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Au Rajasthan, les dromadaires du désert se reconvertissent

février 5, 2019 6:53, Last Updated: février 5, 2019 6:53
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Fini le temps où les longues caravanes de dromadaires du nomade Lakshman Raika transportaient passagers, vivres et eau à travers les déserts du Rajasthan: l’emblématique animal à une bosse, délaissé par la société indienne moderne, est en reconversion professionnelle.

Dans l’ouest aride de l’Inde, les dromadaires autrefois surnommés « les vaisseaux du désert » étaient indispensables à la vie des hommes. Mais le développement a eu raison d’eux: les trajets par la route sont désormais nettement plus rapides et, dans les champs, les machines les ont remplacés.

« Il n’y a pas si longtemps, les hiérarchies du village dans nos communautés se déterminaient par la taille du troupeau de chaque famille. Plus maintenant », regrette Lakshman Raika en fumant une pipe traditionnelle et en buvant son thé en bordure de Rani, un village isolé du Rajasthan.

Les dromadaires, « ces temps-ci, sont traités comme des vieillards, personne ne s’intéresse à eux », déplore ce gardien coiffé d’un turban rouge qui, en un an, a dû réduire de moitié son troupeau pour limiter les coûts d’entretien. Le prix de l’animal ayant plongé, il a cédé nombre de ses bêtes à des proches contre une somme modique.

En quelques années, la population de dromadaires a baissé d’environ 30% en Inde, selon le Centre national de recherche sur le dromadaire, un institut public. « La situation est préoccupante », confirme N.V Patil, directeur de ce centre établi à Bikaner au Rajasthan, à 500 kilomètres au sud-ouest de la capitale New Delhi.

Un marché de niche est toutefois en train de naître, qui offre une occasion inespérée aux propriétaires de camélidés de leur trouver un nouvel emploi: chocolats, savons et crèmes pour la peau faits à base de lait de dromadaire sont de plus en plus prisés dans les villes du géant d’Asie du Sud. Fondée il y a trois ans, la société de Hitesh Rathi, l’un des premiers investisseurs arrivés sur ce créneau, achète ainsi jusqu’à 7.000 litres de lait de dromadaire par mois.

« Ce marché et la demande pour le lait de dromadaire et les produits associés croissent indéniablement. Mais c’est un défi de faire connaître l’existence de ces produits tout en mettant en avant leurs avantages », dit cet homme d’affaires à l’AFP. Vendre du lait de dromadaire peut en effet s’avérer compliqué dans un pays où la vache est révérée. Le lait du bovin est bu non seulement pour ses vertus alimentaires, mais aussi spirituelles.

La texture plus épaisse et le goût plus salé du lait de dromadaire nécessitent aussi d’habituer le palais des consommateurs. Le breuvage est cependant vanté pour son caractère nutritif. D’après les chercheurs, son niveau élevé d’insuline et de protéines le rend particulièrement adapté aux diabétiques. D’ores et déjà, le marché montre des signes encourageants.

Amul, l’une des plus grosses sociétés laitières d’Inde, commercialise depuis janvier du lait de dromadaire en bouteille dans des supermarchés urbains de l’État du Gujarat (ouest). La coopérative proposait déjà une variété de chocolat faite à partir de ce même lait. Assurer la régularité de l’approvisionnement et le contrôle de sa qualité reste toutefois compliqué sur ce marché émergent, où se rencontrent des tribus semi-nomades et de jeunes sociétés.

Mais pour R.K. Sawal, un responsable du centre de recherche sur les dromadaires, ce commerce pourrait à terme permettre de stabiliser le nombre de dromadaires. « Ces communautés traditionnelles auront une incitation économique à garder leur troupeau, à mesure que la demande pour le lait et les autres produits du dromadaire augmente et que le secteur mûrit », explique-t-il.

A la célèbre foire de Pushkar, rassemblement annuel prisé des touristes pour ses scènes hautes en couleurs et où des dizaines de milliers de bêtes sont mises en vente, les transactions de dromadaires sont en berne. Les autorités espèrent enrayer ce déclin en mettant en lien les propriétaires de dromadaires avec des entrepreneurs en quête de matières premières pour leur nouvelle gamme de boutiques spécialisées dans les produits issus du camélidé: lait, chocolats, fromages, glaces…

Rakesh Raika, fils de Lakshman, constitue la neuvième génération de gardiens de troupeaux de son clan. Désormais, il trait et vend le lait des dromadaires de la famille, lui permettant ainsi d’engranger de petits bénéfices tout en maintenant les traditions.

« Si ce n’était pour lui », dit-il en parlant de son père assis non loin et qui se prélasse sous le soleil d’hiver du désert, « nous aurions déjà vendu le troupeau ».« Nous espérons vraiment que ce marché pour le lait de dromadaire va prendre. Ça aidera beaucoup les communautés comme la nôtre ».

D.C avec AFP

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