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Les Trésors du Bouddhisme à Nice

Écrit par Suzi Loo, La Grande Époque, Nice
09.08.2009
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  • Tambour à main, Mongolie XVIIIè siècle, os, peau de chèvre, cuivre, argent. (Suzi Loo, La Grande Époque)(攝影: / 大紀元)

M. Eric Ciotti, député, président du Conseil général a inauguré, en présence de son Excellence Radnaabazaryn Altangerel et du Grand Lama Ariyabazar Purevsurenbold, la nouvelle exposition temporaire «Trésors du bouddhisme au pays de Gengis Khan» au Musée des Arts asiatiques à Nice. Réalisée grâce au concours de Jean-Paul Desroches, Conservateur général du Département Chine au Musée national des Arts asiatiques Guimet, cette exposition est consacrée à l’art bouddhique en Mongolie et au Tibet entre les XVe et XVIIIe siècles, elle présente une collection unique au monde d’objets rituels du bouddhisme.

Voyage dans  un monde sacré et spirituel

150 objets d’art sacré réunis, des trésors nationaux de Mongolie, certains signés du grand artiste Zanabazar, et qui, pour la plupart ont été sauvés des destructions massives des temples mongols perpétrées dans les années 1930. Nombre d’entre eux sont exposés, pour la première fois en Europe et proviennent, pour la majeure partie, de l’exceptionnelle collection privée d’Ayurzana Altangerel mais aussi des temples et musées nationaux mongols ainsi que des musées des Arts asiatiques Guimet et du quai Branly. C’est bien plus qu’une visite c’est une grande exploration dans l’univers de la culture Mongole. C’est aussi la filiationentre l’une des figures cardinales de l’humanité, Gengis Khan et la «dynastie» des Dalaï-Lamas. Après le temps des conquêtes dont est issu le plus grand empire que la terre ait connu, les descendants de ce remarquable monarque confièrent aux lamas le pouvoir temporel sur le Tibet en donnant le titre mongol de Dalaï-Lama, Océan de Sagesse, à leur chef. Les liens étroits tissés à cette époque entre les souverains mongols et les moines tibétains ont fait de la culture tibétaine ce qu’elle est aujourd’hui et de la Mongolie l’un des premiers pays à suivre la voie tracée par les dalai-lamas.

Zanabazar, le Michel-Ange de l’Asie

De cette culture, est né un courant artistique original illustré par l’incomparable talent du lama Zanabazar (1635-1723), figure centrale de l’art mongol. Homme de lettres, architecte, peintre, Zanabazar, appelé le «Michel-Ange de l’Asie», reste surtout célèbre pour ses sculptures et pour l’invention d’un alphabet phonétique d’aspect décoratif dont l’origine remonte à Kūbilaï Khān, petit-fils de Gengis Khan. Ses œuvres combinent harmonieusement les canons classiques de l’art religieux de l’Orient et une parfaite connaissance de l’anatomie humaine. Ainsi parmi les créations de Zanabazar présentées dans cette exposition, celle de Tārā verte et de Tārā blanche est emblématique. Stūpa, mandala, thangka, instruments de musique, objets rituels et sacrés, masques de danse tsam, sculptures en bronze, œuvres et objets personnels de Zanabazar, permettront de comprendre comment les lamas devinrent les dirigeants du Tibet et comment les Mongols se convertirent au bouddhisme.

Un peu d’histoire sur la Mongolie

Avec une superficie dépassant les 1.560.000 km², équivalent à environ trois fois la France, la Mongolie est le septième plus grand pays asiatique et l’un des plus grands États continentaux au monde. Elle partage ses frontières avec la Russie au Nord et la Chine au Sud. Sa capitale, la grande ville est Oulan-Bator. Près de 30% des 2,8 millions d’habitants sont nomades ou semi-nomades. La Mongolie présente la densité de population la plus basse du continent soit environ 1,5 habitant par km². Elle se situe sur un vaste plateau montagneux incliné d’Ouest en Est dont 80% des espaces se situent à plus de 1.000 mètres d’altitude. Ces vastes espaces sont, toutefois, loin d’être des déserts. La culture traditionnelle des pasteurs nomades y demeure vivante. Les températures descendent régulièrement autour de -40° en hiver dans la plupart des régions et peuvent dépasser +40° en été dans le désert de Gobi.

