Le petit frère de l’auteur de l’attentat jihadiste d’Arras, au cours duquel a été tué le professeur Dominique Bernard, a récemment demandé à être réinterrogé pour « éclaircir » sa version des faits, assurant être « complètement innocent ».
« Je pense que j’ai mal rapporté des propos » tenus lors d’échanges avec son frère Mohammed Mogouchkov avant l’attentat », a-t-il déclaré lors de son interrogatoire le 9 mai, dévoilé par RTL et dont l’AFP a eu connaissance.
« Comme la décapitation ou des trucs comme ça, je me souviens en avoir parlé avec lui mais ce n’était pas aussi grossier », a assuré à la juge d’instruction le petit frère, lui-même mis en examen et placé en détention provisoire.
Au cours de l’enquête, Mohammed Mogouchkov avait expliqué avoir intentionnellement tué le professeur de lettres Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, pour s’attaquer au symbole de « l’amour » de la France.
Âgé de 16 ans, son jeune frère a été mis en examen pour complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Dans la foulée du drame, le frère, qui possédait un couteau, avait confié en garde à vue avoir répondu aux questions de Mohammed sur son maniement « quelques semaines avant l’attentat ». « Je lui ai appris comment le tenir, la lame vers le bas, vers l’avant, mais je ne savais pas du tout que c’était réel », avait-il déclaré. « À chaque fois, je lui disais que c’était pour se défendre. »
« J’ai grossi certains propos »
Début mai, il a observé devant la juge d’instruction que « tous les éléments » qui l’« accablaient » dans l’information judiciaire étaient ceux qu’il avait lui-même « exposés » aux enquêteurs. Mais, avec « le stress », « j’ai grossi certains propos ». Par exemple, son frère ne lui a pas donné rendez-vous « au paradis » la veille de l’attentat, mais lui aurait dit : « On se retrouve dans un endroit meilleur. »
Et s’il était coupable, pourquoi aurait-il parlé « en garde à vue dès le début alors qu’il aurait pu se taire et rien dire ? ».
« Mohammed ne se battait jamais », a-t-il aussi récemment affirmé à une psychiatre qui réalisait son expertise. « C’est pour ça que je ne pensais pas qu’il allait poignarder quelqu’un. » Il analysait la radicalisation de son frère comme une progressive « fermeture d’esprit ».
« On peut être intelligent, cohérent et avoir la haine », a-t-il ajouté. À ses yeux, commettre un attentat « n’a aucun bénéfice pour les deux côtés, victimes et assaillants ». Contacté, son avocat Me Ambroise Vienet-Legué n’a pas souhaité commenter.
De son côté, Mohammed Mogouchkov a également répété avoir agi seul. « Personne n’était au courant, ni de près, ni de loin d’une quelconque attaque », a-t-il affirmé le 16 avril à la juge. Toutefois, son frère aurait-il pu déduire son projet d’attaque ? Non, « c’était quelque chose de trop grand » pour qu’il puisse être alerté par des « petits signaux ». Son avocat, Me Verlaine Etame Sone, n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Une « tonalité vengeresse et persécutoire »
Son expertise psychiatrique, dévoilée par BFM et consultée par l’AFP, relève un événement marquant pour la fratrie Mogouchkov : l’expulsion en 2018 de leur père, fiché S pour radicalisation islamiste.
L’assaillant était alors lycéen. Planifier l’attentat dans son ancien lycée serait « un retour à un événement traumatique historiquement et géographiquement localisé », avec une « tonalité vengeresse et persécutoire », analyse l’expert.
Le jeune frère estime même que toute la famille aurait dû être expulsée, y être « 300% favorable », car le départ du père a pesé sur sa fratrie. À ses yeux, son père Yagoub, « mal intégré », appliquait sa religion « sans faire de mal à personne » mais « la laïcité n’est pas compatible avec l’islam ». « Les moutons c’est avec les moutons. Les vaches avec les vaches. On se sent mieux entre nous, donc là-bas », dit-il au sujet de l’Ingouchie, petite république du Caucase en majorité musulmane qu’il idéalise et où il n’a jamais été.
Le père de Mohammed, Yagoub Mogouchkov, qui réside maintenant en Arménie, avait condamné l’acte de son fils. Néanmoins, il avait affirmé en vouloir à la France qui « pratique une politique de provocation avec les caricatures du prophète Mahomet » et interdit l’abaya dans les collèges et le hijab, d’après Le progrès.
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