Le Parlement arménien a ratifié mardi l’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI), provoquant le courroux de Moscou qui a condamné une décision « erronée », un nouveau différend entre les deux alliés traditionnels aux relations désormais tendues.
Les élus arméniens se sont exprimés en faveur de la ratification du statut de Rome, traité fondateur de la CPI, à 60 voix contre 22. La Russie voit cette adhésion d’un très mauvais œil, la Cour ayant émis au printemps un mandat d’arrêt contre le président Vladimir Poutine pour la « déportation » d’enfants ukrainiens vers la Russie.
Sans surprise, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a critiqué une décision « erronée », disant douter que cela soit « correct du point de vue des relations bilatérales ». Il a estimé qu’Erevan n’avait d’ailleurs « rien de mieux » que l’alliance avec Moscou, tout en condamnant une nouvelle fois le mandat d’arrêt « illégal » émis par la CPI contre M. Poutine.
« Effet dissuasif » face à une potentielle invasion
Mais l’Arménie espère que son adhésion lui offrira une protection supplémentaire contre son puissant voisin azerbaïdjanais, qui vient de remporter une victoire militaire éclair, mettant fin au séparatisme des Arméniens du Haut-Karabakh. Erevan, qui accuse la Russie de l’avoir abandonné face à un adversaire bien plus riche et mieux armé, s’inquiète désormais pour la sécurité de son territoire.
Rejoindre la CPI « créerait des garanties additionnelles pour l’Arménie » face à l’Azerbaïdjan, avait plaidé lors de l’ouverture des débats mardi Eghiche Kirakosian, un responsable arménien chargé des affaires de justice internationale.
Ratifier ce statut garantit qu’une potentielle invasion de l’Arménie « relèvera de la compétence de la CPI », ce qui aura un « effet dissuasif », avait-il déclaré devant les élus arméniens. L’Arménie avait signé le statut de Rome en 1999 mais ne l’avait pas ratifié, évoquant alors des contradictions avec sa Constitution – un obstacle levé depuis. Les partis d’opposition, qui contrôlent 36 des 107 sièges au Parlement, avaient protesté contre l’ouverture des débats un peu plus tôt en quittant la séance.
Passivité des troupes russes
Dès jeudi, le Kremlin avait prévenu qu’une adhésion serait perçue comme « extrêmement hostile ». « Nous espérons bien sûr que ces décisions ne vont pas avoir d’impact négatif sur nos relations bilatérales », avait ajouté le porte-parole Dmitri Peskov.
Cette nouvelle brouille survient au moment où les relations entre l’Arménie et la Russie traversent une zone de turbulences. Erevan, qui s’était rapproché de l’Occident ces derniers mois, s’est sentie lâché pendant la récente offensive de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh – ce que le Kremlin nie.
La Russie avait déployé il y a trois ans une force de maintien de la paix dans ce territoire après une brève attaque de l’Azerbaïdjan. Mais ses troupes n’ont pas bougé lors de la dernière offensive éclair de Bakou. Mardi, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a pourtant applaudi l’action de ce contingent, remerciant les soldats pour leur « altruisme et professionnalisme, qui ont permis d’éviter de nouvelles victimes ».
600 morts et 100.000 réfugiés
Au total, près de 600 morts sont à déplorer dans le sillage de l’offensive. Depuis, le Haut-Karabakh a été presque entièrement désertée par ses habitants, avec plus de 100.000 réfugiés – sur les 120.000 habitants y vivant officiellement – ayant fui en Arménie par crainte de représailles de l’Azerbaïdjan.
Cette région montagneuse peuplée essentiellement d’Arméniens, qui la considèrent comme ancestrale, avait proclamé unilatéralement son indépendance de l’Azerbaïdjan en 1991 après la chute de l’Union soviétique, avec le soutien de l’Arménie. Les séparatistes du Haut-Karabakh, jamais reconnus par la communauté internationale, se sont opposés pendant plus de trois décennies à Bakou, notamment lors de deux guerres entre 1988 et 1994 et à l’automne 2020.
Ces affrontements ont empoisonné les relations entre Arménie et Azerbaïdjan, qui se vouent une haine tenace. L’Arménie avait aussi accusé les troupes azerbaïdjanaises d’avoir violé sa frontière en mai 2021 pour prendre le contrôle d’une petite partie du territoire frontalier.
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