Soudan : le groupe paramilitaire russe Wagner fait profil bas pour préserver ses intérêts

Par Epoch Times avec AFP
2 mai 2023 18:00 Mis à jour: 2 mai 2023 18:44

Wagner, implanté au Soudan depuis des années, bénéficie d’un accès privilégié aux mines d’or du pays, mais le groupe paramilitaire russe se fait discret depuis le début samedi des affrontements qui opposent l’armée régulière aux très redoutées Forces de soutien rapide (FRS).

Les ambitions africaines de la société militaire privée (SMP) fondée par Evguéni Prigojine, fidèle au président russe Vladimir Poutine, sont illimitées. Et nul doute qu’elle entend sortir sans dommage des combats.

Opportunisme

Sous le régime du dictateur Omar el-Béchir, la Russie était l’un des rares pourvoyeurs d’armes du Soudan, sous embargo international. En 2017, le général Béchir promet aux Russes une base navale sur la mer Rouge. Elle n’a toujours pas vu le jour. Après la chute en 2019 de Omar el-Béchir, Khartoum s’éloigne un peu de Moscou.

Le chef de l’armée soudanaise, le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan (à g.), et Mohamed Hamdan Daglo (à dt.), qui commande les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF). (Photo AKUOT CHOL,ASHRAF SHAZLY/AFP via Getty Images)

Mais en octobre 2021, le commandant de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, prend le pouvoir. Son numéro deux Mohammed Hamdane Daglo dit « Hemedti », chef des paramilitaires des FSR, revendique leur proximité avec les Russes : « Si un pays veut une base sur nos côtes, que cette base satisfait nos intérêts et ne menace pas notre sécurité, qu’elle soit russe ou autre, nous coopérerons. »

L’or soudanais

Le Soudan regorge de métal précieux, dont une immense majorité est exportée illégalement. Nombre de mines sont tenues par les FSR de Hemedti. Wagner agit via la société M Invest d’Evguéni Prigojine et sa filiale Meroe Gold, qui s’installe au Soudan en 2017. Elle travaille avec la société Aswar, contrôlée par les renseignements militaires soudanais.

Le groupe de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a établi la preuve d’un contrat entre Meroe et Aswar. La société russe se voit aussi exemptée en 2018 de la taxe de 30% imposée par la loi soudanaise aux sociétés aurifères.

Contrairement au Mali ou en République centrafricaine (RCA), le groupe « est resté relativement opportuniste au Soudan plutôt que loyal à une faction particulière », explique à l’AFP Catrina Doxee, du think-tank américain CSIS. Ce qui lui permet de continuer à extraire de l’or après la chute de Omar el-Béchir, puis le coup d’Etat d’octobre 2021.

L’Occident voit rouge

La situation est d’autant plus propice aux accords clandestins que Khartoum est sous le coup d’une série de sanctions et d’un embargo sur les armes, imposés en 2005 par l’ONU pendant le conflit sanglant du Darfour (ouest) et que l’économie est exsangue.

Après la chute de Omar el-Béchir, Washington retire en 2020 le Soudan de sa liste des pays soutenant le terrorisme. L’aide internationale reprend, mais s’arrête de nouveau suite au coup d’État. En 2020, le Trésor américain sanctionne par ailleurs les deux sociétés de Wagner ainsi que leurs responsables.

Evguéni Prigojine « et son réseau exploitent les ressources naturelles du Soudan pour leur gain personnel et pour répandre leur influence », déclare à l’époque le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin.

« Campagnes de désinformation » et « fermes à trolls »

Car il n’est pas question que d’or. « Les campagnes de désinformation visant les utilisateurs soudanais des réseaux sociaux font partie intégrante de leurs tactiques depuis 2017 », affirme un récent rapport de l’ONG Global initiative against transnational organized crime.

Wagner excelle dans les campagnes de déstabilisation et de manipulation des opinions via ses « fermes à trolls« . Début 2022, un membre des services de sécurité soudanais affirmait à l’AFP que « des experts russes sécurisent les communications et analysent les réseaux sociaux pour des institutions liées à l’État ».

La SMP forme aussi des services de sécurité. « La présence de personnels paramilitaires russes au Soudan ne fait aucun doute », écrivait en 2020 pour l’Institut français des relations internationales (IFRI) le chercheur russe Serguei Shukankin.

Burhane ou Hemedti ?

En février, au Soudan, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a défendu les opérations de Wagner en Afrique, « déployé à la demande des gouvernements » et « contribuant à normaliser la situation dans la région ».

Quel rôle joue Wagner dans les combats entre Burhane et Hemedti ? « Aujourd’hui, pas un seul combattant de Wagner n’est au Soudan », a affirmé mardi Evguéni Prigojine sur Telegram. « Et c’est comme ça depuis deux ans ». Les analystes s’accordent, avec quelques nuances, sur un opportunisme logique. Les Russes « sont comme les Emiratis et les Chinois : du moment que les affaires continuent et que leur influence demeure, que le meilleur gagne », assure Roland Marchal, du CERI à Paris.

L’historique des liens entre Hemedti et Wagner pourrait peser, relève Colin Clarke, directeur de recherche au Soufan Center à New York. « Mais comme avec n’importe quel groupe de mercenaires, la loyauté et l’allégeance va à celui qui signe les chèques ». Wagner a survécu à bien des soubresauts et « va probablement chercher des moyens de sortir de la tempête avec ses intérêts intacts », souligne Catrina Doxee.

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