L’état de santé d’Alexandra Skotchilenko, une artiste russe en détention provisoire depuis 18 mois pour avoir dénoncé la guerre « insensée » en Ukraine, se dégrade et sa condamnation à une peine de prison ferme constituerait « une catastrophe », alerte sa mère Nadejda, dans un entretien à l’AFP à Paris.
L’artiste et musicienne de 33 ans, originaire de Saint-Petersbourg, a été arrêtée en avril 2022 pour avoir remplacé les étiquettes de prix sur des produits dans un supermarché par des messages dénonçant l’invasion russe en Ukraine. Son procès s’est ouvert en décembre dernier.
Maintenue en détention malgré une santé précaire, elle attend le verdict qui pourrait être rendu d’ici la fin de l’année. Sa condamnation pourrait aller jusqu’à 10 ans de prison. « J’essaye de ne pas y penser, j’espère un miracle », a déclaré lundi à l’AFP Nadejda Skotchilenko. Sa fille souffre d’une maladie intestinale chronique et d’un problème cardiaque congénital. « Une peine de prison ferme serait une catastrophe pour Sasha », dit sa mère, utilisant le diminutif du nom de sa fille.
Alexandra a été une enfant à la santé fragile et a passé beaucoup de temps dans les hôpitaux, raconte cette femme âgée de 60 ans, qui n’a pas travaillé jusqu’à ce que sa fille ait 14 ans pour s’occuper d’elle et tenter de lui offrir la possibilité de « vivre une vie normale ». Depuis l’arrestation, la santé de la jeune femme se détériore rapidement, explique-t-elle. Alexandra Skochilenko ne peut manger de gluten, mais un régime diététique est difficile sinon impossible à suivre en prison, et sa condition cardiaque s’est aggravée. Elle souffre d’arythmie et de douleurs de poitrine, selon ses proches. « J’ignore combien de temps il lui faudra pour recouvrer la santé », dit sa mère, qui a quitté la Russie au printemps dernier.
Elle subit une véritable « torture »
Toutes les demandes pour placer Alexandra en résidence surveillée ont été rejetées, car sa sœur vit en France et il y a donc risque de fuite, selon la justice russe. Nadejda estime que sa fille subit une véritable « torture » pendant les audiences de son procès, qui « peuvent durer parfois de six à huit heures », et où « Sasha n’est pas autorisée à emporter de l’eau avec elle ».
La jeune femme est inculpée d’avoir répandu de « fausses informations » sur les forces armées russes et d’être mue par une « haine politique ». Toute critique de l’invasion russe de l’Ukraine est illégale en Russie et passible de lourdes peines d’emprisonnement depuis le déclenchement de la guerre en février 2022.
En dépit des risques, Alexandra Skochilenko avait remplacé des étiquettes dans un supermarché par de courtes phrases dénonçant le conflit, en particulier le siège meurtrier par l’armée russe de Marioupol, qui a fait au moins 20.000 morts dans les premiers mois de la guerre selon les autorités ukrainiennes, et se trouve sous contrôle russe depuis le printemps 2022.
« Poutine nous ment depuis 20 ans », lisait-on sur un de ces messages. « La conséquence de ces mensonges est que nous sommes prêts à justifier une guerre et des morts insensées. » En dépit de tout, Alexandra Skotchilenko est apparue combative pendant les audiences de son procès, et souriante dans la cage réservée aux accusés. Selon sa mère, elle n’a jamais exprimé le moindre regret.
« Le mépris de tous les besoins humains »
Dans une lettre depuis sa prison en septembre, l’artiste avait estimé que son acte n’avait pas été vain, puisqu’il avait montré au monde que des Russes protestaient contre la guerre. Elle décrivait les dures conditions de vie des prisonniers en cellule, expliquant qu’ils n’avaient pas d’eau potable et que la nourriture qu’on leur donnait conviendrait à des « animaux errants ». « La chose la plus dégoûtante dans les prisons russes est le mépris de tous les besoins humains les plus basiques et les plus élémentaires », écrivait-elle.
Lev Ponomarev, un défenseur des droits humains âgé de 82 ans exilé en France, a exhorté les gouvernements occidentaux à faire des échanges de prisonniers avec la Russie pour qu’Alexandra Skotchilenko et d’autres dissidents emprisonnés, comme le député moscovite Aleksei Gorinov ou l’opposant Vladimir Kara-Mourza puissent sortir de prison. « Ils sont malades », a-t-il dit lors d’une conférence de presse dans les locaux d’Amnesty International à Paris.
Nadezhda Skotchilenko assure que sa fille ne se laissera pas briser. « Elle survivra, elle est très forte. Mais à quel prix ? »
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