Le gouvernement iranien dévoile mardi le budget 2019 dans un pays où l’économie souffre de maux profonds qui ne sont pas uniquement le fait des sanctions économiques rétablies par les Etats-Unis.
Le rial iranien a perdu environ la moitié de sa valeur depuis l’annonce en mai par le président américain Donald Trump du retrait de Washington de l’accord international de 2015 limitant le programme nucléaire de Téhéran, suivie du rétablissement de sanctions économiques. Cette situation a entraîné une hausse des prix et bloqué la plupart des investissements étrangers que le président iranien Hassan Rohani espérait attirer. Le Fonds monétaire international (FMI) prédit désormais une contraction de 3,6% de l’économie iranienne en 2019.
Mais ces maux économiques sont bien antérieurs aux sanctions, relèvent des analystes. « Criblé d’actifs fictifs et de prêts non performants, (le secteur bancaire) représente le plus grand problème » du pays, affirme l’économiste iranien Mohammad Mahidashti. Sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), les banques avaient accordé des prêts importants sans se préoccuper de la capacité des bénéficiaires à les rembourser.
En mars, la commission économique du Parlement a affirmé que des prêts d’un montant de 27 milliards de dollars (24 milliards d’euros) faisaient l’objet d’un défaut de paiement. A cours de fonds, les banques ont désespérément tenté d’attirer de nouveaux dépôts en offrant des taux de rémunération très élevés à 30% voire plus. Si cela leur a initialement permis de renflouer leurs réserves, ces taux exorbitants ont fragilisé encore plus leur situation financière.
M. Rohani a récemment affirmé que les banques privées « en mauvaise santé » étaient maintenues à flot par des emprunts permanents à la Banque centrale. L’essoufflement en 2013 d’un boom de la construction a laissé ces banques avec nombre de biens immobiliers invendables sur les bras. « Nous avons près de deux millions de maisons vides en Iran. Il n’y a simplement plus de demande », affirme Narges Darvish, professeur d’économie à l’Université Alzahra à Téhéran.
Mais le gouvernement ne veut pas laisser tomber le secteur bancaire, craignant une réaction négative de la population après les manifestations de 2017 provoquées notamment par l’effondrement de prêteurs douteux.
Le rétablissement des sanctions américaines n’est pas non plus la seule cause de la dévalorisation du rial.
En septembre, le gouverneur de la Banque centrale, Abdolnasser Hemmati, a pointé « une croissance effrayante de la masse monétaire ». Selon l’institution, le volume de liquidités circulant dans l’économie iranienne a augmenté de 24% par an ces quatre dernières années. Face au manque d’opportunités d’investissements rentables et sûres dans leur pays, les Iraniens ont souvent décidé de convertir leurs rials en dollars.
Quand le spectre du retour des sanctions s’est fait plus menaçant début 2018, accentuant la dépréciation du rial, le gouvernement a réagi de manière désastreuse, estime l’économiste Mousa Ghaninehzad. « Ils (les gouvernants) prétendent croire au libre marché mais ils n’ont aucune stratégie cohérente », affirme-t-il à l’AFP.
En avril, le gouvernement avait ainsi instauré un taux de change fixe par rapport au dollar (1 dollar américain pour 42.000 rials) et ordonné la fermeture des bureaux de change, provoquant un sentiment de panique. Quelques mois plus tard, Téhéran a reconnu son erreur, rouvert les bureaux de change et licencié le gouverneur de la Banque centrale.
Les autorités ont aussi poursuivi des dizaines de personnes accusées d’avoir profité de la situation pour spéculer et au moins trois hommes d’affaires ont été exécutés depuis octobre. Mais le mal était fait pour le rial. Les importations sont aujourd’hui largement plus coûteuses qu’auparavant et plus difficiles à effectuer en raison des sanctions. Conséquence: le prix des denrée alimentaires a augmenté de près de 56% entre novembre 2017 et novembre 2018, selon la Banque centrale.
Le fort contrôle de l’Etat sur l’économie, directement ou par l’intermédiaire d’actionnaires majoritaires liés au gouvernement ou à l’armée, accentue le manque de dynamisme de l’économie et l’étouffement du secteur privé, notent des analystes. Selon l’économiste Ehsan Soltani, les industries contrôlées par l’Etat, comme la sidérurgie ou la pétrochimie, bénéficient d’énormes subventions (environ 35 milliards d’euros) chaque année via des réductions sur les prix du carburant et de l’électricité. Mais elles ne génèrent guère de bénéfices ni d’emplois.
Avec le retour des sanctions, les investissements étrangers tant espérés par le secteur privé ne se sont pas concrétisés. En attendant, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a déploré que les efforts des autorités pour encourager la transparence financière se heurtaient à l’opposition de certains groupes d’intérêts bien établis.
D.C avec AFP
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