Des steppes mongoles à la période protohistorique

De l’âge du Bronze (env. IIe mille. av. n. ère) aux débuts de l’âge du Fer (env. 1000 av. n. ère-200 av. n. ère), des changements importants interviennent dans les communautés humaines de Mongolie. Une plus grande densité des communautés humaines s’accompagne naturellement d’une richesse accrue dans le domaine de l’expression artistique dont les témoignages parsèment encore la steppe mongole et rendent compte de ces bouleversements. Relativement abondants en Mongolie, les pétroglyphes sont des vestiges artistiques importants permettant de mieux appréhender les modes de vie antiques. Tantôt considérées comme les empreintes territoriales de groupes culturels, les symboles d’un espace sacré ou les marques des mouvements de transhumance propres aux éleveurs antiques, ces gravures relient chronologiquement la Préhistoire à la Protohistoire locale. A l’âge du Bronze, l’iconographie de ces images piquetées et gravées s’attache à décrire les activités humaines et comprend des scènes d’élevage, de conduite de char, de guerre, voire de chasse.

Utilisation de la pierre

L’utilisation de la pierre se manifeste également, dès cette période, dans la construction  d’installations élaborées, en pierre sèche et parfois de grandes dimensions, dites kheregsüür, qui constituent les monuments les plus courants en Mongolie centrale. Figurant le plus souvent par groupes, chacun d’entre eux est constitué d’un tumulus central entouré d’une enceinte circulaire ou quadrangulaire à laquelle s’ajoutent éventuellement des cercles, chaussées ou autres monuments. D’une taille variant d’une dizaine de mètres à plusieurs centaines de mètres de diamètre, les plans des kheregsüür offrent des variantes. Néanmoins, ils demeurent fondés sur des figures géométriques simples : cercle, carré ou rectangle, bordées d’anneaux de pierres formant des arcs concentriques. Les kheregsüür semblent destinés à procéder à des rituels collectifs.

Parmi les monuments protohistoriques, il convient aussi d’évoquer les pierres à cerfs, des monuments parfois associés aux kheregsüür. Ces monolithes impressionnants, hauts de 2m à 2,5m en moyenne, couchés ou dressés dans la steppe, revêtent l’apparence de parallélépipèdes bombés en leur sommet. Des silhouettes de cervidés, d’astres, d’armes et plus rarement de scènes de combat, ainsi que de chèvres, de chevaux, de félins et d’argalis sont ainsi gravées en creux. Certaines pierres se trouvent aujourd’hui associées à des monuments de natures et d’époques différentes, non seulement des kheregsüür mais d’autres monuments tels que les tombes dites «à cistes» ou «à dalles».

Les tombes à cistes

Les tombes à cistes sont traditionnellement considérées comme datant de la fin de l’âge du Bronze, au début de l’âge du Fer, dans une fourchette large entre les VIIIe et le IIIe siècles avant notre ère. Elles occupent une large part de la Mongolie, en particulier à l’Est et au centre du pays. Regroupées en petits cimetières, elles ont donné lieu à des découvertes de céramiques tripodes, de couteaux de bronze, de parures telles que des perles de turquoise ainsi que d’outils, en os ou en corne. À ces inhumations est souvent associée la présence effective d’animaux sacrifiés et notamment d’équidés     - signe d’un temps où le cheval devient l’animal de prédilection de ces hommes qui devaient maîtriser l’art équestre comme leurs contemporains de l’ouest de la Mongolie, Scythes ou Sakas. Vers la fin du IIIe siècle avant notre ère, les Xiongnus, héritiers de ces traditions anciennes, vont jeter les bases d’une civilisation originale, sans doute la première de l’histoire de la Mongolie à rayonner sur un immense territoire.

La puissance du peuple XIONGNU

Les Xiongnus décrits par Sima Qian (env. 145-86 av. n. ère) apparaissent dans les sources classiques chinoises vers la fin du IVe siècle avant notre ère mais font véritablement irruption dans l'histoire écrite en 245 avant notre ère, à l'issue d'un affrontement avec l'État de Zhao.

Mentionnés en tant que peuple autonome jusqu’au IVe siècle de notre ère, leur puissance demeure prépondérante jusqu'au IIe siècle de notre ère. Durant cette période, ils vont faire trembler la Chine et constitueront le danger le plus important auquel devront faire face les dynasties Qin (221–207 av. n. ère) et Han (206 av. n. ère-220 de n. ère). Sur le territoire mongol, les Xiongnus auraient ensuite disparus, chassés vers l’ouest. Ces pasteurs vont régner sur les steppes de la Bouriatie méridionale, de la Mongolie et de la Chine du Nord. La Grande Muraille sera en partie édifiée pour endiguer leurs incursions vers le sud. Cavaliers aguerris et intrépides organisés en une confédération de clans, ils constituent une forme d’État qui s’apparente à un royaume ou à un empire, doté d’une administration, d’une force armée et entretenant des relations diplomatiques et commerciales avec les puissances voisines.

