Au Zimbabwe, la beauté des cases peintes, un artisanat féminin

Par Epoch Times avec AFP
12 novembre 2024 10:30 Mis à jour: 12 novembre 2024 10:45

Le soleil rougeoyant caresse les motifs audacieux peints sur sa case ronde au toit de chaume : dans le sud-ouest du Zimbabwe, Peggy Masuku montre aux visiteurs ses mélanges de pigments de terre, de charbon et de cendre qui servent à créer les tons mats de ses œuvres géométriques.

A 54 ans, elle est reconnue parmi les plus douées des femmes qui maîtrisent cet art traditionnel dans le paysage somptueux du parc national de Matobo, entre collines de granit et rochers en équilibre qui sont autant de repères spirituels.

Peggy Masuku pose pour une photo à Matobo, Matabeleland, le 29 septembre 2024. (Photo ZINYANGE AUNTONY/AFP via Getty Images)

Ces peintures de maisons en terre ont gagné en notoriété. Leurs motifs se retrouvent dans la mode et le design jusqu’en Europe, apportant des revenus non négligeables aux artisanes de ce coin rural d’Afrique australe.

Pour la discrète Peggy Masuku, tout a commencé lorsque sa belle-mère lui confie, en tant que plus jeune fille de la famille, la tâche d’étaler une pâte de bouse de vache sur les murs et les sols des huttes, technique traditionnelle d’entretien des structures. « Elle veillait à ce que je le fasse à la perfection. Au début, j’ai cru qu’elle abusait, avant de comprendre que c’était la meilleure formation », confie-t-elle à l’AFP.

Après, elle est passée à la peinture des murs extérieur des cases en terre battue, « comme le font les femmes âgées », et avec le temps, est devenue « très habile ».

Peggy Masuku renouvelle l’une de ses peintures sur sa propriété à Matobo, Matabeleland, le 29 septembre 2024. (Photo ZINYANGE AUNTONY/AFP via Getty Images)

La reconnaissance est venue quand elle a remporté plusieurs fois un concours local annuel créé en 2014 par une Française installée dans la région depuis plus de 30 ans.

Cette dernière, Véronique Attala, se souvient de son émotion lorsqu’au cours d’une randonnée, elle était « tombée par hasard sur une case magnifiquement décorée » dans le site classé par l’Unesco qui compte l’une des plus fortes concentrations de peintures rupestres d’Afrique.

Le projet de la Collection Matobo

Un nouveau projet, mené par l’ambassade allemande avec des partenaires locaux, commence à tester les perspectives commerciales de ces créations, reproduites sur des tissus, des pots de fleurs ou des abat-jour. Le projet de la Collection Matobo aide à trouver des marchés, notamment à l’étranger, les artistes recevant un droit de licence pour leurs dessins et des redevances pour chaque vente.

L’ambassade a fait appel à des avocats spécialisés pour aider les femmes à s’y retrouver dans les questions de droits d’auteur et de compensation. « L’objectif est de promouvoir l’art de ces femmes et, par conséquent, de sensibiliser à ce patrimoine culturel unique », explique l’attachée culturelle de l’ambassade, Katrin Simon.

« Au fil du temps, les significations se sont perdues »

La peinture de huttes est une tradition ancienne du peuple Ndébélé et ses motifs étaient à l’origine imprégnés de sens.

Des invités spéciaux habillés en tenue traditionnelle Ndebele assistent au festival culturel Indoni, le 13 décembre 2019, à Durban. Le festival Indoni, qui présente les traditions des provinces sud-africaines et vise à démontrer l’unité et la diversité unique du pays. (Photo RAJESH JANTILAL/AFP via Getty Images)

Il s’agissait d’un « mode de communication de la vision du monde ou des croyances, ainsi que des idéaux et valeurs » de ces villageois, explique l’historien culturel Pathisa Nyathi.

L’historien Pathisa Nyathi s’exprime lors d’une interview à Bulawayo, au Zimbabwe, le 18 février 2023. (Photo ZINYANGE AUNTONY/AFP via Getty Images)

« Au fil du temps, les significations se sont perdues et, en raison de l’interaction avec d’autres cultures, notamment occidentales, l’accent est désormais mis sur l’esthétique », ajoute-t-il.

« Je n’ai jamais imaginé que j’en tirerais un jour un revenu »

Encouragée par son succès, Peggy Masuku a reçu une commande pour peindre des bâtiments près des chutes Victoria, la principale attraction touristique du Zimbabwe, ce qui, elle l’espère, débouchera sur d’autres projets.*

Peggy Masuku montre ses talents de peintre en renouvelant l’une de ses peintures sur sa propriété à Matobo, dans le Matabeleland, le 29 septembre 2024. Zimbabwe. (Photo ZINYANGE AUNTONY/AFP via Getty Images).

Son amie Patience Ndlovu, 58 ans, enseigne son art à sa fille fonctionnaire de 26 ans, Nozipho, qui se dit « fière » de s’inscrire dans les pas des générations précédentes.

Elgar Maphosa, autre peintre de maisons, se dit impressionnée que les traditions de sa région « soient arrivées si loin ». « C’est une pratique routinière », souligne cette femme de 58 ans. « Je n’ai jamais imaginé que j’en tirerais un jour un revenu ».

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