn a été temporairement bloqué par les autorités. Le jour suivant, le journal officiel du Parti communiste chinois, le Quotidien du peuple, a rapporté une déclaration du Comité pékinois d'évaluation des nouvelles d'information sur Internet qui critiquait sévèrement Google de répandre «du contenu pornographique, obscène et vulgaire».

Plusieurs blogueurs chinois se moquent du prétexte utilisé par le régime pour bloquer Google.

Sur l'Internet chinois, la pornographie explicite est facilement accessible, particulièrement à travers du site de recherche chinois le plus populaire, Baidu. Un blogueur a effectué une recherche avec les mots «belle femme» sur Baidu et Google.cn et a publié des captures d'écran des résultats. Les résultats de recherche de Baidu ont beaucoup plus de contenu qui devrait soi-disant préoccuper le régime.

Baidu puise ses résultats de recherche seulement dans les sites Internet de Chine continentale. L'accès au contenu international que Google fournit a toujours été un problème pour le régime qui s'efforce de contrôler l'Internet en Chine. En 2006, dans une courbette devant Pékin, Google.cn a purgé les sites Internet interdits par le régime, tels que des sites concernant le Falun Gong, le Tibet, le massacre de la place Tiananmen et la liberté d'expression.

Mais bien que Google ait tenté d'apaiser les censeurs chinois, ses résultats de recherches ont continué à être une source d'embarras pour les autorités. La fonction Suggestion, qui fournit des mots clés et des liens aux sujets reliés, permet aux internautes en Chine d'atteindre des sites bloqués par le Parti communiste. Google avait conservé cette petite fenêtre ouverte pour la libre circulation de l'information.

L'utilisation de la pornographie

L'attaque contre Google fait partie d'une campagne plus vaste. Sur le site web du CIIRC, on peut y voir des articles intitulés Soixante-huit sites pornos de plus fermés, La campagne anti-porno se répand aux messages textes et ainsi de suite.

Un article du 25 juin dans le United Morning Post de Singapour, un journal réputé très près du régime chinois, affirme : «Parce que les autorités ont déjà annoncé l'installation obligatoire du logiciel Barrage vert dans tous les ordinateurs, cette politique a été grandement critiquée autant à l’intérieur qu'à l'étranger. Ce qui arrive à Google maintenant montre un effort des autorités visant à paver la route menant à la mise en application du Barrage vert.»

L'installation obligatoire du logiciel Barrage vert, annoncée le 18 mai par le ministère de l'Industrie et de la Technologie de l'information comme devant être en vigueur à partir du 1er juillet, est la tentative la plus audacieuse du régime à ce jour pour contrôler l’Internet. Présenté comme un logiciel devant protéger les familles contre la pornographie, des chercheurs ont trouvé que le logiciel bloque également une liste exhaustive de mots clés relatifs aux multiples sujets jugés tabous par les autorités, comme la liberté religieuse, la politique et les droits de l'homme.

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Le Barrage vert n'empêche pas seulement les utilisateurs d'accéder à des sites proscrits, mais il effectue également des captures d'écran à chaque trois minutes et enregistre toutes les frappes au clavier. Toute l'information concernant l'utilisation de l'ordinateur est acheminée à une banque de données centrale.

En d'autres mots, le Barrage vert fait passer la censure de la Chine du niveau d'Internet au niveau de l'ordinateur personnel.

Les accusations contre Google sont survenues un peu moins de deux semaines avant le 1er juillet et suite à une série de critiques virulentes du Barrage vert dans la presse occidentale, aux objections des fabricants américains de PC et un appel du secrétaire américain au Commerce.

La prise pour cible de la compagnie Google basée en Amérique a permis au régime chinois de peser sur son auditoire domestique en ce qui a trait à la campagne anti-pornographie, tout en lui permettant de lancer une contre-attaque à la pression occidentale.

Le 30 juin, Pékin a annoncé que la mise en application de l'obligation d'installer le logiciel Barrage vert était retardée. Il n'est pas clair encore si cela représente la première étape d'une rétraction ou si le régime tentera plutôt de réparer les failles décriées du logiciel.

Zhou Meihua a contribué à cet article.

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