L’empire TÜRKS

Les sources écrites indiquent que les Xianbeis finissent par remplacer les Xiongnus dans les steppes et peu d’informations sont connues sur les quelques siècles qui précèdent l’établissement de l’empire des Türks. Parmi les empires des steppes, celui des Türks anciens, installés à partir du milieu du VIe siècle dans le secteur de la Mongolie actuelle, occupe une position importante. En ce qui concerne les origines des Türks, les historiens chinois nous rapportent plusieurs récits légendaires qui ont pour point commun d’indiquer l’existence d’un lien géographique ou familial des Türks aux Xiongnus. D’après les sources chinoises, les Türks relèvent d’un des nombreux clans du peuple Ruanruan durant la première moitié du VIe siècle et fondent un nouvel empire des steppes, en 552, sous la houlette de Bumin (r. 552-553) et d’Ištämi (r. 552-575) dirigeant respectivement les royaumes de l’Est et de l’Ouest : une division qui intervient à la mort de Bumin. C’est à cette époque que se forme le terme de türk, qui désigne à l’origine l’aristocratie et en vient bientôt à signifier l’ensemble du peuple. Divisé en royaume de l’Est et de l’Ouest, le centre névralgique du premier - d’une importance religieuse autant que sociale - était l’Ötükan, c’est-à-dire les Monts Khangaï. Les relations des éleveurs nomades avec la Chine sont primordiales dans ce royaume de l’Est qui occupe une position dominante. Le second royaume türk, dirigé dans un premier temps par Ištämi Khagan, voit son centre principal localisé dans l’actuelle province du Xinjiang, dans l’Ouest chinois. Il partage des frontières avec l’empire Sassanide (224-651). Les successeurs d’Ištämi conduisent une politique de séparation du royaume Türk occidental, encouragés en cela par les empereurs chinois de la dynastie Sui (581-618) qui souhaitent ainsi maintenir en situation de faiblesse l’empire des Türks, ce qui ne manque pas d’arriver dès 584, sous le règne de Tardu Khagan (r. 575-603) et ce, malgré les victoires militaires notables qui renforcent le royaume permettant, par exemple, de contrôler le Nord de l’Afghanistan.

En 657, l’empire chinois des Tang (618-907) parvient à transformer, pour plus de 20 ans, le royaume des Turks occidentaux en un protectorat. L’apogée de l’empire Türk intervient alors sous les règnes de Kül Tegin et de Bilge Kağan (r. 716-734). L’empire s’étend alors de la Caspienne à la Mandchourie et certains territoires occidentaux sont repris sur l’empire des Tang. Suite à l’expansion islamique en Asie centrale, les frontières de l’empire deviennent plus incertaines. Parallèlement, des luttes internes, liées à la succession des Kagan, amènent progressivement la désagrégation de la puissance türk.

Le Bouddhisme en Mongolie

L’histoire de la Mongolie est liée dans une large mesure à son sol, son climat, son peuplement mais aussi à des facteurs religieux : le bouddhisme en particulier. Important vecteur d’unification des nomades à partir du XVIe siècle, le bouddhisme assurera également la transmission des savoirs depuis l’Inde sanskrite, le Tibet lamaïque et la Chine mandchoue. Padmasambhava, «le Maître très Précieux», l’un des maîtres spirituels de l’Inde du nord-ouest, introduit le bouddhisme au Tibet sous sa forme tantrique ou Vajrayāna au VIIIe siècle. Un peu plus tard, Milarepa (1040-1123), un yogi, se fait le chantre de son rayonnement. Mais c’est Tsongkhapa (1359-1419), fondateur de l’ordre des Gelugpas, qui fera l’objet de la plus grande vénération en Mongolie à partir du XVIe siècle. Zanabazar (1635-1723), forte personnalité du bouddhisme mongol, établit une dynastie qui ne s’éteindra qu’avec la disparition du dernier pontife en 1924. L’église bouddhique, alors église d’État, détient tous les pouvoirs : religieux, politique, économique et culturel. L’une de ses manifestations les plus spectaculaires et les plus populaires sont les danses tsam ; des représentations costumées mimant certaines grandes épopées divines, produites lors de fêtes sur le parvis des temples. Un ensemble de masques témoigne de la singularité de ce langage.

