Un milliardaire, des secrets et le goût de l’Orient : l’achat d’un somptueux riad à Marrakech en janvier 2010, au cœur du procès pour blanchiment des Balkany, est en réalité une affaire « très simple », a expliqué lundi le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) au tribunal correctionnel de Paris.
« C’est très simple M. le président », lance Patrick Balkany, d’une voix forte accompagnée d’un geste ample.
S’il nie toujours résolument être le propriétaire de ce riad de plus de 1 200 m2, dont l’acquisition via un montage offshore virtuose lui vaut d’encourir avec son épouse jusqu’à 10 ans de prison, il donne pour la première fois des explications détaillées.
Sous l’œil de l’imperturbable président Benjamin Blanchet, il raconte une histoire de milliardaire saoudien dont il faut satisfaire « les caprices » pour sauver un contrat mirobolant pour la ville de Levallois en lui dénichant une villa orientale « de mauvais goût » à Marrakech, une « maison secrète » pour un cheikh en perdition à la cour d’Arabie.
L’homme dont il parle, Mohamed Al Jaber, est poursuivi pour corruption active pour avoir réglé une partie du prix du riad en échange de délais de paiement supplémentaires dans un juteux marché immobilier à Levallois. Ce qui vaut à Patrick Balkany d’être aussi jugé pour « corruption passive ».
Le puissant maire de Levallois a une explication pour tout : il assure tenir du bras droit du promoteur saoudien que « le cheikh Al Jaber », « criblé de dettes », avait « de gros ennuis ». « Parce qu’en Arabie saoudite, quand ça se passe mal, on a très peur ».
« Il a besoin d’une maison secrète au Maroc (…) et il ne veut pas qu’on sache qu’elle est à lui », explique Patrick Balkany, tout en affirmant qu’à Levallois, on ne voulait pas laisser filer le potentiel acquéreur de « 250 millions de droits à construire » pour doter la ville de tours que la City pourrait envier.
« J’ai dit à Jean-Pierre (Aubry, alors directeur général de la Semarelp, société d’aménagement de Levallois), vois ce que tu peux faire. J’ai visité quelques maisons, je savais qu’il voulait quelque chose de très oriental. D’un goût… A moi on ne l’aurait jamais proposée », affirme-t-il.
« Voilà toute l’histoire de la villa de Marrakech, qui n’est pas à nous, qui est la planque de M. Al Jaber avant qu’on lui coupe la tête en Arabie saoudite », conclut-il, satisfait.
Le président reformule : « Vous voulez dire que M. Al Jaber a un besoin impératif de disposer d’un bien au Maroc pour sa sécurité personnelle, parce qu’il est en danger dans son pays ? »
Réponse de Patrick Balkany : « Il était aux abois », en « très mauvais termes avec la famille royale ». Remonté, Mohamed Al Jaber viendra à la barre rassurer le tribunal sur ses affaires et dire qu’il n’était « pas du tout menacé ».
Patrick Balkany veille aussi à déminer le dossier pour son épouse et son fils : Isabelle – toujours absente pour raisons médicales – a été chargée « d’aller faire quelques emplettes pour la maison », tandis qu’Alexandre « l’a louée » à M. Al Jaber via une SCI – détenue à 99% par une société panaméenne créée par une fiduciaire suisse.
Alexandre Balkany vient d’être cuisiné par le tribunal pour la signature de deux baux de location, considérés comme fictifs par les enquêteurs et qui lui valent d’être jugé pour blanchiment de la fraude fiscale imputée à ses parents.
Deux éléments pèsent lourd dans la balance des juges : l’achat de 41 000 euros de meubles par Isabelle Balkany – « les emplettes » dont parle son époux – en juillet 2009 alors que le premier bail locatif n’est signé qu’en 2011, et les déclarations de Geneviève Euloge, gérante du riad qui a contesté avoir « proposé la villa » à la location à Alexandre Balkany comme il le dit.
Alexandre Balkany affirme qu’elle se trompe. « La maison a été mise à notre disposition jusqu’à la signature du bail », dira aussi le fils Balkany. Par qui ? Pourquoi ? Le tribunal n’aura pas de réponse.
Les débats se poursuivent mardi, au cœur des accusations de corruption.
D. S avec AFP
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