La réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans a été requise mardi l’encontre de Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, jugé devant la cour d’assises spéciale de Paris pour complicité dans l’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines) le 13 juin 2016.
« Évidemment que Mohamed Lamine Aberouz était associé à ce projet criminel », a lancé une des deux avocates générales lors de réquisitions à deux voix.
Le 13 juin 2016, Jessica Schneider, 36 ans, fonctionnaire de police au commissariat de Mantes-la-Jolie, a été égorgée sous les yeux de son fils de trois ans par Larossi Abballa. L’assaillant, qui était connu des services de renseignement et a revendiqué son acte au nom de l’organisation terroriste État islamique (EI) dans une vidéo, a ensuite tué de neuf coups de couteau Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux, qui s’apprêtait à rentrer chez lui. Larossi Abballa a été abattu par les policiers du RAID lors de l’assaut pour libérer l’enfant du couple.
Une « trace ADN pure »
Ce crime avait profondément traumatisé la police. Pour écouter les réquisitions, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, avait pris place au premier rang des bancs du public. La présence d’une « trace ADN pure » de l’accusé au domicile des deux fonctionnaires « signe de façon irrévocable la complicité de Mohamed Lamine Aberouz dans les crimes commis par Larossi Abballa », a affirmé la représentante du parquet avant de réclamer « la peine maximum » prévue par la loi.
Durant tout le réquisitoire, d’environ trois heures, Mohamed Lamine Aberouz est resté prostré dans le box, laissant apparaître seulement le haut de son crâne. Son frère aîné, Charaf-Din Aberouz, condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste en 2011, était présent dans la salle d’audience pour soutenir son frère.
« Il y a l’adhésion avec l’idéologie de l’organisation terroriste État islamique, la proximité et l’influence sur Larossi Abballa, la méthodologie et la connaissance de Mohamed Lamine Aberouz qu’on retrouve dans la revendication, son ADN sur l’ordinateur des victimes, l’absence d’alibi, (…) la destruction de preuves immédiatement après l’attentat, les propos évolutifs et les incohérences. Évidemment qu’il est coupable », a résumé l’avocate générale. « Ce n’est évidemment pas le rigorisme religieux de Mohamed Lamine Aberouz que l’on juge », avait auparavant précisé sa collègue, rappelant que dans un « État de droit », « on ne juge pas les gens pour leurs idées, aussi désagréables soient-elles ».
« Nous sommes tous Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider »
Pour autant, a rappelé sa collègue, Mohamed Lamine Aberouz a fait part à l’audience de « sa haine pour la démocratie et la République et son rejet de la laïcité ». Ami d’enfance du tueur, Mohamed Lamine Aberouz répond de complicité d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique, complicité de séquestration de mineur et association de malfaiteurs terroriste criminelle.
« Nous sommes tous Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider », a déclaré la première avocate générale en ouvrant les réquisitions. « C’est évidemment parce qu’ils étaient policiers que Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider ont été pris pour cibles », a-t-elle souligné. « La question du pourquoi n’a jamais fait de mystère. À travers eux, c’est notre République, ses valeurs, ses fondements qui étaient visés ». La magistrate a aussi fait part de sa « conviction » que « Mohamed Lamine Aberouz était présent au moment des faits au domicile du couple Schneider-Salvaing ».
L’accusation repose essentiellement sur une trace ADN, retrouvée sur le repose-poignet de l’ordinateur portable des victimes. Pour le ministère public cet élément prouve que l’accusé était présent à leur domicile le soir de l’assassinat. La défense de Mohamed Lamine Aberouz soutient que cette trace provient d’un « transfert » d’ADN depuis la voiture de Larossi Abballa, où ont aussi été isolées des traces génétiques lui appartenant. La semaine dernière, des experts ont qualifié cette hypothèse de peu probable, sans l’exclure totalement.
Mohamed Lamine Aberouz affirme s’être rendu dans une mosquée des Mureaux le soir du double assassinat mais aucun témoin, sauf certains de ses frères, n’a pu le confirmer durant l’enquête ni à l’audience. Les avocates générales ont également insisté sur la « destruction d’éléments de preuves aussitôt après l’attentat ».
Dans la nuit du 13 au 14 juin, Mohamed Lamine Aberouz a réinitialisé son compte de messagerie Telegram, puis déposé des ordinateurs, tablettes et clés USB chez un ami. « J’ai eu peur », s’est-il justifié, en évoquant sa proximité avec Larossi Abballa. Les avocats de la défense Vincent Brengarth et Nino Arnaud devaient plaider l’acquittement de leur client mardi après-midi. Le verdict est attendu mercredi.
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