L’iconographie du bouddhisme mongol

C’est au milieu du XVIIe siècle qu’un prince mongol descendant de Gengis Khan fit nommer son fils «Bouddha vivant d’Ourga», initiant ainsi une lignée de pontifes incarnés qui avait commencé avec un disciple du bouddha. Aussi un lien puissant venait d’être établi entre les Mongols et le Bouddha historique. Dans ces conditions, on comprend que ce bouddha particulier trône au centre du panthéon du bouddhisme mongol. Comme toute icône en Mongolie, il peut être indifféremment peint sur un thangka ou fondu dans le bronze. Sa posture, ses mudrās, ainsi que certains autres signes servent à l’identifier. Le bouddha Jowo représente le jeune prince Siddhārta, paré. Le bouddhaShākyamuni est dépeint méditant assis dans la posture du lotus, le bouddha Bhaishajyaguru, «Maître des remèdes» tient dans sa main droite le fruit du myrobolan, Vajradhara, «le Bouddha suprême», serre contre sa poitrine la cloche et le foudre diamant. Ce dernier, en union avec sa compagne, incarne l’accomplissement de la méditation tantrique. Amitābha, Akshobhya, Ratnasambhava, Maitreya, autant de figures avec une iconographie spécifique que saura reconnaître le pratiquant pour pouvoir choisir, avec son maître, la divinité qui lui correspond et qu’il intériorisera. Dans sa démarche, il peut être aidé par des bodhisattvas, des êtres compatissants qui ont refusé le nirvāna pour aider les hommes, tels Avalokitésvara, Manjushrī ou Vajrapāni qui, non seulement peuvent revêtir des formes humaines mais encore sont souvent parés d’attributs mondains. Parmi les bodhisattvas de nature féminine, l’un des plus vénérés en Mongolie est Tārā, la «Salvatrice», une déesse représentée sous deux aspects principaux, actif, Tārā verte, ou passif, Tārā blanche.

Le bouddhisme mongol, héritier du bouddhisme tibétain, incorpora nombre de divinités d’origine hindoue converties en figures gardiennes. Mahākāla est la forme bouddhisée d’un aspect terrible du dieu hindou Shiva. De couleur bleue sombre, il fut adopté par les Gelugpas  comme l’un des grands Protecteurs de la Doctrine de même que Yamāntaka, manifestation farouche de Manjushrī à têtes et à bras multiples représenté souvent en union avec son épouse ou encore Hayagrīva, un aspect courroucé d’Avalokitésvara dépeint dans une attitude de danse.

Le ritualisme mongol

Le ritualisme, l’un des traits dominants du bouddhisme mongol, a besoin pour assurer sa transmission non seulement des maîtres mais aussi des textes. Il existe une importante littérature qui, d’une part rapporte les recueils des enseignements des grands maîtres avec leurs commentaires et, d’autre part, des descriptions des pratiques cultuelles, de leur symbolisme et des multiples figures de panthéon auxquelles elle s’adresse. Ces sutras peuvent être manuscrits, xylographiés ou imprimés, le plus souvent sur des papiers épais produits spécialement en Chine du Nord ou au Tibet. Dans certains cas, le papier est teint, voire laqué. On peut utiliser de l’encre de différentes couleurs, mais pour les ouvrages les plus précieux, on va jusqu’à réduire en poudre de la nacre, des perles, du corail, des turquoises, des lapis-lazuli, de l’argent ou de l’or afin d’obtenir une substance d’un extrême raffinement mêlée à un liant pour écrire. A compter des XVIe et XVIIe siècles, les principales langues liturgiques sont le sanskrit et le tibétain, les traductions mongoles restant plus rares. Plus universelles sont les versions enluminées comme l’Histoire de Nāgārjuna qui attestent le talent inné de conteur des illustrateurs mongols.

