Attentat de Nice : l’enquête sur les mesures de sécurité franchit un cap important

4 mai 2019 11:49 Mis à jour: 4 mai 2019 11:49

La vidéosurveillance n’avait pas permis de détecter les repérages du terroriste, et l’hypothèse d’une attaque au camion-bélier n’avait pas été retenue : avec l’audition récente de protagonistes majeurs, l’enquête sur les mesures de sécurité déployées lors de l’attentat de Nice en 2016 a franchi un cap.

L’attentat, qui avait fait 86 morts sur la Promenade des Anglais, avait été suivi quasi immédiatement par une intense polémique opposant la mairie au gouvernement autour du dispositif prévu.

Le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile par les parents d’un garçonnet mort dans l’attaque avait entraîné l’ouverture d’une information judiciaire. Elle avait été confiée à deux juges d’instruction chargés d’enquêter pour « mise en danger de la vie d’autrui », mais qui envisagent aujourd’hui d’élargir l’enquête à la qualification d’« homicide et blessures involontaires », davantage susceptible de déboucher sur un procès.

Depuis deux ans, ces magistrats se sont en particulier intéressés à la vidéosurveillance et ses éventuelles failles, dans une ville de France parmi les plus équipées en caméra : Nice compte en permanence 15 à 20 agents postés devant des écrans au « Centre de supervision urbaine » (CSU), à l’initiative du maire Les Républicains (LR) Christian Estrosi, lui-même récemment entendu sous le statut de témoin assisté.

Dans les jours précédant l’attentat, Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait multiplié les passages et les infractions sur la promenade des Anglais au volant du poids lourd qu’il utilisera pour perpétrer son attaque, sans être repéré.

« On ne l’a pas vu. Il y a tellement de camions qui passent sur la Promenade des Anglais, notamment pour livrer les plages, donc ce n’est pas évident », a répondu aux enquêteurs une opératrice, qui dit avoir été « formée par (des) collègues plus anciens ».

Le système de vidéosurveillance de la ville est « sophistiqué » mais « confié à des fonctionnaires sans réelle formation« , selon l’enquête consultée par l’agence France Presse (AFP), évoquant « une formation sur le tas » et « une méconnaissance des arrêtés réglementant la circulation ».

Une trentaine d’agents de la vidéosurveillance de Nice ont été entendus et leurs documents de travail examinés. « Pour les journées des 11,12, 13 et 14 juillet aucune consigne relative à la surveillance de la Promenade des Anglais n’y était mentionnée », selon un rapport d’enquête.

« Qui peut croire que s’agissant d’un attentat terroriste, un des plus meurtriers, il aurait pu être évité par une formation à la circulation, exigée par aucun cadre réglementaire ? », s’est défendue la mairie auprès de l’AFP. « Concernant les opérateurs du CSU, il n’existe aucun cadre réglementaire imposé par le ministère de l’Intérieur qui définit les formations de polices municipales. Pour autant, à Nice, nos (agents) reçoivent une formation interne dispensée par des agents également formateurs pour d’autres municipalités ». 

Au fil des 4 000 pages de dossier, les juges d’instruction ont aussi cherché à savoir qui a décidé de renoncer à un dispositif de barrières et filtrage du public, et pourquoi aucun plot, même en plastique rempli d’eau ou de sable, n’a été posé pour protéger la foule.

« C’est simple et peu coûteux. Que ce soit une Twingo ou un 19 tonnes, ça ne passe pas ! », critique Me Yassine Bouzrou, l’avocat qui défend le couple à l’origine de la plainte, rejoint depuis par quelque 150 parties civiles.

S’agissait-il d’un manque de temps, de moyens, d’effectifs ? « Nous n’avons jamais imaginé un camion de 19 tonnes », a récemment répondu aux juges qui l’interrogeaient François-Xavier Lauch, directeur de cabinet du préfet de l’époque, aujourd’hui chef de cabinet d’Emmanuel Macron, lui aussi entendu sous le statut de témoin assisté.

M. Lauch, qui a reconnu avoir joué un « rôle-clé » dans la validation du choix du dispositif de sécurité, a aussi assuré que la menace d’un camion-bélier n’avait jamais été envisagée « au cours des préparations de l’Euro » 2016 de football organisé en France et qui s’était achevé le 10 juillet.

« Le fait qu’un individu ait pu se mettre au volant d’un 19 tonnes et arriver à une telle vitesse était pour moi inenvisageable« , a-t-il déclaré, selon ces éléments de l’enquête consultés par l’AFP.

En plein état d’urgence, la menace était pourtant suffisamment élevée pour que la mairie interdise les kermesses dans les écoles.

D. S avec AFP

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