Les objets précieux des lamas

Pour exercer leur sacerdoce, les lamas disposent d’une riche gamme d’objets rituels. Le foudre diamant vajra, le plus emblématique de tous est associé à l’illumination. Il va de pair avec la cloche, la coupe crânienne et le vase à ablutions. La dague rituelle ou phurbuest utilisée pour conquérir les esprits maléfiques et lever les obstacles. La coupe crânienne figurée fréquemment sur les thangka symbolise l’impermanence et la mort. Elle contient, lors des rituels, des ingrédients végétaux ou minéraux. Le couperet accompagne traditionnellement la coupe crânienne. Il permet de trancher les «effigies » en matériaux périssables, représentant les esprits mauvais. Les vases revêtent la forme d’aiguière avec un bec verseur. Ils contiennent de l’eau lustrale et sont utilisés dans les cérémonies d’initiation et lors de rites de purification. Les cornes sont souvent remplies de graines ou de liquides utilisés lors de rituels de subjugations spécifiques.

Les temples et les monastères

A partir du XVIIe siècle, l’histoire de la Mongolie est inextricablement liée à celle du bouddhisme. En quatre siècles, la steppe se couvre de plusieurs milliers de temples et de monastères. Toutefois, beaucoup furent détruits lors des persécutions religieuses à la fin des années 1930. Ne subsistent aujourd’hui, à l’exception des constructions nouvelles, que quelques grands ensembles historiques. Citons parmi eux, Erdene Zuu, fondé par Abataï Khān en 1585 sur l’emplacement de Kharakhorum l’ancienne capitale des gengiskhanides, Amarbayasgalant Khiid, dans le nord de la Mongolie, édifié grâce aux empereurs mandchous entre 1727 et 1735 pour abriter les restes de Zanabazar ou encore Gandantegchinlin Khiid, vaste complexe installé dans l’ancienne Ourga, l’actuel Oulan-Bator dont la construction a débuté en 1838.

Plus généralement, l’architecture des temples demeure modeste, identifiable à la Roue de la Loi flanquée de deux gazelles qui coiffe l’édifice. A l’intérieur du vaisseau central, entre les colonnes, s’alignent des rangs de coussins et de tables basses pour les repas et les prières des moines. Sur les bas-côtés, les images, les signes de bon augure côtoient les masques tsam et les instruments de musique. Au fond du temple, au nord, de chaque côté de l’autel, se trouvent les trônes des abbés et des lamas réincarnés. Sur l’autel est installée l’icône de la divinité principale devant laquelle sont déposées des offrandes.

Zanazabar : le fondement

Chez les Khalkhas, ethnie principale de la République de Mongolie, l’église bouddhique, en-dehors de son rôle spirituel évident, s’affirme comme une institution politique et, fait remarquable dans une société rebelle à toute tentative de centralisation, comme un facteur d’unité durable. C’est dans ce contexte et face à l’avancée des Mandchous et de la «tibétisation» de la société mongole, que Gombo-dorji, le gengiskhanide alors régnant, fait en 1638 de son fils cadet, alors âgé de trois ans, une réincarnation sacrée (Khubilgan) en présentant ce garçonnet comme la figure de proue d’une unité escomptée, réceptacle vivant de l’esprit de Gengis Khan et d’une divinité bouddhique, encore indéterminée à cette époque. Ainsi apparaît le premier bouddha vivant de Mongolie, Jebtsundamba Zanabazar, appelé communément Öndör gegeen, qui se distingue et marque l’histoire de la Mongolie par sa participation active aux affaires politiques et religieuses. La création de cette lignée sainte se révèle, à long terme, une réussite politique due à la valeur humaine et intellectuelle exceptionnelle de Zanabazar et à une longévité fort rare dans les steppes : né en 1635, il meurt en 1723 à l’âge de 88 ans. Zanabazar reçoit une éducation mixte, mongole et tibéto bouddhique, dans son khanat natal de Tüshietü-Khen, auprès des moines. Il ne se rend au Tibet qu’à l’âge de  quatorze ans pour recevoir les hautes initiations et l’enseignement requis pour l’exercice de sa dignité  auprès du panchen lama et du dalai-lama.

Il joue aussi un rôle prépondérant dans l’art mongol des XVIIe et XVIIIe siècles. Inventeur d’un curieux alphabet phonétique d’aspect décoratif appelé l’écriture soyombo, architecte de lieux saints, philosophe et poète imprégné et passionné de culture bouddhique, Zanabazar est doué de multiples talents, mais c’est surtout dans les domaines de la peinture et de la sculpture qu’il excelle. Ses œuvres combinent harmonieusement les canons classiques de l’art religieux de l’Orient et une profonde connaissance de l’anatomie humaine tout en offrant un modèle authentique de l’aspiration à la beauté chez les Mongols. Ainsi, parmi les statues de Zanabazar présentées dans cette exposition, celle de Tārā verte, Vajradhara, incarne le symbole parfait de la beauté féminine. Les œuvres de cet artiste sont autant de témoignages de la richesse culturelle de la Mongolie et de la place que ce pays occupe dans le patrimoine mondial.

La reconnaissance : Gengis Khan et le Dalaï-Lama

En 1206, Gengis Khan, alors connu sous le nom de Temüjin, se fait reconnaître par l’Assemblée des Tribus comme Tchinggis Khaan, grand khan universel, empereur. Par cet acte, il fonde l’État mongol. Avec ses conquêtes, il va constituer l’empire mongol que ses fils et petits-fils agrandiront. Quand Gengis Khan unifie les tribus mongoles, le système de pensée et de religion dominant est le chamanisme. Ce système de pensée n’étant pas adapté aux visées de Gengis khan, ce dernier a recours à la croyance en un Ciel unitaire, le tengri, garant de la puissance sans partage du souverain. Cependant ce tengrisme, proto-religion dépourvue de rites solennels et de dogmes élaborés, ne pouvait plus satisfaire les descendants du Conquérant du Monde après qu’ils se soient frottés à la civilisation chinoise.

L’histoire mongole est marquée par deux éléments majeurs. Le premier est le souvenir de l’époque glorieuse de Gengis Khan et de son effort unitaire,  restés très présent dans l’esprit des Mongols. Aussi, le titre de grand khan, qui s’est maintenu dans la lignée gengiskhanide, est contesté et jalousé par les autres princes. Il s’est transmis dans la lignée gengiskhanide jusqu’à l’annexion des Mongols du Sud par les Mandchous dans les années 1630.

Le bouddhisme tibétain

 

Le bouddhisme tibétain est le deuxième élément ayant marqué les esprits mongols. Le premier contact des Mongols avec le bouddhisme tibétain s’est fait au XIIIe siècle avec l’adoption de cette religion par Kūbilaï Khān. Bien que l’aristocratie mongole ait suivi le mouvement, le bouddhisme n’a pas vraiment pris. Son retour en force est intervenu au XVIe siècle à la suite de la conversion d’Altan Khan,  khan des Tümet. Ce dernier, par Kūbilaï Khān, est issu de la lignée des gengiskhanides, mais appartient à une branche cadette. Altan Khan est l’initiateur de la réintroduction généralisée du bouddhisme tibétain, qui n’avait d’ailleurs pas totalement disparu en Mongolie, ce qui explique la rapidité et la force de sa renaissance au XVIe siècle. La conversion d’Altan Khan et de sa famille en 1578 est déterminante puisqu’à cette époque pouvoir temporel mongol et pouvoir religieux tibétain font cause commune. Ce fut une manœuvre stratégique et politique à long terme, profitable aux deux parties. Lors d’une rencontre organisée entre Altan Khan et Seunam Gyamtso, troisième successeur (par réincarnation) de Tsongkhapa, fondateur de la secte des Gelugpas, Altan Khan le reconnaît comme chef suprême des lamas et lui octroie donc le titre de dalai-lama. Il faut savoir que le mot dalaï est d’origine mongole et signifie « océan ». Il définit quelqu’un atteignant la sagesse, à la puissance et à la compassion infinies. Les deux prédécesseurs du chef du mouvement gelugpa sont alors proclamés, à titre posthume premier et deuxième dalai-lama.

C’est donc à un prince mongol d’origine gengiskhanide que remonte la reconnaissance de l’universalité d’un pouvoir religieux tibétain (le titre de lama ne s’applique qu’aux plus hautes fonctions monastiques et non à l’ensemble des moines). De son côté, le nouveau  dalaï-lama proclame Altan Khan réincarnation de Khubilaï Khan, ce qui lui vaut un surcroît de prestige. Le prince mongol devient de ce fait beaucoup plus que les autres khans, plus que le grand khan lui-même puisqu’il était Kūbilaï Khān en personne alors que les autres n’étaient que ses descendants. A partir de cet événement, le mouvement d’adhésion s’étendra rapidement parmi les Mongols.

Remerciements au Musée des Arts asiatiques de Nice pour sa précieuse aide sur l’histoire mongole.

Musée des Arts asiatiques de Nice

Musée du Conseil général des Alpes-Maritimes

405, Promenade des Anglais - Arénas - 06200 Nice

Tél. : 33 (0)4 92 29 37 00  Fax : 33 (0)4 92 29 37 01

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